La discussion peut nous faire sourire… Les sadducéens ne
croyaient pas en la résurrection, alors ils inventent un cas
d’école, tout à fait improbable… une veuve qui épouserait sept
frères… c’est un piège, bien sûr. Jésus ne se laisse pas enfermer.
D’abord il affirme une grande distinction entre ce monde et le
monde à venir. D’un côté, ce monde est marqué par l’importance de
la famille, des enfants, de la descendance… ce monde est marqué
par la mort, la finitude. Par contre, le monde à venir est marqué
par une autre logique qui est celle de la Résurrection, de la vie.
Au-delà de la mort, il y a cette vie avec Dieu, cette vie d’enfant
de Dieu et d’enfant de la résurrection. Jésus affirme avec force
cette assurance d’une vie en plénitude avec Dieu. C’est bien ainsi
que Dieu s’est révélé, s’est montré tout au long de la Bible. Il
est le Dieu des vivants, il est le Dieu de la vie. Il est ce Dieu
qui entre dans la famille humaine et qui la mène à la plénitude de
la vie. A la suite d’Abraham, de Moïse, d’Isaac, de Jacob et de
beaucoup d’autres, avec eux tous, il est possible de participer à
la résurrection, à la vie en Dieu. Notre Dieu est le Dieu des
vivants.
Evidemment, nous avons du mal à le comprendre et nous avons tous
des questions. Elles sont normales. Ne nous trompons pas et ne
posons pas de questions inutiles qui resteront toujours sans
réponse. Toutes les questions sur le comment, comment c’est
possible, comment cela se passe n’auront jamais de réponse. Ou
plutôt, si nous trouvons une réponse dans je ne sais quelle
révélation… elle sera fausse. Jésus ne répond pas à ces questions.
Il affirme, il donne une assurance : celle d’une vie en plénitude,
d’une vie avec Dieu, plus encore d’une vie en Dieu… traduisons,
d’une vie dans la plénitude d’un amour.
Et cette foi en la résurrection n’est pas seulement pour le monde
à venir, pour après la mort. Elle est déjà commencée. Dans la foi,
nous croyons que la frontière a été cassée par la résurrection du
Christ… il n’y a plus le monde ici-bas qui serait la mort et le
monde d’après qui serait la vie… non, la résurrection, la vie avec
le Christ ressuscité est commencée. Nous pouvons en faire
l’expérience. Parce que Dieu lui-même est le Dieu des Vivants,
toute vie authentique, toute expérience de cette vie qui coule en
moi, de cette éternité qui déjà circule en moi, me donne déjà un
avant-goût de la vie éternelle, en Dieu… tous vivent pour Lui.
Avec la fête d’aujourd’hui nous nous souvenons d’une grande
multitude, comme disait le livre de l’Apocalypse. C’est vrai, ils
sont très nombreux ceux et celles qui nous ont précédés et qui ont
essayé de vivre de leur foi en ce Dieu qui est amour et qui veut
faire de nous des vivants. Ils sont nombreux ceux qui ont vécu
dans ce dynamisme de l’amour. Nombreux ceux qui ont mis Dieu dans
leur choix de vie, ceux qui ont aimé les autres, ceux qui ont
donné leur vie pour les autres, ceux qui ont restés ouverts aux
autres, ceux qui ont voulu vivre à la suite du Christ. Ils ont
inventé, dans leur époque et dans la situation qui était la leur,
ce que veut dire vivre de la Bonne Nouvelle de l’Evangile.
Certains sont connus… on les appelle les saints et les saintes.
Ils sont reconnus, nous portons leurs noms. D’autres ne sont pas
reconnus officiellement… ils n’en sont pas moins saints. Ils sont
des saints ordinaires. Et si nous regardons dans nos vies, nous
pouvons en nommer. En nous souvenant de tel ou tel, nous pouvons
retenir tel geste, telle parole, tel signe de ce désir profond qui
les habitait, de cette sainteté qui les faisait vivre. Des saints
ordinaires de nos familles, de nos amis. Ils sont précieux pour
nous. Ils nous aident, ils nous prennent par la main. Ils sont
ceux qui marchent devant et nous entraînent avec eux.
Ne nous trompons pas. Les saints ne sont pas des gens parfaits, irréprochables. Un peu en dehors de la vie, comme s’ils étaient enfermés dans une statue, une niche. Des gens hors de l’ordinaire, en dehors du temps… Nous confondons si facilement la sainteté avec la perfection. Non les deux ne sont pas semblables… heureusement sinon les saints n’existeraient pas. Nous sommes tous et toutes pécheurs, incapables, maladroits… nous avons du mal à bien aimer, nous vivons des échecs, nous nous remplions sur nous-mêmes… les Béatitudes que Jésus nous donne aujourd’hui sont parfois étrangères à nos vies… Et pourtant, et pourtant… la sainteté ne consiste pas à être de gros bras mais à accueillir la miséricorde de Dieu. Il ne s’agit pas d’un concours à gagner. Il s’agit d’un accueil, d’uns disponibilité. Croire c’est croire que nous sommes aimés, pardonnés, accompagnés et c’est recevoir en vérité ce don de Dieu. Nous sommes pécheurs, mais pardonnés, sauvés, relevés et c’est ainsi que nous participons à la grandeur de l’amour de Dieu, c’est ainsi que nous pouvons recevoir et devenir saints. Dans ce qui fait notre vie aujourd’hui, avec toutes ses difficultés et ses épreuves, nous pouvons inventer la sainteté pour aujourd’hui… l’accueil d’un amour qui nous fait vivre en plénitude.
