Tout est dit dans la première lecture : on a l’impression que
c’est une nouvelle directive pour aujourd’hui… il s’agit même de
se couvrir le visage jusqu’aux lèvres…A l’occasion de cette
pandémie, beaucoup de personnes ont vécu ce que les lépreux
devaient vivre : être à l’écart, sans relations, ne voir personne.
On a en particulier mis en avant les personnes âgées en EHPAD qui
ne peuvent plus avoir de relations humaines. L’Evangile
prend pour aujourd’hui toute sa dimension.
Jésus accueille un de ces nombreux lépreux. Il est saisi de
compassion. Il est pris au ventre. Il accomplit alors un geste :
il étend la main, il le touche et il donne une parole de guérison
: je le veux, sois purifié. Jésus vient le guérir. Mais
immédiatement après il le remet en relation. Il ‘envoie se montrer
au prêtre. Ainsi il reprend sa place dans la société. Il n’est
plus dans une maison en dehors du camp. Ainsi c’est l’homme tout
entier que le Seigneur Jésus vient rencontrer. Il le remet debout,
il le remet en relation, il lui redonne une dignité, il lui
redonne une raison de vivre.
C’est ce que fait notre Dieu pour chacun. Il le fait par les
sacrements : une parole et un geste qui viennent nous guéri, nous
donner la force et nous mettre en relation. Il le fait au
quotidien. Jésus le Christ en permanence est pris de compassion
envers tous les hommes. A chacun il s’&approche, il touche, il
dit sa volonté de guérir et de purifier. C’est la source de notre
espérance et de notre confiance.
C’est aussi la source de notre mission. Parce que si Jésus le
Christ agit ainsi, nous aussi nous sommes invités à faire de même.
Nous participons à la mission de compassion et de guérison du
Christ. Nous pouvons nous aussi nous approcher, même en respectant
les gestes barrières… il y a tant de façon de nous faire proches.
Nous pouvons nous aussi redonner, remettre en relation, aider à ce
que chacun puisse trouver sa place dans la société. Le Pape
François l’a rappelé dans son message pour la journée des malades
:
« Unis au Christ par l’action de l’Esprit Saint, nous sommes
appelés à être miséricordieux comme le Père et à aimer en
particulier nos frères malades, faibles et souffrants. Et nous
vivons cette proximité, non seulement personnellement, mais aussi
sous forme communautaire : en effet, l’amour fraternel dans le
Christ engendre une communauté capable de guérison qui n’abandonne
personne, qui inclut et accueille, surtout les plus fragiles. »
Soyons donc, ensemble, avec le Christ Jésus, une communauté
capable de guérison.
Aujourd’hui dans ce passage d’Evangile, Jésus enseigne. Le mot
enseignement, enseigner revient comme un refrain tout au long du
texte. Jésus se présente comme celui qui parle dans une synagogue,
à Capharnaüm. Mais tout de suite, il est précisé que son
enseignement est bien particulier. Il fait autorité, ou plutôt sa
personne fait autorité. Et en plus son enseignement est nouveau.
Il apporte de la nouveauté.
Mais Jésus ne fait pas que parler. Il agit. Son enseignement ne
consiste pas en des paroles accumulées mais il met en œuvre, il
agit. Il s’attaque directement au mal. Il y a un combat entre
l’esprit impur symbole du mal, et celui qui est reconnu justement
par cet esprit impur comme le Saint de Dieu. Et c’est le Saint de
Dieu qui va gagner, qui va faire taire le mal qui ne pourra alors
ne faire qu’une seule chose : sortir. Il est plus fort que le mal,
il peut lui donner des ordres et le mal doit obéir. C’est ainsi
que se révèle la nouveauté de l’enseignement de Jésus. Il fait
effectivement taire le mal qui occupe le cœur de l’homme. Jésus
vient le libérer.
Accueillons aujourd’hui encore cette nouveauté et cette autorité.
Laissons-nous étonner. Laissons le Seigneur venir nous libérer.
Reconnaissons-le comme celui qui vient faire taire le mal dans nos
vies, dans le cœur de tout homme. Par notre baptême, nous
participons à cette action du Christ. C’est lui qui nous l’a dit
et qui nous envoie pour en vivre. Cela nous avons du mal à le
croire…. Nous sommes chargés avec le Christ et grâce à lui de
libérer l’homme enchaîné. Le croyons-nous vraiment ? Ne nous
évadons pas dans des images spectaculaires. Mais simplement, dans
nos quotidiens, dans ce qui fait notre vie, prenons conscience de
notre mission de libération, à la suite et avec le Christ. Nous
savons qu’une parole peut vraiment libérer. Regardons notre vie et
nous trouverons des exemples simples mais bien réels… une parole,
un geste, une attention, un engagement, une aide concrète, une
prière… et quand le mal semble occuper toute la place, que nous ne
pouvons rien faire, n’hésitons pas à tout remettre entre les mains
de celui qui est venu nous sauver de tout mal. Vivons, avec lui et
à sa suite, de l’autorité et de la nouveauté qu’a apportée le
Christ Jésus.
Ce passage d’Evangile peut nous paraître un peu trop simple,
voire simpliste : Jésus passe, il appelle ; Simon et André,
Jacques et Jean quittent tout, ils le suivent. Ces étapes
sont des résumés et nous disent bien la radicalité de l’appel et
de leur réponse. Il y a une démarche fondamentale qui engage toute
la vie.
Les futurs disciples sont présentés sommairement. Ils sont
frères, ils ont un métier précis et ils sont en train de
l’exercer. C’est donc au cœur de leur vie quotidienne, de leurs
relations, de leur travail, de ce qui fait leur vie qu’ils sont
appelés. L’appel du Seigneur vient nous rejoindre nous aussi dans
notre quotidien. Il n’est pas en dehors, dans un monde imaginaire.
L’appel de Dieu résonne toujours au cœur de notre vie, très
concrète.
Cet appel est traduit par ces mots : « je vous ferai devenir
pêcheurs d’hommes. » Il y a donc à la fois un changement, il
s’agit bien de devenir, de changer et une continuité : c’est
toujours dans la pêche qu’ils vont s’investir. Celui qui reçoit
l’appel va donc bien rester ce qu’il est… il ne va pas perdre sa
personnalité. Et pourtant il va changer, il va évoluer, il va
devenir. Il est appelé à inventer une nouvelle vie. Répondre à
l’appel de Jésus nous permet de mieux découvrir et être ce que
nous sommes vraiment. Il nous met en route, il nous fait devenir.
Et cet appel est un appel à suivre Jésus le Christ. C’est lui le
seul Maître, c’est lui qui passe le premier et le disciple va
marcher derrière lui. Cette suite implique des choix. Il y a
le petit mot « aussitôt » répété plusieurs fois. Suivre le Christ
ne permet pas de regarder en arrière. C’est un avenir qui est
toujours proposé.
Le Christ Jésus continue d’appeler aujourd’hui. Bien sûr nous
pensons aux vocations de prêtres ou de religieux, religieuses…
mais c’est à chacun d’entre nous que l’appel est lancé
aujourd’hui. Au cœur de ce qui fait notre vie, avec tout ce que
nous sommes, Jésus nous invite à inventer avec lui un avenir. Cet
appel, nous pouvons le découvrir en lisant ensemble la Parole. En
ce dimanche de la Parole, nous sommes invités à l’accueillir à
nouveau comme une Parole de vie et non pas comme des mots
difficiles à comprendre, ou bien d’un autre âge. C’est aujourd’hui
qu’elle résonne dans nos vies. Parole de vie, Parole de devenir…
Au début et à la fin de ce passage d’Evangile, il est question de
« poser son regard »… d’abord Jean Baptiste pose son regard sur
Jésus, puis à la fin c’est Jésus qui pose son regard sur Simon.
Poser son regard, c’est-à-dire porter de l’attention, entrer en
relation et se mettre en recherche, vouloir construire quelque
chose de solide, une relation forte. Jean le Baptiste est comme
nous. Il cherche à comprendre. Il voit Jésus qui va et vient. Il
veut comprendre le pourquoi de la vie de Jésus et il va même
jusqu’à le montrer et l’appeler : « Agneau de Dieu » c’est-à-dire
celui qui est attendu depuis longtemps et qui va donner sa vie
comme un agneau offert en sacrifice. Ce Jésus est vraiment celui
qui vient se donner, s’offrir pour toute l’humanité. C’est bien
normal alors de poser son regard sur lui.
Plus loin, c’est Jésus lui-même qui porte son regard sur Simon.
Il crée une relation avec lui et il va aussi lui donner un nom : «
tu es Simon, tu t’appelleras Pierre. » Jésus reconnait ainsi cet
homme et l’appelle pour le suivre. Il pose un regard d’amour qui
est une invitation pour devenir disciple, un véritable ami pour
partager avec lui sa mission, son annonce de la Bonne Nouvelle.
Jésus pose un regard qui est un envoi.
Nous pouvons bien nous retrouver chacun dans cette attitude à un
moment ou à un autre de notre vie. Nous aussi, nous cherchons.
Nous avons besoin de trouver du sens à ce que l’on vit, ce que
l’on fait. Nous ne pouvons pas simplement aller et venir. Il nous
faut donner un sens, répondre au pourquoi. Alors nous posons nos
regards en attente de mieux comprendre notre vie, notre histoire,
notre époque… et les questions ne manquent pas dans ces jours que
nous vivons. Nous avons besoin de reconnaître que quelqu’un est
venu et vient aujourd’hui porter avec lui ce qui fait notre vie et
lui donner un sens et un allant. Nous avons besoin de reconnaître
que Jésus est cet Agneau de Dieu qui a donné sa vie pour nous et
qui continue de le faire. Nous avons besoin de tourner, de poser
notre regard sur lui.
Mais il ne faut jamais oublier non plus que Jésus lui-même en
fait autant avec nous. Il pose son regard sur chacun d’entre nous
et il nous choisit, il nous envoie, il nous pousse. Il nous donne
mission pour tous les hommes. Son regard ne condamne pas,
n’enferme pas dans le passé ou les erreurs. Son regard est
positif, il nous met en avant. Son regard est toujours posé sur
nous, non pas pour nous surveiller ou nous punir… au cas où… non
il est là pour nous accompagner… C’est un regard qui voit dans
l’avenir. Il nous dit qui nous sommes et il nous appelle…
Derrière les expressions et les images employées dans cet
Evangile, se dessine, se devine toute le mystère de Jésus, le Fils
bien-aimé.
D’abord il est plongé dans l’eau du Jourdain. Il va au fond de
l’eau… eau signe de mort. On peut s’y noyer. Jésus va aller
jusqu’au plus profond de la mort, il est descendu aux enfers dit
le Credo. Mais il ne reste pas au fond. Il va remonter de l’eau,
dit l’Evangile. Il va passer la mort pour ressusciter. L’eau est
aussi signe de vie. Il va remonter, se lever. Le Christ Jésus est
mort et ressuscité.
Alors nous dit Saint Marc, il voit les cieux se déchirer et
l’Esprit descendre. Les cieux ne sont plus fermés. Le monde
de Dieu n’est plus coupé du monde de l’homme. Avec la venue de
Jésus, à Noël, le ciel se déchire… Dieu vient traverser les cieux,
il vient se poser sur la terre. Il est désormais chez lui
lorsqu’il est chez nous. Alors Dieu pourra dire : « Tu es mon Fils
bien-aimé ; en toit, je trouve ma joie. » Ces petits mots disent
cette relation unique entre le Père et le Fils. Il est le
Bien-aimé et il fait la joie de Dieu, il remplit le cœur du Père.
Contempler ainsi le Christ Jésus nous renvoie forcément à
nous-mêmes. Nous vivons le même itinéraire. Notre baptême nous
emmène sur ce même chemin. Nous aussi, nous avons été baptisés,
c’est-à-dire plongés dans la mort avec le Christ pour vivre avec
lui ressuscité, comme le dit Saint Paul. Par notre baptême, nous
pouvons remonter de l’eau, nous sommes avec le Christ plus forts
que toute mort. Pour nous aussi, le ciel se déchire et nous
pouvons entrer en relation intime avec Dieu. Il dit de chacun de
nous, à la suite du Christ : « Tu es mon Fils, ma Fille bien-aimée
» Dieu ose même dire qu’il trouve sa joie en nous. Le Pape
François a dit à Noël que Dieu vraiment nous surestime… Et nous le
savons : entrer dans cette relation fait de tous les hommes nos
frères et sœurs. Jean nous le redisait dans la deuxième lecture :
accomplir le commandement de Dieu c’est aimer Dieu et aimer les
enfants de Dieu. L’un ne va pas sans l’autre.
Redécouvrons notre baptême… Il nous donne une dignité
extraordinaire que nous n’aurons jamais fini de mesurer. Nous nous
sommes peut-être un peu habitués… nous sommes parfois des « vieux
baptisés « et cela n’a rien à voir avec l’âge. Renouvelons
la jeunesse de notre baptême. Recevons à nouveau cette déclaration
d’amour de Dieu : « Tu es mon Fils bien-aimé : en toi, je trouve
ma joie. »
Les mages sont très populaires à tel point qu’au long des siècles
beaucoup de traditions leur ont été rajoutés. Ils sont devenus
rois, ils sont au nombre de 3 etc… Mais au-delà du folklore, ils
peuvent être nos guides. Ils peuvent vraiment nous aider dans
notre marche, notre démarche de foi. D’abord ils cherchent, ils
sont curieux. Ils sont curieux de Dieu, de spiritualité. Ils
veulent trouver un sens à leur vie, alors ils se mettent en route.
Ils suivent une étoile. Ils ont trouvé un signe dans leur vie et
ils veulent connaître et comprendre. Ils rejoignent beaucoup de
nos contemporains … et nous-mêmes. Des signes nous sont donnés et
nous aident à nous mettre en route. Mais cela ne suffit pas.
Ensuite ils se mettent en relation avec d’autres. Ils échangent,
ils expliquent, ils discutent, ils cherchent avec d’autres. Les
autres sont plus ou moins bienveillants, mais ils entre en
discussion. Plus tard, ils vont ouvrir la Parole de Dieu. D’autres
vont chercher et trouver un éclairage dans cette Parole, dans
cette Révélation. Puis forts de ces échanges et de cette Parole de
Dieu, ils vont reprendre la route. Ils vont être prêts pour entrer
dans la reconnaissance : reconnaissance de ce Dieu qu’ils
cherchent. Ils entrent dans une grande joie, ils se prosternent,
ils peuvent offrir leurs cadeaux. Après cet acte de foi, ils vont
rentrer chez eux, mais par un autre chemin. Leur route a été
changée, leur vie en a été transformée.
N’est-ce pas l’itinéraire de notre foi ? Un chemin parfois un
chaotique avec des avancées et des reculs, mais un chemin qui nous
emmène jusqu’à la reconnaissance du Christ Sauveur. Notre foi
repose sur cet ensemble d’étapes. Des signes donnés et reconnus,
mais aussi discutés, échangés… nous ne sommes jamais seuls dans
l’histoire de notre foi. Et toujours à la lumière de la Parole de
Dieu échangée, mangée ensemble. Avec des temps de plénitude et de
reconnaissance où nous voyons, nous devinons la présence du
Seigneur. Et avec un temps de retour à notre vie quotidienne
transformée. La foi est une lumière. Avancer sur ce chemin c’est
recevoir une lumière, l’accueillir, la comprendre et c’est devenir
alors lumière pour les autres. La bénédiction finale le redira :
Que Dieu fasse de nous des lumières pour guider nos frères sur
leurs chemins.
Tout un programme pour une nouvelle année. Que les mages nous
accompagnent tout au long de cette année.
Un enfant a posé récemment la question : « Mais pourquoi on
raconte ce qui s’est passé il y a très longtemps aujourd’hui,
pourquoi on lit un texte aussi vieux aujourd’hui ? » C’est
justement ici que se révèle la foi des chrétiens. Nous nous
souvenons d’un évènement arrivé il y a très longtemps. Dieu est
entré dans notre histoire, la grande histoire. Il s’est fait
homme. Jésus est l’envoyé de Dieu. Il est venu partager ce qui
fait la vie des hommes avec les joies et les drames. Il l’a vécu
complètement, parfaitement, jusqu’au grand passage de la mort. Il
n’a pas fait semblant, il n’a pas posé le bout des pieds sur notre
terre, il a même été mis en terre. Mais il a aussi transformé ce
qui fait la vie humaine. Plus fort que toute mort, il est
ressuscité et vivant. Il est présent.
Dieu est entré dans la grande histoire. Mais à Noël, nous ne
faisons pas que nous souvenir d’un évènement du passé. Nous
croyons aussi que Dieu entre dans notre propre histoire. C’est
aujourd’hui qu’il vient. C’est aujourd’hui qu’il se fait l’un
d’entre nous. Si nous sommes réunis, si nous fêtons Noël, c’est
que nous croyons que Jésus vient partager notre vie, telle qu’elle
est. Notre vie marquée par des inquiétudes, des épreuves, des
bouleversements… et ils ne manquent pas tous ces temps-ci. Il
vient les partager et il vient apporter un sens nouveau, une vie
nouvelle. Il vient apporter un peu de paix, de tendresse. Il vient
apporter un peu de lumière dans la nuit. Il vient et il invite à
partager cette paix, cette lumière, cette tendresse dont nous
avons tous tant besoin. Il vient aujourd’hui nous inviter à
partager la vie.
Oui, aujourd’hui Dieu ne reste pas confiné. Il rejoint chacun.
Jésus, le Christ vient aujourd’hui dans l’intimité de notre vie.
Marie dit : « Que tout m’advienne selon ta parole. » Elle dit
oui, mais sa façon de dire oui est tout à fait particulière. Elle
a reçu une parole de la part de Dieu. Une parole qui n’est
constituée de mots alignés les uns sur les autres, mais une parole
qui est une promesse qui la touche au plus intime et qui aura des
conséquences pour tout un peuple et toute l’humanité, toutes les
générations. Elle reçoit cette promesse mais elle prend le temps.
Elle va poser des questions, elle va demander des précisions. Elle
ne dit pas un oui sans réfléchir. Elle accueille vraiment au plus
profond d’elle-même cette parole. D’abord elle est bouleversée,
elle se demande, elle se pose des questions sur ce que peut
signifier cette salutation, puis elle demande « comment cela
va-t-il se faire ? » Ainsi on voit bien une évolution, une
histoire. Il lui faut du temps pour aller jusqu’à sa réponse. Il
lui faut des étapes… rien n’est acquis. Ensuite seulement, elle va
pouvoir dire son acceptation de l’évènement. Elle reçoit la parole
au plus profond d’elle-même ; Elle la promesse, la parole qui va
prendre chair en elle-même. Le Verbe se fait chair. Il va entrer
dans l’histoire humaine, par Marie.
A quelques jours de Noël, Marie nous montre le chemin. Sa réponse
est aussi pour nous tout un programme, tout un modèle. Dieu est
entré dans l’histoire humaine. Je trouve que cette année, avec les
circonstances particulières que nous vivons et connaissons, nous
sommes invités à approfondir cette dimension. Dieu ne vient pas
dans un monde imaginaire. Noël n’est pas une belle histoire pour
faire rêver les enfants. Nous croyons qu’il est venu en Jésus dans
notre histoire et que c’est aussi aujourd’hui qu’il vient. Il
vient dans notre monde marqué par les inquiétudes, les peurs, les
contradictions, les solitudes mais aussi les gestes de solidarité
ou de proximité. Il vient là et pas ailleurs. Il vient aussi
dans notre vie, la plus intime, marquée elle aussi par toutes ces
épreuves, mais aussi ces joies et ses espérances. Il ne vient pas
ailleurs, c’est au cœur de notre vie qu’il vient.
Et Marie nous montre aujourd’hui le chemin pour l’accueillir. Un
chemin marqué bien sûr par les questions et les hésitations : «
comment cela va-t-il se faire ? » mais aussi marqué par cette
confiance en une promesse, confiance en une parole… la parole qui
se fait chair, qui prend corps aujourd’hui dans notre monde, dans
notre vie.
Dans cette étape dans le temps de l’Avent, un nouveau personnage,
un nouveau témoin nous est proposé : Jean le Baptiste. Comme son
nom l’indique, il baptise. Mais il le fait pour se préparer, pour
se purifier. Il baptise dit-il avec de l’eau. C’est une étape,
mais il y en aura une autre, plus importante, plus complète. Jean
Baptiste se présente toujours comme celui qui annonce la venue
d’un autre. Il le montre, et il s’efface derrière lui. Cet autre
qui va venir est plus grand, plus fort que lui. Lui, il ne fait
que l’annoncer, que préparer son chemin. Lui, il le montre et il
s’efface derrière lui.
Jean- Baptiste est un modèle pour nous, dans ce temps de l’Avent.
Nous sommes à notre place chargés d’annoncer ce même Seigneur, de
le montrer. Nous ne sommes pas à notre compte, nous ne sommes pas
propriétaire du Christ Jésus. Il est l’Autre que nous attendons.
Il nous dépasse, il nous surprend, il est plus grand que nous.