On aime bien cet évangile… Zachée nous est familier. Voici un
personnage de l’évangile qui nous est longuement présenté. On
connait son nom, son métier : collecteur d’impôts et en plus il
est chef :il ne doit pas être bien vu, il est plutôt considéré
comme un voleur, un collaborateur avec les ennemis, les romains ;
et il est précisé : il est riche. C’était donc un pécheur, pas du
tout quelqu’un de bien. Mais il voudrait voir Jésus qui est de
passage. Il prend tous les moyens pour cela. Littéralement, il
prend de la hauteur. Il monte sur un arbre parce qu’il était de
petite taille. Il a au fond de lui un désir profond d’une
rencontre, ne serait-ce que par la vue, avec Jésus. Il prend alors
tous les moyens nécessaires. Il court, il grimpe.
Et voici Jésus qui répond à son désir. Jésus lui-même lève les
yeux et invite Zachée ou plutôt il s’invite chez lui. Il veut
demeurer chez lui, il veut entrer dans son intimité, dans le cœur
de sa vie. Et c’est urgent : descends vite, lui dit Jésus. Il faut
donc faire vite. La rencontre n’attend pas. C’est ce qu’il fait :
il descend vite et il reçoit Jésus avec joie, nous précise
l’Evangile. Cette rencontre va le remplir de joie, le combler de
joie, lui qui était mal vu et rejeté, voici qu’il est regardé,
appelé. Quelque chose a changé dans sa vie. Cette rencontre avec
Jésus va le pousser à agir concrètement. Il est debout et il faut
une déclaration solennelle : il va faire des dons, rendre quatre
fois plus. Il va faire le contraire de ce qu’il faisait avant. Sa
vie est retournée, transformée.
Très souvent, on arrête le texte ici. Dommage. Une fois de plus,
on transforme l’évangile en une belle leçon de morale… voici un
voleur et voici qu’il a changé : il n’est plus voleur. Cela ne
suffit pas. Un autre mot est prononcé par Jésus. Salut... la salut
est arrivé pour cette maison... celui qui était perdu a été
cherché et il a été sauvé. Le mot salut n'est ’as facile et bien
compris. D’abord le salut consiste en une rencontre entre un désir
de l’homme et une initiative de Jésus lui-même. La situation est
difficile, critique. L’homme cherche à s’en sortir, à prendre de
la hauteur et voici que Jésus lève les yeux. C’est lui qui prend
l’initiative et l’invite. Il le cherche. Et il le prend par la
main pour le sortir de la difficulté. Il va le sortir de là et il
va lui donner des raisons de vivre. Celui qui était perdu va
changer de vie et il va se mettre debout.
Nous croyons en Jésus le Sauveur… de quoi avons-nous besoin
d’être sauvé ? Il faut regarder nos vies, prendre un peu de
hauteur. Jésus aujourd’hui nous appelle et nous remet sur le
chemin… il est venu chercher et sauver ce qui était perdu…
Accueillons-le.
Jésus continue aujourd’hui de nous parler de la prière à travers
une parabole. Il y a d’abord quelqu’un de bien, vraiment bien.
C’est lui-même qui le dit. Un pharisien. Il n’est pas pécheur : il
n’est pas voleur, il n’est pas injuste, il n’est pas
adultère. C’est pas mal. Il jeûne deux fois par semaine et il
verse 10 pour cent de tout ce qu’il gagne. C’est vraiment bien. Il
va au-delà de la loi. Il est parfait ou plutôt plus que parfait.
Il a tout juste. Il peut donc, c’est normal, monter vers le
Temple, il peut se tenir debout devant son Dieu. Il peut être en
face à face, sans honte, avec son Dieu.
Et puis il y a un autre homme, un publicain c’est-à-dire un
collecteur d’impôts… donc il ne doit pas être très honnête avec
l’argent, avec la justice. Pas très clair comme homme. Il est
pêcheur. Lui aussi il va monter vers le Temple, il va aller prier.
Mais il a une toute autre attitude. Le premier se tient debout,
lui se tient à distance, il n’ose pas lever les yeux vers le ciel
; il n’ose pas se présenter devant son Dieu. Il se frappe la
poitrine. Et si on regarde de plus près le premier ne s’adresse
pas à Dieu ; il ne se tourne pas vers lui. Il parle bien au
Seigneur, mais il ne parle que de lui… il entre même dans l’action
de grâce mais uniquement pour se féliciter lui-même, dire du bien
de lui… et un bien tout à fait réel et vrai. L’autre s’adresse à
Dieu et lui présente une demande : montre-toi favorable… autrement
dit il reconnait la miséricorde du Seigneur. Il dit à Dieu qui il
est, alors il peut être en vérité et se reconnaître pécheur. Il
dit à Dieu : tu es le Dieu des miséricordes alors sois ce que tu
es envers moi. Et c’est cette prière que Dieu aime. Il va
redescendre chez lui dans sa maison, mais il va être exaucé,
reconnu comme un juste alors que l’autre va aussi redescendre chez
lui mais rien ne sera changé… il ne sera pas reconnu comme juste,
il ne sera pas exaucé. Il sera et il restera en lui-même, enfermé
en lui-même.