Jean Baptiste est le dernier des grands prophètes, c’est à dire de
ceux qui parlent au nom de Dieu. Nous sommes de par notre baptême
également prophètes. Nous sommes chargés de parler au nom de Dieu,
de dire, de montrer ce Dieu qui vient faire toutes choses
nouvelles. Et il y a tant à faire, tant à annoncer. Les chemins
sont bien souvent tordus. Il y a des ravins, des escarpements.
Notre monde a tant besoin de cette Bonne Nouvelle. Nous sommes
dans ce temps si particulier où l’approche des fêtes de Noël nous
réjouit, mais où la peur et la violence se sont bien installées
dans notre monde. Alors, comme le prophète Isaïe, comme Jean-
Baptiste, qu’allons-nous annoncer pour notre monde tel qu’il est ?
Ne faut-il pas redire ce qu’est le sens profond de Noël pour nous
? Une fête évidemment, mais pourquoi faire la fête, pourquoi se
réjouir ensemble ? Il nous faut rendre compte de notre foi, dans
le respect de chacun bien sûr… mais n’est-ce pas urgent de dire
explicitement ce qui fait notre foi ?
Oui, nous croyons que Dieu est entré dans notre histoire. Il est
venu prendre nos chemins et il est venu ouvrir un possible,
inaugurer un monde nouveau. Ce monde nouveau est commencé et il
est toujours à accueillir. A la suite de Jean- Baptiste et comme
lui, élevons la voix avec force pour porter la Bonne Nouvelle au
monde. Dieu prend soin de chacun…
Avec ce premier dimanche de l’Avent, la Parole de
Dieu nous invite à entrer dans une première attitude : Veillez.
Jésus le dit même à tous : Veillez. Il faut donc entrer dans cette
attitude fond pour bien accueillir Celui qui vient parmi à Noël.
Mais dans quel sens ? Il faut regarder ce que Jésus dit avant. Il
raconte une parabole, il fait une comparaison. C’est comme un
homme parti en voyage. Il y a donc au départ une absence. L’homme
n’est plus là, il a quitté sa maison, il est parti et il confie
tous ses pouvoirs à ses serviteurs. Chacun sait ce qu’il a à
faire. Comment ne pas faire le lien avec le Christ lui-même. Il
est absent, il n’est plus visible au milieu de nous… Nous ne
pouvons manger et boire avec lui, comme dit l’Evangile. Il est
parti en voyage et il a confié ses biens et ses pouvoirs. Il a
envoyé ses disciples. Il a confié une mission, un travail précis à
ceux qui veulent le suivre. Disciples de Jésus le Christ, nous
avons chacun reçu une mission. La mission de témoigner, de
rayonner de cette vie en plénitude qu’il est venu nous donner,
nous confier. Il n’a pas gardé pour lui ce trésor. Il a pris des
distances, non pas pour s’en désintéresser mais pour faire
confiance, pour le confier aux hommes. C’est pour cela que nous
sommes invités à veiller. La veille et la confiance vont ensemble.
Une veille non pas crispée comme pour garder un trésor, le
préserver des voleurs qui peuvent venir à tout moment. Mais une
veille pour s’assurer que la Bonne Nouvelle est annoncée,
partagée. Il ne s’agit pas de veiller pour garder au chaud. Il
s’agit de veiller pour que le Christ lui-même puisse être donné,
partagé, connu, aimé. Veiller pour qu’un évènement puisse vraiment
avoir lieu, se produire réellement dans notre monde.
Nous savons et nous l’expérimentons : notre monde a tant besoin
de cette Bonne Nouvelle, tant besoin de la venue du Christ, Fils
de Dieu. Notre monde traverse des inquiétudes et des épreuves.
Chacun en a l’expérience. C’est au cœur de ce monde-là que
quelqu’un est promis. Voici que nous attendons que Dieu lui-même
vienne aujourd’hui. Que son message d’amour et de paix, de
plénitude de vie pour chacun puisse devenir concret et réel…
La veille et la confiance vont ensemble. La veille et l’action
vont ensemble. La veille et le témoignage vont aussi ensemble.
Viens Seigneur Jésus. Qu’il rende ferme notre foi, joyeuse notre
espérance et constante notre charité.
La parabole des talents… on connait cette
interprétation évidente : chacun reçoit des talents, c’est à
chacun de les faire fructifier… si quelqu’un est doué en mécanique
ou en musique, qu’il développe la mécanique ou la musique. C’est
bien mais Jésus veut aller plus loin. Il nous parle de
quelqu’un qui s’absente pour longtemps : il part en voyage et il
confie ses biens à ses serviteurs. Se profile donc Jésus lui-même
qui va s’absenter, longuement. Et Jésus le Christ qui fait
confiance à ses serviteurs, qu’il appelle amis. Autrement dit, il
s’agit de la mission que chacun reçoit. Mission de dire, de
témoigner, de faire fructifier ce Royaume que Jésus lui-même est
venu inaugurer. La mission est confiée à chacun, mais chacun selon
ses possibilités, ses capacités. Mais ce n’est pas rien : il faut
savoir qu’un talent à l’époque c’est l’équivalent de quinze ans de
salaire d’un ouvrier. Ce maître confie donc une grande somme… que
ce soit un, trois ou cinq talents. La mission est grande et elle
nous est confiée. Dieu nous fait confiance.
Mais il faudra rendre des comptes. Pour les deux premiers, ils se
sont mis au travail immédiatement. Ils se sont engagés ; ils
disent « je », voici ce que j’ai fait. Le troisième lui, dit « je
» mais surtout se désengage, il rend simplement ce qui appartient
au maître. Il ne s’est pas investi : « tu as ce qui t’appartient »
rien ne s’est donc pas passé, pas d’évolution. Le statu quo. La
récompense va arriver. Complètement disproportionnée… pourtant la
somme confiée était grande mais le maître dit que ce n’était
qu’une petite chose, il va les faire entrer dans la salle de
banquet, dans la joie du maître. Ils vont entrer dans la plénitude
de la vie du maître. Le dernier devra rester avec lui-même, avec
son repli. Il restera serviteur mauvais, paresseux, bon à rien.
La mission nous est confiée. Qu’allons-nous en faire ? La
promesse nous est donnée : s’engager au service de la mission
c’est avancer vers la plénitude de la vie avec Dieu. C’est entrer
dans la relation, la relation avec lui. Mais il faut pour cela
accueillir le cadeau qui nous est fait et le faire fructifier.
Aujourd’hui nous sommes invités à ouvrir notre cœur aux pauvres,
en cette journée mondiale des pauvres. Nous savons qu’ils sont
nombreux, que les formes sont très variées. La mission qui nous
est redite aujourd’hui repose aussi dans l’ouverture aux pauvres,
l’attention, le regard, la possibilité de tendre la main. Dans le
temps de confinement que nous vivons, il y a tant d’occasions pour
inventer cette attention… le coup de téléphone, le petit service
rendu, la prière etc… sont autant de façons de développer nos
talents, autant de façon de vivre la mission. Heureusement le
Christ Jésus n’arrête jamais de nous faire confiance. C’est même
lui qui agit avec nous. Il nous donne déjà d’« entrer dans la joie
du Maître. »
« Ni le jour, ni l’heure… » Tout au long des lectures de ce
dimanche, il est question du temps, du jour et de l’heure. La
parabole évoque la nuit, la veille, le milieu de la nuit. Le
psaume parle de l’aube, et de la nuit. Et la première lecture
évoque l’aurore et le temps de la veille. Nous le savons, nous le
vivons : nous sommes bien inscrits dans le temps, dans toutes ses
dimensions et toutes ses formes : du lever au coucher du soleil et
de la nuit jusqu’à l’aurore. Cette parole de Dieu n’est donc pas
uniquement pour un moment, un instant, une fois mais elle vient
éclairer l’ensemble de notre temps que nous avons à vivre.
Autrement dit, il ne faut seulement comprendre la parole : vous ne
savez ni le jour ni l’heure, uniquement comme l’heure de notre
mort, toujours inconnue. Mais c’est une parole pour l’ensemble de
ce qui fait notre temps, pour l’ensemble de notre vie. Il s’agit
donc d’une parole pour notre temps, tel qu’il se présente avec les
peurs, les angoisses, les incertitudes, les menaces de terrorisme
et la crise sanitaire. Notre temps de confinement.
Dans ce temps-là précisément, Jésus nous donne cette parabole,
cette invitation à « sortir à la rencontre de l’époux. »
C’est-à-dire à sortir de nous-mêmes, à aller vers, à désirer
rencontrer le Seigneur, à le chercher, à avoir faim et soif de
lui. Tous ces mots disent bien ce désir profond qui est en nous.
La foi c’est cette attente, cette tension qui est semée en nous de
rencontrer Dieu lui-même. Il est bien difficile d’en parler. Le
Livre de la Sagesse le dit avec ces images : elle se laisse
trouver par ceux qui la cherchent. Le Seigneur se laisse trouver.
C’est le mystère même de l’amour.
Mais ce désir peut parfois s’éteindre ou plutôt s’affadir, perdre
de son intensité. Il nous faut donc le garder, l’entretenir et
parfois le réveiller. Il nous faut des réserves, il nous faut de
l’huile. Posons-nous alors la question : quels moyens prenons-nous
pour réveiller notre soif du Seigneur, notre désir de l’accueillir
dans nos vies ? Notre huile pourra être la prière, le silence,
l’écoute de la Parole l’ouverture aux autres, la méditation… ce
temps si particulier que nous vivons peut aussi être une belle
occasion pour réveiller en nous ce désir, pour faire des réserves
d’huile…
Nous prenons les moyens, mais n’oublions pas que c’est lui le
Seigneur qui vient à notre rencontre. C’est lui qui frappe à notre
porte, c’est lui qui devance nos désirs. C’est lui qui est assis à
notre porte. Au milieu de la nuit, il y eut un cri : « Voici
l’époux ! Sortez à sa rencontre. » Voici que le Seigneur prend
l’initiative de venir, de s’approcher. Il n’est pas le résultat de
nos efforts. II se tient là à notre porte et il frappe…
allons-nous le laisser entrer ?
Entendre et recevoir un message de bonheur dans le contexte que
nous vivons dans notre pays est un défi. Ce ne sont pas des
paroles faciles à entendre, alors que l’on est forcément traversé
par des inquiétudes devant l’avenir, des peurs, la violence de
l’actualité … Et pourtant voici que Jésus dit solennellement :
Heureux… vous êtes heureux, vous qui… mais il faut bien affirmer
que la suite nous dérange beaucoup : comment peut-on dire :
heureux ceux qui pleurent, ou bien heureux ceux qui sont
persécutés. Alors peut-être que ces mots résonnent encore plus
fortement en nous en ces jours que nous vivons.
Pour bien comprendre, évidemment, il faut se tourner vers Jésus
le Christ. Lui, contrairement à chacun d’entre nous, ne disait pas
des paroles en l’air. Ce qu’il dit, c’est ce qu’il vit. Il n’y a
pas de décalage en lui. Alors on peut vraiment dire : Heureux
es-tu toi Jésus qui… toi qui es miséricordieux, toi qui es doux,
toi qui pleures ou toi qui fais la paix. Jésus a vécu
complètement, parfaitement ces Béatitudes. Derrière ces mots, nous
avons son portrait. Sa vie nous montre le chemin. On pourrait
résumer en disant : Heureux es-tu toi qui es ouvert, jamais replié
sur toi-même, toujours attentif à l’autre, toujours en attente,
toujours en manque, toujours dans la faim et la soif… La suite
immédiate de ce texte, nous dira justement le contraire :
malheureux êtes-vous, vous qui êtes pleins, remplis, vous qui avez
tout… vous les riches. Vivre de ces Béatitudes à la suite du
Christ, c’est rester ouvert, comme lui. Nous en avons fait
l’expérience : vivre la véritable douceur, la miséricorde vient
remplir notre cœur ; se battre pour la justice, rester attentif
aux autres nous fait tout simplement rester vivants…C’est le
chemin de bonheur que Jésus est venu ouvrir.
Un chemin exigent et difficile, c’est vrai. Mais nous ne sommes
pas seuls. Il y en a beaucoup d’autres, une grande multitude
disait la première lecture, qui ont reçu et vécu ces
Béatitudes et aujourd’hui ils viennent nous prendre par la main.
Ils ont connu eux aussi des épreuves, des inquiétudes ou des
faiblesses mais ils ont traversé l’épreuve et ils sont dans la
paix, dans la vie avec Jésus le Christ.
C’est donc avec tous ceux et celles qui nous ont précédés et dont
nous nous souvenons ces jours-ci, avec tous ceux et celles que
nous reconnaissons comme saints, que nous pouvons avancer,
traverser. Nous pouvons hâter le pas. Le Seigneur lui-même marche
avec nous. Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu.
A la lecture de cet évangile, on a envie de dire : on connait par
cœur. Le texte est si connu. Mais ne faut-il pas le découvrir à
nouveau dans toute sa fraîcheur et sa nouveauté. C’est vrai
d’abord que les deux phrases données par Jésus ne sont pas
nouvelles. Elles se trouvent dans l’ancien Testament. Il y a d’un
côté celle qui concerne l’amour de Dieu et plus loin celle qui
concerne l’amour du prochain. Mais Jésus apporte une nouveauté
radicale. Il rapproche les deux phrases : et le second lui est
semblable… plus que rapprocher, il les met à égalité. Il en fait
un seul commandement. Il n’y a plus désormais d’un côté le
commandement de l’amour de Dieu et d’un autre celui du prochain.
C’est bien le même et unique commandement. L’amour de Dieu et
l’amour de l’autre vont ensemble et ne peuvent pas se séparer ni
même s’opposer. Derrière la dimension de commandement se profile
le visage de Dieu… Il ne s’agit pas d’aimer parce que c’est un
ordre. Il s’agit d’entrer et de découvrir le visage de Dieu
lui-même. : un Dieu qui est compatissant disait la première
lecture et un Dieu qui est libérateur, rocher, bouclier, sauveur
disait le psaume. Ce Dieu là est proche et attentif, tout
spécialement aux pauvres et aux petits. Il donne son amour à
chacun, sans aucune limite, sans frontière. Ce Dieu nous pouvons
l’aimer : je t’aime Seigneur ma force, avons-nous chanté. Ce Dieu
a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils Jésus. Ce même
amour est déposé dans le cœur de tout homme. C’est ce même amour,
cet amour qui a sa source en Dieu qui ne peut que rayonner et se
donner en aimant les autres. Il ne s’agit pas de répondre à un
ordre, il s’agit d’entrer dans un amour qui fait vivre. A l’image
et à la suite du Christ Jésus, nous pouvons alors aimer et unifier
notre vie dans cet amour.
Bien sûr, nous savons que ce n’est pas facile, pas simple. Il y a
des personnes que nous n’arrivons pas à aimer, il y a aussi des
situations de tensions, de conflits, de violence. Cet amour est
toujours à inventer, à construire dans le cœur même de ce qui fait
notre vie comme dans notre société. Notre société traverse des
épreuves, des remises en cause et des inquiétudes sur l’avenir et
nous les partageons, c’est bien normal. Le Pape François vient de
publier une encyclique Fratelli Tutti et le sous-titre est tout un
programme « sur la fraternité et l’amitié sociale »… Amitié
sociale… une magnifique formule qui dit bien le défi de la
fraternité aujourd’hui. C’est vrai qu’il fait un constat plutôt
sévère de tous les manquements à l’amour mais il affirme aussi
fortement : « 55. J’invite à l’espérance qui « nous parle d’une
réalité qui est enracinée au plus profond de l’être humain,
indépendamment des circonstances concrètes et des conditionnements
historiques dans lesquels il vit. Elle nous parle d’une soif,
d’une aspiration, d’un désir de plénitude, de vie réussie, d’une
volonté de toucher ce qui est grand, ce qui remplit le cœur et
élève l’esprit vers les grandes choses, comme la vérité, la bonté
et la beauté, la justice et l’amour. […] L’espérance est audace,
elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites
sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour
s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus
digne ».Marchons dans l’espérance ! »
Le texte est connu : chacun aurait pu compléter la fin de cet
évangile. Cette phrase a été largement commentée et utilisée. Elle
a servi aussi bien pour dire la séparation de l’Eglise et de
l’état que pour mettre à sa place la politique. Tout cela est
juste, évidemment… mais ne faut-il pas regarder d’un peu plus
près…
Les pharisiens et leurs disciples n’ont qu’un souhait : coincer
Jésus. Ils veulent lui tendre un piège, montrer ses
contradictions. La question est un piège qui se referme sur Jésus.
A la question, faut-il payer l’impôt oui ou non… Jésus ne pourra
pas échapper. S’il répond non, il sera considéré comme un rebelle
contre les romains, un leader politique qui va venir libérer le
pays de l’occupation romaine et s’il répond oui il sera vu comme
un collaborateur des romains et un vendu au pouvoir en place.
Jésus n’entre pas dans cette alternative… ni oui, ni non. Il
renvoie, comme toujours à la personne elle-même. Il demande de
voir une pièce et ils lui en montrent une. Autrement dit, ils sont
obligés de se compromettre : ils ont bien une pièce sur eux, dans
leur poche. Ils ne peuvent pas échapper. Et plus profondément
encore, Jésus renvoie à une affirmation fondamentale qui vient
éclairer bien sûr notre propre vie. Il renvoie à l’effigie,
l’image. Sur cette pièce, quelle image est gravée, avec quelle
inscription. Alors Jésus rappelle que l’homme a fondamentalement
en lui une autre effigie, une autre image. Il est créé à l’image
de Dieu. Il porte en lui au plus profond l’image de Dieu, on
pourrait dire il est tatoué de Dieu. C’est son être profond. Il a
en lui l’image des valeurs, de l’être même de Dieu. Il a en lui la
bonté, le respect, la justice, la patience… Et on peut relire et
reprendre toute l’histoire de la Bible pour y découvrir l’image de
Dieu. L’homme est effigie de Dieu. Et pour nous chrétiens, nous
croyons que nous en avons reçu le signe, la marque à notre
baptême. Nous avons entendu à notre baptême : « tu es maintenant
baptisé : le Dieu tout-puissant, Père de Jésus, le Christ, notre
Seigneur, t’a libéré du péché et t’as fait renaître de l’eau et de
l’Esprit Saint. Désormais, tu fais partie de son peuple, tu es
membre du Corps du Christ et tu participes à sa dignité de prêtre,
de prophète et de roi. » Voici donc l’effigie, l’image gravée en
nous. Jésus nous redit aujourd’hui : qu’as-tu fait de ton effigie
? L’as-tu oubliée ? est-ce que tu lui donnes encore de la place ?
laquelle ? Et il nous dit aussi aujourd’hui que cette image est
toujours à offrir, à présenter, à partager. En ce dimanche de la
mission, nous sommes invités à nous remettre en mission pour que
l’effigie de Dieu soit proposée à chacun, à tout homme. Chaque
génération est un nouveau continent à évangéliser. Le Seigneur
aujourd’hui nous envoie.
Le roi, dans cette parabole nous laisse deviner le visage de Dieu
lui-même. C’est un roi qui invite. Et il prend les moyens. Il
envoie des serviteurs, puis il envoie d’autres serviteurs, puis il
envoie ses troupes, puis il envoie à nouveau des serviteurs aux
croisées des chemins. Le Roi prend vraiment tous les moyens pour
inviter. Il est patient, il ne baisse pas les bras, il ne
désespère jamais, il essaye encore et encore. Comment ne pas
deviner Dieu lui-même qui essaye encore et encore, qui nous invite
chacun à participer à sa fête, à la fête du Royaume c’est-à-dire
au mariage de son Fils avec l’humanité. Tout le projet de Dieu est
là. Faire participer l’homme à sa joie, le faire entrer dans la
joie des noces. Il s’agit pour toute l’humanité d’entrer dans une
relation qui apportera le vrai bonheur, celui d’aimer et d’être
aimé. Notre monde en a tant besoin. Nous sommes tellement
environnés par des propos ou des projets remplis d’inquiétude, de
peur ou de destruction de l’homme.
Mais voici qu’en face la réaction de l’homme est bien souvent
négative. Il y a ceux qui ne veulent pas venir tout simplement,
les indifférents. Il y a ceux qui ont de beaux arguments, qui sont
occupés… ils ont un champ ou un commerce qui prennent toute la
place. Mais heureusement il y a aussi ceux qui sont aux
carrefours, qui sont en chemin. Ils mauvais ou bons, peu importe.
Eux, ils répondent et entrent dans la salle de banquet. Nous
pouvons toujours nous interroger sur notre propre réponse.
Sommes-nous du côté des indifférents, des très occupés ou de ceux
qui sont au carrefour, bon ou mauvais… Il ne s’agit pas de
s’enfermer dans l’un ou l’autre modèle. Nous savons bien qu’au fur
et à mesure des jours, des étapes de notre vis, nous répondons
plus ou moins à l’invitation à aimer et être aimés.