Cette parabole n'est pas donnée pour que nous soyons des gens
timides, écrasés, cachés derrière les piliers de l’église. Non,
Jésus nous la raconte pour nous inviter à entrer dans la véritable
prière. Entrer dans une relation qui donne une place au Seigneur,
la première place et qui nous place en vérité. Il ne s’agit pas
d’abord d’être moralement impeccable, sans péché, il s’agit de
reconnaître et d’accueillir la miséricorde du Seigneur. C’est
ainsi que nous pourrons toujours revenir, redescendre à la maison,
dans notre quotidien mais nous seront alors justifiés, rendus
justes, exaucés. C’est cela la véritable humilité : être bien à sa
place, bien les pieds sur terre parce que en vérité avec notre
Dieu, le Père des miséricordes.
Suivons bien l’histoire. Voici un juge qui est mauvais. Il
accumule les défauts… pas de respect pour Dieu ni pour les hommes.
Un juge qui fait très mal son travail. Un juge qui n’en est pas
un. Et voici une veuve, une pauvre qui est insistante pour pouvoir
bénéficier simplement de la justice, pour être respectée.
Elle s’acharne parce qu’elle attend tout du juge. Et voici que ce
juge mauvais accepte et fait son métier : il lui rend justice.
Lui, qui fait mal son métier, change et il donne une chance… Alors
si on transpose : Dieu lui-même est tout autre. Lui n’est pas
mauvais, bien au contraire. Lui il respecte l’homme… bien plus il
offre sa présence, il défend, il fait justice. Il sauve, il
guérit, il remet debout. Il ne peut pas tricher. Au contraire, il
tend la main et fait participer l’homme à sa vie en plénitude, à
sa résurrection. Il ne fait pas attendre, il donne ou plutôt il se
donne. Alors pourquoi pensons-nous si souvent que Dieu n’écoute
pas et n’exauce pas ?
Surement parce qu’il nous faut entrer dans une autre logique…
nous avons l’habitude de penser en terme de donner-recevoir. Je
demande, je fais ce qu’il faut et donc le résultat devrait être au
rendez-vous… Nous restons si facilement dans la logique enfantine
du bon-point… j’ai été bien sage et je vais recevoir une
récompense. J’ai bien fait ma prière et Dieu va être bon pour moi…
La prière relève d’une toute autre logique. La prière est une
relation et c’est cette relation qui est une source de bienfait.
On a tous l’expérience : lorsque la comptabilité entre dans nos
relations, elles se détruisent… tu m’as cela, tu m’as fait cela
alors je te dis cela, je te fais cela. On compte les points, on
n’est plus dans une relation vraie, une relation d’amour. C’est la
même chose pour la prière. Jésus d’ailleurs pose la question : le
Fils de l’homme, quand il viendra trouvera-t-il la foi sur la
terre ? La prière prend toute sa dimension dans cette relation de
confiance qu’est la foi. Prier c’est donc dire à Dieu qui il est,
c’est entrer dans sa vie, son secret, sa grandeur, sa profondeur
et c’est être soi-même avec tout ce qui fait notre vie. Quelqu’un
disait : prier c’est la rencontre de deux désirs profonds, celui
de Dieu pour l’homme et celui de l’homme pour Dieu. Alors nous
pouvons tout dire, et même tout demander. Dieu est là, tout
proche, il se donne, il écoute. Il ne fait pas attendre. Il ne
peut pas faire autrement.
Entrons dans la foi, entrons dans la relation avec ce Dieu Père
tel que Jésus nous l’a montré… c’est notre vie toute entière qui
en sera transformée. La prière nous donnera toujours du souffle,
même au cœur des épreuves.
Les apôtres disent au Seigneur : « Augmente en nous la foi.
» C’est aussi notre prière, notre demande aujourd’hui. Où en
est-on ? où en suis-je ? C’est bien sûr à chacun de répondre… et
chacun va répondre à sa façon. Mais il ne s’agit pas de se
comparer, de faire un concours pour savoir qui pourrait devenir le
masterchef de la foi. Non. La foi est d’un tout autre ordre. Il
s’agit d’une rencontre, il s’agit de l’aventure d’une relation
avec une personne qu’est le Christ lui-même. Une relation pas une
suite de choses à croire plus ou moins bizarres. Mais une
relation, donc une confiance qui est toujours en train d’évoluer.
Une confiance qui nous donne la force et qui nous invite à aller
plus loin. Une confiance qui nous met en relation les uns avec les
autres et avec la création toute entière.
Une confiance qui nous pousse toujours à l’action, à
l’engagement, une confiance qui nous rend solidaires les uns des
autres, qui nous fait entrer profondément dans la famille humaine.
Et ce n’est pas étonnant qu’immédiatement après cette demande
d’augmenter la foi, il y a l’invitation au service, l’invitation à
être de simples serviteurs, c’est-à-dire à se mettre au service de
tout homme, et en premier des plus petits, des plus pauvres.
Autrement dit, aimer. La foi ne vas pas sans le service, la foi ne
va pas sans la charité.
Aujourd’hui, nous prions au cœur de ce mois de la Création tel que
le Pape François nous y a invité. C’est dans cette dynamique de la
foi et du service que nous le vivons. C’est notre foi : Dieu se
révèle dans toutes ses œuvres. Nous savons que la création a
besoin d’être sauvegardée puisqu’elle est en danger. La terre
gémit. Et cela a des conséquences nombreuses. Tout est lié, et les
situations de pauvreté de par le monde en sont aussi le signe.
Alors, dans la foi, avec toute l’humanité nous pouvons nous mettre
au service, agir pour apporter un nouvel espoir au monde. C’est
une façon d’aimer son prochain, d’agir pour la justice, d’être
serviteur. Et il y a tant et tant de façon d’inventer le service.
Chacun a sa place.
Augmente en nous la foi, fais de nous des serviteurs.
Jésus pose les conditions pour marcher à sa suite, pour être son
disciple. Et ces conditions nous semblent bien difficiles, en tout
cas surprenantes et dérangeantes. Et il insiste parce que par
trois fois il affirme : celui-là ne peut pas être mon disciple.
C’est donc essentiel. Mais alors que faut-il faire ? On pourrait
résumer en disant : faire des choix, discerner et porter sa croix.
Des mots difficiles mais qui rejoignent notre expérience et qui
sont des attitudes à mettre en œuvre pour se mettre à la suite du
Christ.
Faire des choix… choisir c’est forcément renoncer… on ne peut pas
tout avoir, tout vivre. Notre vie est traversée par tant de
sollicitations. La première lecture disait que « notre enveloppe
d’argile alourdit notre esprit aux mille pensées. » Des milliers
de pensées nous habitent… et souvent nous ne savons plus où donner
de la tête. Nous sommes aussi ballotés par les médias, les points
de vue multiples. Ce n’est pas facile de faire des choix dans ce
contexte là et pourtant c’est nécessaire. Faire des choix ou
plutôt faire un choix, radical, celui du Christ. Jésus emploie une
expression qui nous choque… c’est celle de préférer… Il invite à
le préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants…
Evidemment, Jésus ne demande pas de ne pas aimer ses proches. Mais
il invite à le mettre en premier, alors toutes nos relations en
seront transformées. Il nous faut donc réfléchir, discerner,
prendre le temps de nous arrêter, prendre de la distance pour être
libre. C’est le sens de ces paraboles où celui qui construit une
tour doit creuser des fondations, ou celui qui fait la guerre doit
calculer les forces. Cette parole de Jésus retentit en nous
aujourd’hui, et peut-être encore plus dans notre monde, notre
rythme. Il nous faut nous arrêter, relever la tête, réfléchir,
prendre des moyens avec d’autres pour choisir à nouveau le Christ.
Il nous faut des pauses sinon nous seront encore plus ballotés. Et
nous ne serons plus libres. Si Jésus nous invite à cela, ce n’est
pas pour nous embêter c’est au contraire pour nous rendre libres,
nous faire avancer. Alors il va plus loin encore : « Celui
qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être
mon disciple.. ; » Porter sa croix, c’est un terme que nous
n’aimons pas, tant il nous parait négatif. Porter sa croix c’est
se mettre à la suite de Jésus… si nous le contemplons, nous
verrons que lui, Jésus, a vécu sa vie d’homme, librement… une vie
donnée, donnée jusqu’à l’extrême, jusqu’à la mort, jusqu’à la
croix. Porter sa croix ce n’est pas chercher à se faire mal… c’est
vivre sa vie humaine, avec toutes ses difficultés et ses épreuves…
et il y en a… vivre ce qui fait notre vie et la donner, la
rayonner autour de nous. Ainsi porter sa croix c’est, au cœur même
de notre condition humaine, faire des choix pour avancer avec le
Christ vers la liberté de l’amour.
Etre, devenir disciple de Jésus c’est le choisir, c’est discerner
et c’est vivre sa condition humaine pleinement. Jésus est passé le
premier, il nous montre le chemin, nous pouvons le suivre.
Nous venons de l’entendre, Jésus invite à s’enrichir, être riche
en vue de Dieu et non pas amasser pour soi-même. Pour nous le
faire comprendre, il nous a raconté cette histoire, cette parabole
d’un homme qui a de l’imagination, du savoir- faire pour
s’enrichir, pour amasser les richesses mais la mort va arriver et
il ne pourra pas profiter de cette richesse… nous connaissons bien
cette réflexion : on n’a jamais vu un coffre-fort accompagner un
corbillard… Jésus, comme toujours, invite à aller ailleurs, dans
une autre direction. D’abord, évidemment, il faut bien comprendre
que Jésus n’est pas contre l’argent, le commerce, le travail ou la
construction d’un hangar pour y mettre sa récolte. Ce n’est pas
là-dessus que porte sa critique mais c’est sur le fait que l’homme
est complètement pris par ses projets… la seule chose qui compte
pour lui c’est amasser, accumuler… sa seule raison d’être c’est la
recherche de la richesse pour lui-même. Jésus dit qu’il faut
chercher une autre richesse.