Mais il est aussi toujours étonnant dans cette parabole que
l’invitation est pour une fête, un cadeau tout fait. Souvent nous
recevons une invitation à faire, à dire, à se mettre en route, à
construire. Aujourd’hui, Jésus nous dit avec insistance : c’est
prêt… pas besoin de faire la cuisine, ni même de mettre le
couvert. Tout est prêt. Il n’y a qu’à recevoir. Pour cela il faut
répondre, choisir d’y aller et mettre la robe de fête. C’est
important de mettre dans cette attitude. Cette fête, ce Royaume
n’est pas le résultat de nos efforts. Non, il est offert, il est
donné. C’est par pure grâce que Dieu se donne à nous, qu’il nous
fait participer à sa joie. Dieu se donne, sans cesse. Simplement
c’est à nous de répondre, de l’accueillir. Nous en avons reçu le
signe à notre baptême. C’est aujourd’hui que Dieu nous invite.
C’est toute l’histoire du peuple de Dieu qui est devinée,
suggérée dans cette parabole de la vigne et des vignerons. C’est
aussi toute notre propre histoire.
Il faut s’arrêter d’abord sur ce propriétaire qui fait tout ce
qu’il peut pour sa vigne. Il prend tous les moyens pour qu’elle
soit belle et qu’elle produise beaucoup de fruite. Elle est
plantée, il y a une clôture, il y a un pressoir, il y a une tour
de garde. C’est exactement ce que nous décrivait aussi le prophète
Isaïe. Vraiment ce propriétaire prend soin de sa vigne, il donne
tout ce qu’il faut. Puis il loue et part en voyage. Autrement dit,
il confie à d’autres, il fait confiance. Notre Dieu a fait tout ce
qu’il pouvait pour son peuple, pour l’humanité et il fait
confiance. Il croit en l’homme. Il croit que l’homme peut faire
fructifier, peut faire de belles choses. Dieu offre toute sa
confiance. Dieu nous fait confiance. Il nous confie la terre, il
nous confie les autres, il nous confie toute la création… Qu’en
faisons-nous ?
Mais ce propriétaire ne laisse pas tomber… il vient chercher les
fruits. Et c’est là où le peuple ne veut plus de lui…. Il a des
envoyés, des prophètes, mais ils ne sont pas reçus, ils sont même
exclus et mis à mort. Il va même envoyer son fils mais ce sera la
même histoire, la même réaction. Le Fils va être exclu de la
vigne, il sera rejeté et tué. Le Christ lui-même est l’envoyé de
Dieu mais il n’est pas reçu. Alors Dieu décide de confier à
nouveau sa vigne, il n’arrête pas sa confiance, il continue,
heureusement il est patient mais il va aller dans un autre sens :
il va confier sa vigne à d’autres vignerons.
Dieu ne cesse jamais de faire confiance, même si bien souvent,
trop souvent, nous le rejetons, nous ne voulons pas l’accueillir.
C’est donc à nous aujourd’hui que Dieu continue de faire
confiance. Il compte sur nous. Il nous confie la terre, il nous
confie les autres, il nous confie toute la création… Qu’en
faisons-nous ? Le Pape François nous l’a rappelé si souvent et il
vient encore de la faire avec cette encyclique autour de la
fraternité : Tutti Fratelli. Le frère, l’autre nous est confié.
Aux yeux de Dieu, nous sommes, malgré tout, dignes de confiance. A
nous de répondre…
Cette histoire que nous raconte Jésus provoque toujours des
réactions… c’est pas juste, quelqu’un qui a travaillé une bonne
partie de la journée ne ^peut pas recevoir autant que celui qui
n’aura travaillé qu’une heure… il ne faut pas se tromper. Jésus ne
nous raconte pas cette histoire pour nous faire un cours
d’économie et de justice sociale. Il y a autre chose à découvrir.
D’abord, ce maître n’arrête pas d’inviter, d’embaucher. Il
commence tôt le matin, il continue à 9h, puis à midi, puis à 3
heures, puis à 5 heures. Il ne fait pas de pause. Il est en
permanence en train d’aller à la rencontre. Il y a ce petit mot :
il sort : il sort de nouveau, il sort encore.
Ce Maître est le visage de Dieu. Dieu n’arrête pas d’embaucher
pour travailler à sa vigne, à son Royaume. Il est toujours de
sortie. Il va sans cesse à la rencontre de l’homme. Et il lui
propose en permanence de travailler avec lui.
Tout au long de notre vie, le Seigneur nous appelle. Allez à ma
vigne vous aussi… Cela s’appelle la mission. Elle est permanente
et universelle. Il n’y a pas ceux qui seraient appelés et puis les
autres. Chacun est invité à vivre la mission. Notre Eglise ne peut
être que missionnaire. Si elle oublie cette dimension, elle n’est
plus vraiment l’Eglise. Elle ne répond plus à l’appel, à
l’invitation de son Maître.
Et chacun va recevoir une récompense, un salaire. Il est le même
pour tous. Ce salaire est apparemment faible mais il est surtout
unique. Une pièce d’argent. Ceux qui travaillent à la vigne du
Seigneur sont appelés à recevoir chacun le même salaire, la même
récompense. Il n’y a pas de passe droit, pas de treizième mois. Il
y a la même promesse, celle de l’amour du Maître, ou avec d’autres
mots celle du Royaume, c'est-à-dire de la vie avec Dieu. Cette
promesse est déjà mise en œuvre. Vivre la mission c’est recevoir
cette joie de vivre avec le Seigneur, d’entrer dans son regard,
dans son amour, dans sa vie. La mission ce n’est pas un devoir
c’est une vie avec le Christ. N’entrons pas dans des calculs. Il
l’affirme à la fin de l’histoire : Ton regard est-il mauvais parce
que moi je suis bon ? Dieu essentiellement est bon.. D’ailleurs il
appelle ses collaborateurs « mes amis ». Il ne les traite pas
comme des esclaves ou des serviteurs, mais comme des amis.
Ainsi le travail de la mission n’est pas une corvée, un devoir
difficile. C’est une vie, une amitié avec le Christ lui-même. Et
Jésus ne cesse aujourd’hui ne nous appeler à sa mission : Allez à
ma vigne vous aussi.
Pardonner ce n’est vraiment pas facile… c’est peut-être ce qu’il
y a de plus dur à vivre. Si quelqu’un nous a fait du mal, nous
sommes blessés et nous ne pouvons pas oublier, nous ne pouvons pas
vivre comme si de rien n’était. Et souvent ces blessures nous
rongent, nous rendent tristes et nous empêchent de vivre vraiment.
Tous les blessés de la vie sont marqués profondément et souvent
pour longtemps. Jésus nous dit aujourd’hui qu’il faut pardonner.
On a envie de lui dire : pas possible. C’est au-delà de nos
forces.
Jésus nous raconte alors une histoire, une parabole pour bien
nous faire comprendre ce qu’il veut dire, son invitation. A
travers cette image du maître, nous découvrons, nous devinons le
visage de Dieu lui-même. D’abord il reconnait ce que le serviteur
lui doit… il ne fait pas comme si c’était rien. Puis il est
sensible à la demande : prends patience envers moi. Il est alors
saisi de compassion. Dieu est pris au ventre, pris aux tripes. Il
n’enferme pas l’autre dans ce qu’il a fait ou ce qu’il doit. Il
lui offre un avenir… Le serviteur sinon n’aurait pas eu assez de
sa vie pour rendre tout l’argent qu’il devait. Ce maître laisse
partir, il rend la liberté. Il offre une autre solution.
C’est exactement cela le pardon. C’est reconnaître la faute bien
sûr… et ce n’est pas si simple. Il y a parfois des attitudes qui
font tout pour éviter cette reconnaissance du mal, de la blessure.
Reconnaître puis offrir à l’autre une autre solution, ne pas
l’enfermer pour toujours dans sa faute, offrir un avenir. C’est
cela le chemin du pardon. C’est un chemin… il faut du temps et de
la patience. Et ce chemin est si difficile, mais il est essentiel
pour se libérer soi-même et pour permettre à l’autre d’avancer
dans sa vie. Encore une fois, il ne s’agit surement pas d’oublier
la blessure… pardonner ce n’est pas oublier. Et il s’agit toujours
d’avancer lentement… on peut toujours dire : pour le moment je ne
peux pas… mais la porte peut rester entr’ouverte.
Et Jésus nous ouvre encore une autre perspective. Il continue son
histoire et il nous montre que c serviteur pardonné a vite oublié
qu’il l’était… on lui devait presque rien… quelques pièces
d’argent… et lui reste inflexible et dur. Il a reçu le pardon, il
ne l’a pas donné, partagé autour de lui. Jésus nous montre que,
fondamentalement, chacun de nous nous sommes pardonnés et c’est ce
qui nous permet toujours d’avancer, d’aller plus loin. Lui, le
Seigneur nous offre son pardon, en permanence. C’est toujours à
nous de le recevoir. Dieu nous voit toujours dans l’avenir. Il ne
nous enfermera jamais dans notre passé. L’avenir restera toujours
ouvert. Alors si le pardon est trop dur, impossible, nous pouvons
toujours commencer par dire : moi, pour le moment, je ne peux pas,
mais toi Seigneur fais-le… et moi je vais continuer d’avancer.
Le pardon est ce qui nous fait avancer. Nous sommes aimés pour ce
que nous sommes. Nous pouvons toujours le partager…
L’Evangile d’aujourd’hui nous parle de la vie ensemble, de la vie
commune, de la vie des premières communautés. Nous aussi, nous
nous retrouvons aujourd’hui ensemble… nous formons ensemble une
communauté… c’est cela l’Eglise. Avec toutes les formes…
aujourd’hui on pense et on voit les enfants, les jeunes, les
catéchistes, mais aussi les moins jeunes… beaucoup de groupes sont
entrain de reprendre leur rythme habituel. Nous sommes aujourd’hui
ici et bien au-delà des communautés, c’est cela l’Eglise.
Et cet Evangile nous montre que ce n’est pas forcément simple de
vivre ensemble, pas facile de faire communauté. Jésus parle de :
si ton frère a commis un péché contre toi… cela signifie bien
qu’il y a des problèmes, des divisions, que l’un ou l’autre a fait
du mal, que des personnes sont parfois blessées… C’était hier,
mais c’est aussi pour aujourd’hui. Oui, dans nos groupes, nos
communautés, parfois il y a des divisions, des oppositions,
parfois certaines personnes sont blessées… bref, ce n’est pas
facile de vivre ensemble.
Jésus donne alors des conseils précis. D’abord il faut parler, se
parler. Puis il y a des étapes… il faut du temps et prendre des
moyens différents…. Ici, il parle de d’abord se rencontrer et
parler seul à seul, puis avec une ou deux personnes, puis avec
toute l’assemblée. Il ne faut surtout pas cacher ou minimiser,
dire simplement « c’est pas grave » ou « ça s’arrangera » n’est
pas une solution. Il faut prendre des moyens et faire
progressivement la vérité. C’est la responsabilité de chacun de
construire progressivement la paix.