Etre riche en vue de Dieu,, une autre traduction dit : au regard
de Dieu ou bien auprès de Dieu. Il s’agit là encore de richesse à
accumuler. Donc, comme dans la parabole il faut donc avoir de
l’imagination, réfléchir, inventer et mettre en œuvre. Il ne
s’agit pas de se tourner les pouces et d’attendre que tout vienne,
comme par enchantement. Il faut s’enrichir. Mais il faut le faire
en regardant Dieu, en le contemplant. Il faut donc se tourner vers
Jésus lui-même. Il nous montre l’exemple et s’il nous invite à le
faire c’est que lui-même le vit. Etre riche, devenir riche comme
lui Jésus est riche. Oui, sa vie est riche, remplie de richesse.
Richesse d’amour partagé, richesse de vie donnée, richesse
d’accueil, richesse de respect de l’autre, richesse de sa relation
avec son Père… sa richesse c’est ce qu’il donne. C’est donc dans
ce sens-là que nous sommes invités à nous enrichir. C’est en
donnant, en partageant et en inventant cette vie donnée que nous
pouvons avancer sur ce chemin. Lui, le Seigneur ne cesse de nous
donner sa richesse, la plénitude de sa vie… à nous de la recevoir
et de la partager. Alors cela nous entraîne forcément à faire des
choix. Bien sûr, il ne s’agit pas de rêver une vie sans argent, ou
sans soucis matériels… mais il s’agit de faire des choix dans
l’utilisation, la gestion de cet argent. Il s’agit de ne pas se
laisser occuper, comme Marthe, par ces richesses matérielles et de
ne plus, laisser de place pour la richesse sous le regard de Dieu.
Alors, nous pourrons recevoir ce Royaume promis, nous pourrons
participer à la plénitude, à la richesse du Royaume, de la vie en
Dieu.
« Il restera de toi Ce que tu as donné Au lieu de le garder
Dans des coffres rouillés Il restera de toi De ton jardin secret
Une fleur oubliée Qui ne s'est pas fanée Ce que tu as donné En
d'autres fleurira Celui qui perd sa vie Un jour la trouvera. » (
Mannick et Jo Akepsimas)
Aujourd’hui, la Parle de Dieu nous invite à prier. Nous avons
tous une expérience de la prière, plus ou moins vivante, plus ou
moins développée. Peut-être sommes-nous aussi déçus : je prie mais
je ne suis jamais exaucé… ou bien nous faisons des efforts et nous
avons toujours autant de distractions dans nos prières…Chacun
pourrait continuer de raconter son expérience de la prière,
personnelle ou communautaire. Accueillons aujourd’hui cette Parole
qui vient raviver, renouveler notre expérience.
Il arriva que Jésus, en un certain lieu était en prière… La
phrase parait vraiment banale, un peu comme si c’était un
non-évènement. Jésus prie, c’est tout simple. Et c’est en un
certain lieu… pas de définition, pas de précision… il ne s’agit
pas du Temple, pas d’une synagogue, pas d’un lieu fait pour la
prière … rien n’est précisé : un certain lieu, banal. J’aime
penser que Jésus n’a pas de lieu réservé pour prier… il peut prier
partout, en tout lieu, à tout moment. Jésus prie. Sa prière est
relation, relation avec son Père et toujours en lien avec tous les
hommes. Il est aussi considéré comme un maître pour apprendre à
prier. C’est en tout cas ce que les disciples lui demandent :
apprends-nous à prier. Et Jésus leur donne ces mots que nous
connaissons bien, la prière du Notre Père. Ces mots qui mettent en
relation avec Dieu… une relation si intime que l’on peut l’appeler
par son nom : Père… et en relation avec toute l’humanité. Et cette
relation est marquée par l’ouverture, l’insistance, on peut dire
la durée, la fidélité. Plus loin, il dira : demandez, cherchez,
frappez…
C’est lui, Jésus, qui nous montre le chemin, le modèle de la
prière. Il est Celui qui prie et il est Celui qui nous entraîne
dans sa prière, dans son élan. Il prie avec nous et en nous. Dans
n’importe quel lieu, n’importe quelle circonstance, nous pouvons
nous aussi prier… nous pouvons, nous aussi, entrer dans une
relation privilégiée avec Dieu et nous pouvons l’appeler par son
nom, comme Jésus. Et nous pouvons nous ouvrir à toute l’humanité…
prier change, transforme toutes nos relations. Nous pouvons
présenter, remettre entre les bras du Seigneur tout ce qui fait
notre vie, tout ce qui fait la vie des hommes. Et nous pouvons
demander, chercher, frapper à la porte. La prière est dynamisme,
elle nous pousse en avant. Bien sûr, elle peut prendre des formes
différentes… elle pourra être une demande, un pardon, un
merci. Mais l’essentiel à ne jamais oublier, elle sera, comme nous
le montre Jésus, une relation qui fait vivre. Et, comme toute
relation, elle connaîtra des moments plus ou moins forts,
marquants, mais essentiels. Nous croyons, en toute confiance, que
Dieu ne cessera de nous donner de bonnes choses, de nous donner la
force de son Esprit.
Ce passage qui nous présente Marthe et Marie n’a pas toujours été
bien compris. On est arrivé trop souvent à la conclusion que
c’était bien de prier et pas bien de faire la cuisine… ce n’est
sûrement pas Jésus qui a dit cela… il a sûrement été très heureux
de manger ce que Marthe lui avait préparé puisque l’on sait qu’il
aimait aller chez elles, et chez Lazare… c’étaient des amis…
Regardons de plus près. Marie est présentée comme celle qui est
assise aux pieds du Seigneur et qui écoute sa parole. Elle est
donc véritablement une disciple. Toute son attitude, y compris
corporelle le montre. Elle est attentive, elle est disponible,
elle a le cœur ouvert. Elle laisse de la place pour que la parole
de Jésus puisse être accueillie. Elle est bien présente, ouverte,
prête à la réception de la parole, à l’écoute et –on le sait-
écouter dans la Bible, c’est aussi obéir. La parole de Jésus peut
s’épanouir en elle.
Marthe, elle, est accaparée. Elle est dispersée, elle ne sait pas
où donner de la tête. Elle ne peut pas faire d’unité dans sa vie.
Elle est prise par les soucis multiples. Elle est éparpillée. Plus
encore, elle marmonne en elle-même, elle se compare et trouve que
sa situation n’est pas normale. Elle est jalouse. Elle fait des
reproches. Elle ne pense qu’à elle. Elle ne peut pas être à
l’écoute. Elle est occupée comme un téléphone est occupé.
Jésus le remarque et lui fait cette recommandation :: « une seule
chose est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part… ».Il
lui dit que ce qui essentiel et premier c’est l’écoute et la
réception de la parole, de la Parole de Dieu, de Jésus lui-même
qui est venu comme la Parole qui fait vivre. Remarquez qu’il ne
fait pas de remarque sur les activités de Marthe… il ne lui dit
pas d’arrêter de préparer le repas. Non, il lui dit de se
rassembler, de s’unifier pour donner la place à l’écoute, à la
rencontre de l’autre, à l’accueil de la Parole, du Christ
lui-même. Alors cela peut venir éclairer et même purifier toutes
nos activités. Evidemment, il ne s’agit pas de les arrêter. Mais
il s’agit de les remettre à leur vraie place. Plus encore, il
s’agit de faire en sorte que l’un nourrisse l’autre. Il ne faut
pas opposer les activités et la contemplation… on a tellement
opposé, déformé ces deux dimensions et on en est arrivé à quelques
aberrations comme la vie contemplative de religieuse est belle et
bonne contrairement à la vie d’une mère de famille… non, la
sainteté est pour tous et pour toutes… il y a des religieuses qui
sont accaparées par des activités et qui oublient d’être disciples
et des mères de famille, très occupées qui sont des
contemplatives…
L’un ne s’oppose pas à l’autre. L’essentiel, une seule chose
compte, une seule chose est nécessaire : accueillir le Christ
Jésus dans nos vies … si cela devient une réalité, alors toutes
nos activités en seront transformés. La rencontre de l’autre, la
rencontre du Christ sera au rendez-vous. Le temps des vacances,
quelles que soient nos occupations, peut être une belle occasion
pour nous ouvrir à cette Parole de Vie.…
Habituellement, dans nos expressions courantes, le prochain c’est
l’autre. C’est celui ou celle qui est dans mon entourage, avec qui
je vis. Notre regard, notre pensée va vers lui. C’est lui qui est
le point principal. Comme bien souvent dans l’Evangile, Jésus
vient changer les perspectives. Il nous invite à nous regarder
nous-mêmes, notre attitude, notre façon d’être… notre comportement
par rapport à l’autre. Comme il aime le faire, Jésus nous raconte
une histoire, une parabole. Voici un autre qui est attaqué,
blessé, laissé au bord du chemin, abandonné à moitié-mort. Cet
homme est en détresse absolue. Viennent alors trois hommes avec
trois attitudes différentes. Tous les trois voient cet homme. Mais
il y en deux, pour des raisons de loi, de rituel de pureté… il ne
faut pas s’approcher de la mort… deux qui passent de l’autre côté,
qui en font rien. Ce sont pourtant de bons juifs, de bons
croyants, bien sous tout rapport. Et puis il y a un
étranger, un Samaritain donc quelqu’un de considéré comme impur
par les juifs, qui a une toute autre attitude. Les verbes sont
magnifiques : il est pris de compassion, il est touché au ventre,
il s’approche, il panse les blessures, il le charge sur sa monture
donc il le touche, il l’emmène jusqu’à une auberge, il prévoit
même la suite : il laisse deux pièces et il le confie à un autre.
Celui-ci invente une attitude, des gestes concrets et efficaces.