Cette règle marquée par la patience est pour chacun d’entre nous.
Dans tous nos groupes, nos communautés il faut fabriquer la paix…
Jésus parle des artisans de paix. La paix est un travail de
précision.
Mais Jésus continue et insiste sur un point qui vient changer
toutes nos relations. « Quand deux ou trois sont réunis en
mon nom, je suis là, au milieu d’eux. » Il nous assure de sa
présence. Il ne nous liasse pas tomber. Il est là, c’est-à-dire
qu’il offre son amour, sa force, cette possibilité de vivre
ensemble et de construire la paix. C’est tout un programme pour
chacun d’entre nous, particulièrement en ce début d’année. Ne
l’oublions jamais : le <Seigneur est présent. Il accompagne son
Eglise, Il est efficacement présent dans nos groupes, nos
communautés.
Vivre et annoncer la Parole de Dieu ce n’est vraiment pas simple,
pas facile. On entend souvent autour de nous qu’être chrétien
aujourd’hui, dans notre monde est devenu bien difficile. Déjà le
prophète Jérémie le disait. Il se plaignait qu’il ne recevait
qu’injures et moqueries et qu’en plus ce qu’il avait à dire était
bien difficile. Et avec Jésus cela ne s’est pas arrangé : il parle
de tout ce qu’il va connaître, la trahison, le rejet et même
la mort. Il annonce qu’il faut perdre sa vie. On peut dire que
Jérémie comme Jésus nous trace un programme bien difficile, en
tout cas exigent.
On aimerait bien que ce soit autrement. C’est bien ce que Pierre
va dire à Jésus… non pas ça pour toi… En fait de la part de Pierre
et de nous-mêmes, il s’agit d’un refus de la réalité. Pierre fait
même appel à Dieu lui-même. Il ne veut pas de cette situation.
Nous ne voulons pas de cette réalité difficile.
Et pourtant elle est bien là dans notre vie. Dans notre vie
personnelle, recevoir en vérité la Parole de Dieu, la vie du
Christ est toujours dur et exigent et nous savons bien que ne nous
ne sommes pas toujours à la hauteur. Les épreuves se retrouvent
aussi dans nos relations, au sein même de nos familles et aussi,
en de dimanche de rentrée, dans notre paroisse. Les conflits sont
si souvent au rendez-vous. Et nous avons facilement des jugements
: on met en avant le vieillissement, la difficulté de renouveler,
amis aussi le nombre des pratiquants en baisse, la jeune
génération absente sans oublier les difficultés financières… Un
tableau bien pessimiste ? Peut-être, et oui surement si nous nous
en arrêtons là.
Mais Jésus nous le dit avec force dans l’Evangile. C’est notre
réalité. C’est ce qui fait notre vie, c’est la situation réelle et
c’est là, au cœur de cette situation que la Parole de Dieu fait
son chemin. C’est là que nous avons à la vivre, à l’annoncer.
C’est là que nous sommes invités à donner notre vie. C’est là que
la Parole fait des merveilles.
C’est la promesse et l’expérience de Jésus lui-même. C’est dans
cette réalité-là que la résurrection peut apporter sa lumière.
C’est l’expérience de Jésus qui vit cette relation vitale avec son
Père, c’est aussi le prophète Jérémie qui dit qu’il a été séduit
par Dieu et que sa Parole vient réchauffer son cœur. Il aurait
bien voulu, l’oublier mais il ne peut pas : il est saisi. C’est
aussi l’expérience de Saint Augustin qui se laisse prendre par la
beauté qu’il tant cherché.
Cet élan ne gomme pas l’épreuve et la difficulté mais il vient
ouvrir et encourager. Notre amour du Christ devient dynamisme pour
la mission. La mission à laquelle chacun participe… une mission
qui est toujours à inventer ensemble. Tout un programme pour une
nouvelle année.
Hier nous avons suivi une femme sur le chemin de la foi : Marie,
la première en chemin. Aujourd’hui encore, l’Evangile nous invite
à suivre une autre femme. Elle n’a pas de nom. On sait simplement
qu’elle vient de Canaan, elle ne fait donc pas partie du peuple
d’Israël et en plus la rencontre se passe dans un territoire païen
: la région de Tyr et de Sidon. Cette femme a une demande précise
à faire à Jésus et elle insiste. Elle poursuit de ses cris, dit
l’Evangile. Elle souhaite que Jésus vienne guérir sa fille parce
qu’elle est tourmentée par un démon. Derrière cette demande se
dessine une demande plus large : que ce Royaume inauguré par Jésus
arrive aussi jusqu’à cette région païenne… Eux aussi ont-ils droit
à ce monde nouveau ? Jésus est-il venu seulement pour les juifs ou
bien pour tous, y compris pour les païens ?
La réponse de Jésus va se faire par étapes et elle est étonnante.
D’abord Jésus ne répond pas, pas un mot… puis il se présente comme
envoyé seulement pour les juifs, les brebis perdues d’Israël… puis
à la fin, Jésus affirme : Femme, ta foi est grande, que tout se
passe pour toi comme tu le veux ! » Et Jésus guérit sa fille.
Ainsi nous voyons Jésus évoluer dans sa pensée, il change d’avis.
Mais qu’est-ce qui lui a fait changer ainsi ? C’est une femme qui
lui fait changer d’avis. C’est une femme qui fait changer Jésus,
l’homme-Dieu.
Ses arguments expriment sa foi. Ils disent qu’elle reconnait en
Jésus celui qui vient inaugurer ce monde nouveau. Il vient
délivrer du mal, du démon et il vient libérer, il vient donner la
vie, le pain de la vie. Et cela n’est pas réservé à quelques-uns
mais c’est toute l’humanité qui est appelée à recevoir ce pain qui
fait vivre. Le prophète Isaïe annonçait de la part de Dieu que sa
maison s’appellerait : « Maison de prière pour tous les peuples. »
Jésus est cette maison-là. Il est venu pour tous les peuples.
Cette femme, cette cananéenne n’a pas de nom. Chacun, chacune peut
donc s’identifier à elle. Chacun, chacune peut se présenter devant
le Seigneur avec son cri, sa demande, son désir. Chacun, chacune
peut donc insister auprès de lui. Chacun, chacune peut donc dire
foi, avec ses propres mots. Jésus est venu pour chacun, chacune.
Il vient libérer. Il donne largement le pain de la vie.
Dans le texte de l’Apocalypse que nous avons entendu, il y a
beaucoup de bouleversements. Les images utilisées disent que le
monde, notre monde est tout renversé. Il y a une femme qui crie au
moment de l’enfantement, un grand Dragon, des étoiles du ciel
précipitées sur la terre. Tout semble remis en cause, chamboulé.
C’est aussi notre actualité. Tout le monde s’accorde à dire que
cet été est bien particulier. Le virus continue de s’étendre et il
faut inventer une nouvelle façon d’être en relation les uns avec
les autres. La canicule démontre le changement climatique. Une
explosion au Liban a ébranlé tout un pays. Et la liste pourrait
malheureusement se prolonger. C’est notre monde et dans ce
monde-là que nous nous rassemblons et que nous voulons vivre cette
fête du 15 août. Nous voulons suivre et regarder Marie.
Elle aussi est bouleversée. Elle se met en route et elle se rend,
avec empressement, vers la région montagneuse. Elle bouge et elle
va à la rencontre, elle va visiter. Alors elle va pouvoir dire son
poème, sa chanson. Elle va dire sa joie de la présence de Dieu
jusqu’au plus intime. Dieu vient bouleverser. Il disperse les
superbes, il renverse les puissants, il renvoie les riches les
mains vides. Oui, Dieu fait des merveilles. Il ne vient pas casser
le monde, il vient le transformer. Il est venu par Marie, il s’est
fait l’un d’entre nous en Jésus. Avec lui un monde nouveau a
commencé.
Cette fête du 15 août nous rappelle ce monde nouveau, cette
promesse qui nous est donnée. L’Assomption de Marie, c’est-à-dire
son élévation dans la gloire du ciel. Voici qu’au milieu des
bouleversements, Dieu agit et emmène toute l’humanité jusqu’à «
partager la gloire de Dieu », comme nous l’avons prié au début de
cette célébration. Partager la gloire de Dieu, c’est-à-dire entrer
dans la vie, l’être même de Dieu avec tout ce qui fait notre vie.
Saint Paul nous le disait : Jésus le Christ est mort et
ressuscité… il est le Premier-Né d’entre les morts et nous sommes
appelés à le suivre. C’est ce que Marie a vécu et c’est ce à quoi
nous sommes promis. Nous sommes donc à leur suite appelés à entrer
dans la vie de Dieu avec tout ce qui fait notre vie, y compris
notre corps. Mais il ne s’agit pas d’une promesse en l’air, une
belle idée intellectuelle pour nous calmer ou nous faire rêver.
Cette promesse est commencée. Elle est en route. Dans notre monde
bouleversé, voici que nous pouvons avancer dans l’espérance, voici
qu’un monde nouveau est possible. Alors toutes nos propres
visites, à l’image de Marie, peuvent devenir des temps de joie.
Oui le Seigneur fait pour nous des merveilles.
Le Seigneur passe… Tout au long de la Parole de Dieu qui nous est
donnée aujourd’hui le Seigneur ne fait que passer. L’homme essaye
de le trouver, de le voir passer, de le rencontrer. Alors son
imagination fait son chemin et il faut bien reconnaître que
l’homme se trompe si souvent. Le Seigneur passe dans nos vies et
nous nous mettons à le chercher. Mais où est-il ? Nous pensons,
nous imaginons qu’il va être présent dans une manifestation
extraordinaire. Il nous semble que la présence de Dieu va avec le
tonnerre, les éclairs, le bouleversement de nos habitudes et de
nos repères. Dieu viendrait tout faire craquer. Il n’est pas là.
Alors nous cherchons, nous partons loin, bien loin… nous perdons
notre chemin et nous perdons la trace de la présence de Dieu. Il
n’est pas où on avait imaginé sa présence. Il est ailleurs, il est
vraiment le Tout Autre. Notre recherche de Dieu suit cet
itinéraire bien déroutant.
Mais pourtant Dieu passe. Dieu passe dans nos vies. Le prophète
Elie va enfin le voir passer, le deviner présent au cœur d’une
brise légère, plus encore le murmure d’une brise légère. Dieu est
présent dans le silence. Dieu passe dans le silence.
Avec Jésus également, les disciples ne le reconnaissant pas. Ile
le prennent pour un fantôme et ils ne font qu’entrer dans la peur.