Il fait tout ce qu’il peut dans l’urgence et en pensant à
l’avenir. Il ne colle pas, il ne s’approprie pas le
malheureux. Le pauvre ne devient pas sa propriété ; il le confie
et il va continuer son chemin tout en promettant de prendre en
charge les frais quand il repassera. C’est vraiment lui le
prochain, c’est lui qui s’est fait proche, qui s’est approché. Ses
attitudes sont pour nous aujourd’hui un modèle de charité active.
Une charité, une attention, un amour des plus pauvres inventif,
efficace… une attention à l’autre qui laisse libre. Jésus conclut
en disant : va et toi aussi fais de même. Nous sommes donc invités
à vivre nous aussi cette proximité, à devenir le prochain de
l’autre, et tout spécialement le plus pauvre ou le plus blessé.
Mais faire de même, c’est aussi faire comme Jésus lui-même.
Derrière cet homme Samaritain, peut se deviner le visage de Jésus
lui-même. Oui, Dieu en Jésus a vu et voit la détresse, la misère
de l’homme. Et il ne passe pas à côté, de l’autre côté du chemin…
Non, lui en Jésus s’approche, est pris de compassion, pris au
ventre, il panse nos blessures, il nous charge sur sa monture, il
nous touche, il nous emmène jusqu’à une auberge, il disparaît de
nos yeux mais il prépare l’avenir… comment ne pas relire tout
l’évangile avec ce regard. Jésus s’est toujours fait proche de
l’homme blessé, il a guéri et à l’auberge il a partagé le pain et
il a disparu de nos yeux. Jésus est Celui qui se fait proche de
l’homme. Alors nous sommes invités à faire de même… il le fait
pour nous. Il est proche, nous pouvons à notre tour nous faire
proches… c’est cela aimer, comme Dieu lui-même nous aime.
Jésus appelle et envoie ; il en choisit 72 parmi les disciples et
il leur donne une mission. Cet Evangile est bien sûr pour nous
aujourd’hui. Nous aussi nous sommes ces envoyés pour notre monde
aujourd’hui. Le Pape François emploie souvent la formule de «
disciple-missionnaire »… nous sommes disciples missionnaires, à la
suite et envoyés par le Christ lui-même. Ils sont envoyés deux par
deux. Les disciples ne sont pas solitaires… l’Eglise se vit
toujours à plusieurs. On n’est jamais seul lorsque l’on est
disciple, et on n’est jamais à notre propre compte non plus.
D’ailleurs il précise qu’il s’agit de parler de la moisson… il y a
donc quelqu’un qui a semé avant… c’est le Seigneur qui sème, qui
travaille, qui prépare, et le disciple-missionnaire récolte et
reconnait. Il n’est pas à son compte, il est envoyé. C’est le
Seigneur qui agit.
Et pour vivre cette mission, d’abord il faut s’alléger. Il ne
faut pas être encombré… il faut avoir le minimum pour pouvoir
marcher et avancer. Il faut être disponible pour aller à la
rencontrer, il ne faut pas se laisser distraire, détourner. Il
faut entrer dans la maison, c’est-à-dire rejoindre ce qui fait la
vie des hommes, leurs préoccupations, leurs joies. Et il faut dire
: « paix à cette maison »… La formule n’est pas d’abord une
politesse. Paix, c’est-à-dire le projet le plus important de la
part de Dieu. Le Seigneur souhaite que chacun puisse accueillir,
recevoir cette paix profonde. La paix pas seulement au sens de
l’absence de guerre mais au sens très profond de l’épanouissement
personnel et du bonheur de vivre et d’être ensemble, d’être dans
la plénitude de l’amour de Dieu. L’envoyé, que nous sommes, est
chargé de dire, raconter, de montrer, d’annoncer cette paix à
notre monde. Et chacun ensuite pourra accueillir ou pas cette
paix. Chacun reste libre… si cette paix n’est pas reçue, il faut
aller ailleurs, il faut continuer. Cette paix se traduit aussi
dans l’évangile par le mot Royaume ou règne. Il ne suffit pas de
dire : le royaume s’est approché, il faut bien préciser : le
royaume s’est approché de vous. Cette bonne nouvelle n’est pas une
idée générale, mais elle est pour chacun ; elle est proche de
chacun ; elle s’est faite proche, elle s’est approchée. En même
temps, Jésus prévient également que les envoyés sont comme des
brebis au milieu des loups… ce n’est pas facile d’être
disciple-missionnaire, hier comme aujourd’hui. Il faut se heurter
à des épreuves… mais le Seigneur ici promet qu’il ne laisse jamais
seul… il va se rendre dans tous ces lieux. Il est présent.
Aujourd’hui, soyons disciples-missionnaires… reconnaissons et
annonçons cette paix que le Seigneur propose pour la maison de
chacun…
L’évangile d’aujourd’hui nous semble bien exigent, un peu dur à
recevoir, voire impossible à vivre. Mais il nous est donné
aujourd’hui… qu’en faisons-nous ? Bien sûr, la facilité c’est de
dire que cet Evangile est réservé à quelques-uns… quelques-uns qui
choisissent de tout quitter pour suivre le Christ… nous pensons
aux prêtres… particulièrement en ces jours des ordinations, ou aux
religieuses, aux personnes consacrées… Oui, mais cet Evangile
n’est-il pas pour chacun d’entre nous, n’est-il pas pour nous
redire ce qu’est vraiment le choix de croire au Christ Jésus.