Même ils se mettent à crier. Ils ne voient pas et ne comprennent
pas que c’est Dieu lui-même en Jésus qui passe dans leur vie. Et
cette présence mystérieuse est toujours une invitation à la
confiance et à la foi. Cette foi-confiance empêche de couler et
permet même de marcher sur les eaux de la peur. Le vent peut alors
tomber et la vie en est transformée. Voici que le Seigneur marche
avec, il étend la main. Le Seigneur passe dans nos vies et il
étend la main et nous saisit dans la puissance de sa présence.
Nous sommes tous embarqués dans cette aventure humaine. Nous avons
au plus profond de nous- mêmes cette recherche de sens, d’une
présence qui nous rend plus sûrs. Nous sommes tous ballottés par
les vents et les tempêtes. Et nous cherchons, nous imaginons et
nous nous trompons de chemin. Notre Dieu pourtant ne cesse de
passer. Il n’est pas là où on l’attend. Il est dans le silence, le
murmure. Il est dans cette main qui se tend et vient nous saisir.
Le Seigneur passe. Entrons dans la foi-confiance en ce Dieu qui
passe dans nos vies.
Aujourd’hui la Parole de Dieu nous entraîne dans l’abondance.
D’ailleurs le petit mot de tout, de tous revient comme un refrain
insistant. Ils mangèrent tous et ils furent rassasiés. Il y en a
pour tout le monde et bien largement… il y a aussi des restes pour
tout le monde : 12 paniers comme le nombre de tribus. Lorsque Dieu
agit, il ne fait pas les choses à moitié. Il est très généreux.
C’était déjà la promesse que le prophète Isaïe transmettait de la
part de Dieu : vous tous qui avez soif, venez… C’est toute
l’humanité qui est invitée à recevoir l’abondance, la générosité
débordante de Dieu. Cette abondance est une nourriture, un pain
qui fait vivre. Derrière les expressions employées, nous devinons
que c’est le Christ lui-même qui se donne, tout particulièrement
dans l’eucharistie. Il prend les pains, il lève les yeux, il dit
la bénédiction, il rompt le pain, il le donne… autant de mots pour
dire le don de l’eucharistie. Le Seigneur donne et partage sa vie.
Mais Dieu ne fait rien sans la participation de l’homme. Jésus
dit aux disciples : donnez-leur vous-mêmes à manger… L’homme se
présente avec sa petitesse… il ne peut offrir que cinq pains et
deux poissons : ce n’est vraiment pas grand-chose. Mais c’est
essentiel pour la suite. C’est de cette pauvreté, dans cette
pauvreté, que le Seigneur donne en abondance. L’homme est
participant nécessaire, même si sa participation est marquée par
la pauvreté et la fragilité.
Chacun d’entre nous est marqué par la pauvreté. Nous pouvons si
facilement en dresser le portrait. Nos limites, nos moyens nous
rappellent notre pauvreté. Notre Eglise aussi est pauvre et
fragile. Nous ne sommes plus dans une situation de domination ou
même d’une image positive et rayonnante. Nous connaissons et
vivons parfois douloureusement notre pauvreté, notre fragilité.
Mais Jésus aujourd’hui nous permet de porter un autre regard sur
notre situation. Non pas un regard désespéré face à une déchéance,
un échec. Mais un regard qui nous donne la force d’oser présenter
nos faiblesses pour que le Seigneur les transforme… cinq pains et
deux poissons qui vont nourrir une grande foule. Paul aussi nous
le dit dans la deuxième lecture : oui il y a des épreuves, mais
rien… et le mot est fort- rien ne peut nous séparer de l’amour de
Dieu qui est dans le Christ. C’est ce que nous osons dire, ce que
nous célébrons dans l’eucharistie. Le Seigneur accueille notre
faiblesse, il nous donne sa vie en abondance… alors c’est toute
l’humanité qui peut en recevoir les bienfaits. La messe nous
renvoie toujours à l’humanité toute entière. Comme Jésus nous
sommes pris de compassion et nous pouvons partager l’abondance de
ce pain de vie pour le plus grand bonheur de tous.
Les disciples sont quand même un peu prétentieux. Jésus leur
demande s’ils ont tout compris et ils osent répondre : Oui… Non,
nous n’aurons jamais fini de comprendre les paraboles. Elles sont
si riches. Il y a toujours quelque chose à découvrir. Aujourd’hui
elles nous parlent du Royaume des cieux. Elles nous font entrer
dans la compréhension de ce que Jésus est venu inaugurer,
commencer… un royaume. Mais pas n’importe lequel. Jésus a toujours
été très prudent pour en parler, il ne voulait pas se faire
enfermer dans telle ou telle image. Les paraboles sont alors les
bienvenues. Il emploie les images du trésor caché, d’une perle de
grande valeur, d’un filet jeté dans la mer. Ce royaume a donc une
grande valeur qui surpasse toutes les autres. Pour ce royaume, il
faut se séparer de tout le reste, il faut faire un choix. Il faut
mettre en œuvre tous les moyens pour l’obtenir. Il faut avoir de
l’imagination pour le conquérir. Le Royaume est une perle, un
trésor. Ce Royaume inauguré par Jésus, c’est d’abord Jésus
lui-même. Entrer dans la connaissance et la relation avec Jésus,
c’est le choisir en priorité. C’est lui donner la première place
dans notre vie. Celui qui découvre le Royaume dans les paroles de
Jésus connait un tel enthousiasme qu’il va pouvoir sacrifier ses
anciennes sécurités. Il va tout vendre pour choisir avec grande
joie le Christ lui-même. Nous voyons cette joie en rencontrant des
personnes qui se convertissent, qui découvrent la foi. Pour les
autres, n’avons-nous pas à renouveler cette joie et en conséquence
ces choix de vie, cette priorité pour le Christ lui-même ?
La troisième parabole vient donner une précision importante. Il y
a deux temps à ne pas confondre. Il y a celui de la pêche et celui
du tri du poisson. Pour la pêche, le filet est jeté largement
et il ramasse tout, il ramène toute sorte de poissons. Il y
aura ensuite le tri des bons et des mauvais, mais cela ce sera
pour plus tard. Celui qui jette le filet est Dieu lui-même. Il ne
commence pas par faire du tri. Comme dans une autre parabole, il
sème largement. Il ne regarde pas la rentabilité, il propose, il
jette le filet au grand large. Le temps du tri viendra bien un
jour. Nous rêvons tous d’un Royaume qui ne serait rempli que par
des gens bien, triés sur le volet, qui penseraient comme nous… un
Royaume de purs, où bien sûr nous serions dedans. Non, lorsque
Dieu sort, lorsqu’il sème, lorsqu’il jette le filet c’est
largement, sans calcul. Ce Royaume est proposé à tous, sans
exception. Ce trésor est proposé à tous. La foi n’est pas réservée
à quelques spécialistes, ou à quelques personnes très vertueuses.
La foi est proposée à tous. L’Eglise n’est pas une secte de
parfaits… Bien sûr, elle l’a parfois un peu oublié. La parabole
nous remet à la bonne place…
C’est vrai qu’en regardant notre vie, ces paraboles nous
permettent de voir clair, et de discerner nos oublis, nos manques,
nos déformations, notre péché. C’est vrai…mais il ne faut pas
oublié l’essentiel : le Royaume, la rencontre avec le Christ est
un trésor, une perle d’une grande valeur et il nous est toujours
proposé. Le don de Dieu est permanent.
Ce texte d’Evangile est si riche. Regardons les étapes qui nous
sont présentées. Ces étapes rejoignent bien l’histoire de notre
vie, de notre foi.
Tout part du tombeau. Le mot est répété comme un refrain
insistant. C’est le temps des ténèbres, de la nuit, des pleurs et
du tombeau. Marie- Madeleine est dans le temps de la mort. Elle ne
peut que se pencher vers la mort. Elle est du côté du tombeau.
C’est si souvent notre expérience ou bien celle de tant et tant de
personnes de par le monde qui ne peuvent que se pencher vers le
tombeau, vers la mort.
Une interpellation arrive jusqu’à Marie : « Femme, pourquoi
pleures-tu ? » Cet appel vient d’ailleurs. Elle est une invitation
à prendre un peu de distance pour pouvoir exprimer ce qui est la
source de ses pleurs. Elle commence de répondre, de s’exprimer.
Nous savons tous l’importance de pouvoir parler, exprimer ce qui
nous tient à cœur, ce qui nous empêche de vivre, ce qui nous
retient au tombeau.
Alors Marie pour la première fois va se retourner. Un
retournement peut intervenir et elle peut recevoir alors une autre
voix, un autre appel… mais toujours avec la même question : «
Femme pourquoi pelures-tu ? » mais la question va se faire plus
profonde : « Qui cherches-tu ? » Il faut qu’elle aille plus en
profondeur. Elle doit aller jusqu’à son désir profond, jusqu’à la
source, la motivation… quelle est sa recherche, quel est son désir
? C’est Jésus lui-même qui pousse Marie à aller en profondeur.
Chacun de nous peut aussi percevoir au plus intime cette question
: « Qui cherches-tu ? »
Alors Jésus se fait reconnaître simplement en disant son prénom :
« Marie. » et elle répondra « Rabbouni. » La relation est
rétablie, différente c’est vrai, elle ne pourra pas le retenir, le
garder pour elle, mais la relation plus profonde encore pourra se
développer. C’est alors que Marie à nouveau se retourne ; C’est la
deuxième fois… Ne cherchons pas comment c’est possible. Simplement
elle en est toute retournée. C’est sa vie toute entière qui en est
changée. La relation avec le Christ ressuscité vient nous
retourner chacun d’entre nous. Une relation, impossible à
raconter, nous est donnée et cette présence vient changer notre
vie.
Alors elle va immédiatement bouger, elle va aller voir les
disciples, elle va annoncer, elle va raconter. Elle devient
l’apôtre des apôtres. Elle ne peut pas faire autrement : elle doit
par toute sa vie dire cette expérience essentielle.
La foi au Christ Ressuscité nous pousse, nous envoie, nous relève
et nous envoie en mission. Nous ne pouvons pasq la garder pour
nous. Elle est pour tous.
Quel parcours… le point de départ est le tombeau et la mort, le
point d’arrivée est l’annonce joyeuse… entre temps il y a une
rencontre qui fait aller d’une expression d’un pourquoi d’un
évènement jusqu’à une plongée en profondeur… ainsi, comme le dit
la préface, la « joyeuse annonce de la vie nouvelle peut parvenir
aux limites du monde… »
Jésus prévient : Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » Cela
suppose donc que parfois, ou plutôt bien souvent, nous avons bien
des oreilles mais nous n’entendons pas. Jésus nous donne bien sa
Parole mais nous ne la recevons pas, ou bien mal. Pourtant il la
donne vraiment, il la sème largement sa Parole. C’est ce qu’il
nous fait comprendre dans cette parabole qu’il nous donne.
L’évangile précise que Jésus est sorti de la maison et
immédiatement après il parle d’un semeur qui sort pour semer.
C’est bien le même. C’est lui Jésus qui sème la Parole. Et ce
semeur est bien particulier. Il sème très largement, on peut dire
à tout vent. Il y a de la graine qui tombe au bord du chemin,
d’autres dans un sol pierreux, d’autres dans les ronces et
d’autres dans la bonne terre. Il ne fait donc vraiment pas
attention où se pose la graine. Il ne recherche pas vraiment la
rentabilité. Ce qui est important pour lui c’est de semer,
largement. Derrière ce semeur se devine le visage du Christ, de
Dieu lui-même. Dieu est généreux, il sème au grand vent. Il ne
fait pas de calculs ni de stratégie de rendement. Sa Parole de vie
est toujours et partout semée…
Encore faut-il la recevoir pour qu’elle puisse vraiment pousser
et aller jusqu’à donner du fruit. Ne commençons pas par diviser,
mettre des catégories… il y aurait les personnes qui sont les
ronces, d’autres le bord du chemin… Non, nous sommes chacun,
chacune d’entre nous les 4 terrains à la fois. Parfois, dans notre
vie, dans un domaine de notre vie, la Parole est vraiment reçue et
elle donne du fruit, elle change notre vie. Parfois, dans un autre
domaine de notre vie, la Parole n’a pas de racines et la Parole
brûle et sèche. Parfois, elle pousse vite mais elle est étouffée
par les ronces…C’est toujours important de regarder sa vie et
d’évaluer ces lieux, ces moments où la graine de la Parole a
poussé et d’autres non. Il faut faire la vérité sur sa vie. Le
temps de l’été et des vacances peut être une belle occasion. Mais
ce regard ne doit pas être uniquement un jugement, un constat. Il
pourrait vite devenir source de découragement. Impossible de
recevoir la Parole. Il faut toujours et peut-être avant tout
affirmer avec force que cette Parole est semée dans nos cœurs,
sans arrêt. Le Seigneur ne désespère jamais de nous. Il donne. Les
chrétiens ont beaucoup trop spontanément cette attitude négative.
Il suffit de lire ensemble un évangile ou bien de préparer une
préparation pénitentielle pour immédiatement affirmer : on est
bien loin de tout cela, nous sommes incapables et nous devenons
des enfants qui se dévalorisent et ne sont capables de dire que
leur incapacité. Le chrétien devrait plutôt dire en premier et ne
jamais l’oublier : je suis comblé de la Parole de Dieu, il est si
patient envers moi, envers nous. Il visite notre terre et il nous
abreuve, il nous comble de richesses, il sème toujours son amour
et sa miséricorde. Il ne cesse de nous donner sa Parole qui fait
vivre. Celui qui a des oreilles, qu’il entende !
Jésus emploie l’image du joug… c’est sûr qu’elle ne nous parle
plus beaucoup aujourd’hui. Il ne nous reste souvent que l’image de
la contrainte « matérielle ou morale », de la charge, du poids
voire de l’épreuve. Il faut peut-être rappeler que le joug (et
c’est une définition officielle) c’est : « une pièce de bois qui
permet d’atteler des animaux de trait, qui se place sur la tête ou
le garrot de ces animaux et qui est le plus souvent double afin
d’atteler ensemble une paire de bœufs pour labourer ou tirer un
chariot. » Donc une pièce de bois en double pour plusieurs
raisons, d’abord pour exploiter au mieux les forces en particulier
en les divisant, en les répartissant sur les deux animaux et
aussi pour guider, canaliser les animaux, autrement dit pour
creuser le même sillon.
Comme Jésus nous y invite, nous pouvons appliquer ces images à
notre foi, à notre vie chrétienne. Jésus nous parle de son joug.
Il nous invite à le prendre sur nos épaules. Ce joug ne nous est
pas imposé de force. C’est librement que nous le prenons. Et il le
prend donc avec nous. Il le porte avec nous. Ainsi la peine est
partagée. Il peut donc dire que son joug est facile et son fardeau
léger puisqu’il le porte avec nous. Jésus ne nous charge pas d’un
poids impossible à porter. Il s’engage même à le porter avec nous.
Et il va marcher à notre pas, il va nous guider, il va nous aider
à creuser le même sillon. Il n’est pas possible de se perdre. Il
accompagne, il marche avec, sa présence est permanente.
Sa présence est aussi bien particulière. Il en parle juste avant,
au début de cet évangile que nous avons écouté aujourd’hui. Sa
présence est relation : « Personne ne connait le Fils sinon le
Père et personne ne connait le Père sinon le Fils et celui à qui
le Fils veut le révéler. » Il y a la relation entre le Père et le
Fils. Mais Jésus ne s’en arrête pas là. Heureusement, sinon, ce
serait leur affaire et nous ne serions que des spectateurs,
exclus. Il y a une suite : et… L’homme, grâce au Christ, peut
entrer dans cette relation qui fait vivre, qui permet de vivre et
de porter le poids, le fardeau de la vie. Bien, sûr, le poids du
jour comme dit la Bible ne disparait pas mais il est allégé et
surtout il est possible d’avancer et de creuser librement, avec le
Christ, son propre sillon.
Les paroles de Jésus heurtent nos oreilles aujourd’hui, peut-être même nous choquent. En tout cas, il s’adresse aux disciples, à ceux qui veulent le suivre. Il s’adresse donc à nous. Et il est question de choix. Suivre le Christ c’est le choisir et le choisir par amour. Etre chrétien c’est faire des choix qui sont difficiles. Il s’agit de mettre des priorités dans nos vies et le Christ Jésus doit être le premier servi, avoir la première place. Ces choix sont toujours à refaire.
Et Jésus continue : le choisir, c’est s’engager sur le chemin de la charité. Il s’agit de donner sa vie. Et dans ce passage, Jésus insiste sur l’accueil de l’autre. La charité est ici présentée comme l’accueil ou plutôt accueillir. Il s’agit bien d’une action, de faire des choses concrètes. L’accueil de l’autre est lié à la foi, au choix du Christ. La foi et la charité, croire et accueillir vont obligatoirement ensemble. C’est pourquoi l’accueil est si important. Il touche Dieu directement. C’est une grande chose qui passe par de toutes petites choses, de tous petits gestes. Jésus emploie la belle image du verre d’eau… simple verre d’eau fraîche. Donner un simple verre d’eau fraîche est la traduction concrète de l’accueil.
Et Jésus annonce le résultat, la conséquence : c’est la récompense, la vie. Croire et accueillir produisent la vie. C’est déjà l’expérience de cette femme dans la première lecture, au temps du prophète Elisée. Elle a accueilli très concrètement par une petite chambre sur la terrasse et à la fin c’est un fils qui est promis : tu tiendras un fils dans tes bras lui promet le prophète.
Nous avons aussi cette expérience. C’est important parfois de nous arrêter et de relire, de mesurer ce que nous vivons. Nous pouvons le faire dans le domaine de la foi… choisissons à nouveau de suivre le Christ…. Dans le domaine de l’accueil, de la charité…vivons très concrètement l’accueil de l’autre. Et dans le domaine de la vie produite, de la récompense reçue…reconnaissons le don de Dieu. Ce qui n’est pas toujours facile à mesurer…Et surtout faisons le lien entre les trois. Ne les séparons pas. Ne les opposons pas. Elles forment un tout, une unité… Croire, accueillir et recevoir, les trois dimensions de la mission aujourd’hui…
Jésus dans cet évangile, comme tout au long de ce chapitre, donne
le programme, la feuille de route pour les disciples. Et d’abord
il est clair : pour ceux qui acceptent, qui choisissent de se
mettre à la suite du Christ, ce ne sera pas simple, pas facile. Le
parcours est difficile. Il y a des épreuves, il y a des
incompréhensions, il y a des persécutions. Déjà le prophète
Jérémie le disait et l’a vécu. Il a été envahi par les calomnies.
Aujourd’hui encore, nous savons qui vivre sa foi n’est pas facile.
Nous pouvons penser à des situations, des pays où la persécution
se continue. Des chrétiens aujourd’hui vivent aussi la calomnie de
par le monde. Mais c’est pour chacun d’entre nous aussi notre
expérience. La foi ne va pas de soi. Il y a toujours une sorte de
combat, de lutte qui va avec. Combat pas forcément avec d’autres
personnes, mais combat, lutte contre le doute, les remises en
cause, les épreuves. Beaucoup de personnes ont exprimé, par
exemple, que la traversée de ce temps de confinement a été aussi
une épreuve et une lutte pour leur foi.
Mais Jésus ne s’en arrête pas là. Heureusement, ce serait vraiment
désespérant. Avec cette dimension de lutte, il y a immédiatement
celle de la confiance, c’est-à-dire de l’assurance que Dieu prend
soin de chacun, l’assurance que chacun a de la valeur. La foi
n’est donc pas une croyance en une liste de choses à croire. La
foi, dans ce sens- là n’est pas une certitude. Elle est plutôt une
assurance. C’est-à-dire une confiance qui rend plus sur le chemin,
qui permet d’avancer. Jésus insiste à travers des images pour
affirmer avec force la grande valeur de chacun aux yeux de Dieu…
nous avons bien plus qu’un moineau et chaque cheveu de notre tête
est compté. Ce qui semble si petit, si vite oublié ou perdu a une
grande valeur. C’est dans la foi- confiance que nous sommes
appelés à entrer.
Alors dans ce combat, dans cette confiance, le disciple est invité
à témoigner, à raconter, à dire en pleine lumière, à proclamer sur
les toits. La mission et le témoignage vont donc obligatoirement
avec cette foi. Il n’est pas possible de se taire. C’est notre vie
toute entière qui est appelée à devenir une parole. Dieu lui-même
s'est dévoilé à travers la personne de Jésus. Un voile est tombé,
une lumière a rayonné. Le disciple à son tour participe à ce
dévoilement. Sa vie toute entière va révéler, mettre au jour. Le
message est le même : tout homme a de la valeur. Il est aimé de
Dieu, il est un frère. Il est appelé à rayonner de lumière. Nous
tous, et notre monde en a tant besoin… Le monde en train de se
réveiller sera-t-il rempli de cette de cette lumière ? Chacun en
est aujourd’hui chargé…
Dans le combat de la foi, la foi- confiance rayonne d’une lumière
à proclamer sur les tous les toits.