Jésus nous rappelle que la foi c’est se mettre à la suite de
Jésus, à sa suite, à la suite d’une personne. Il ne s’agit pas ici
d’adhérer à des idées, ni même à des valeurs. Il ne s’agit pas ici
d’une vie morale. Il s’agit de se mettre à la suite de quelqu’un,
d’engager sa vie toute entière dans cette suite. L’image du chemin
s’impose. Croire c’est se mettre en route, c’est prendre un
chemin… le verbe aller, partir traverse tout l’Evangile. Et Jésus
est très clair : ce chemin est difficile. Lui Jésus n’a pas
d’endroit où reposer sa tête. Et en plus son chemin va l’emmener
jusque vers Jérusalem, c’est-à-dire jusque vers sa passion et sa
mort. Le chemin de la foi, le chemin de la suite de Jésus est
souvent difficile… hier comme aujourd’hui. Il n’est pas toujours
compris, il peut être méprisé, rejeté… Mais se mettre à la suite
de Jésus demande de faire un choix, de le choisir lui,
prioritairement, en premier. Nous avons tous une capacité
extraordinaire pour trouver des arguments pour le choisir … à
moitié. Un petit mot revient dans l’évangile ; laisse-moi
d’abord…, permets-moi d’abord… Jésus demande un oui libre et
entier pour le suivre. C’est vraiment difficile d’autant plus que
les arguments avancés, nous les comprenons bien : un argument lié
aux relations familiales, et amicales : laisse-moi d’abord
enterrer mon père, laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de
ma maison. Evidemment, Jésus ne demande pas de négliger ces
relations-là… mais il replace, il redonne la première place à
l’engagement de la foi. Il s’agit, dit-il de ne pas regarder en
arrière. Suivre Jésus c’est résolument s’engager sur un chemin
d’avenir, c’est choisir un futur. Le Règne de Dieu, le Royaume de
Dieu est devant nous. Avec Jésus, il est commencé et il se donne à
nous sur le chemin. Avançons sur le chemin de la foi… et c’est
notre vie toute entière qui en sera transformée… y compris
évidemment toutes nos relations familiales, amicales… « Toi, pars,
et annonce le Règne de Dieu. »
L’Eglise nous invite aujourd’hui à entrer un peu plus dans le
mystère de la Trinité. Mystère d’abord ne signifie pas quelque
chose d’incompréhensible et en tout cas de bizarre… non il s’agit
de profondeur, de grandeur. Notre Dieu est grand et il est
possible d’entrer un peu dans sa compréhension, nous pouvons
l’approcher, nous pouvons nous plonger dans sa grandeur comme on
plonge dans la profondeur d’un océan. Nos mots sont bien
maladroits, nous ne pouvons que balbutier Dieu. Il sera toujours
bien au-delà de ce que nous pouvons en dire.
L’évangile que l’on vient d’entendre nous dit d’abord que notre
Dieu est relation. Le Père, le Fils et l’Esprit sont
essentiellement relation… par exemple tout ce que possède le Père
est à moi, nous dit Jésus. Notre Dieu Trinité est essentiellement
relation entre trois personnes. Une relation où chacun est bien
lui-même, a bien son rôle, son être propre et en même temps est en
relation parfaite, totale avec les autres. Une relation qui est
communion, dans le respect de chacun. Dieu le Père nous dit
l’origine, la source, Dieu le Fils nous a montré son visage, il
est venu partager notre condition humaine, et Dieu Esprit Saint
est le lien entre les deux, il est donné comme un souffle de vie.
Mais cette relation n’est pas fermée… sinon elle serait vaine et
elle ne nous intéresserait pas du tout. Dieu ne tourne pas en rond
sur lui-même. C’est une relation ouverte, éclatée. L’homme n’est
pas étranger. Au contraire il peut entrer dans ce mouvement, dans
ce souffle. Il est entraîné dans ce mouvement d’amour. Il fait
partie de cette relation. L’esprit reçoit ce qui vient de moi pour
vous le faire connaître, dit Jésus. Nous pouvons entrer dans cette
connaissance.
La foi en Dieu Trinité est une impulsion de vie et un art de
vivre. Croire, c’est vivre. Vivre, à l’image de Dieu… vivre nos
relations dans ce même élan d u respect de la différence et de la
communion… mais c’est aussi croire que ce que nous vivons nous
fait entrer dans la profondeur du mystère de Dieu. Notre vie peut
alors prendre toute sa dimension… Nous en sommes pas extérieurs à
Dieu, nous vivons de Dieu, nous vivons en Dieu…
Dieu inconnu,
ô toi qui es
Présence aux nuits de notre histoire,
Tu fais poindre en nos ténèbres
L'espérance ;
Brise les forces de la mort :
De nos yeux nous te verrons,
Dieu inconnu !
Jésus Seigneur,
toi qui étais
Auprès du Père avant les siècles,
Ton passage nous découvre
Le mystère ;
Trace un chemin dans notre vie :
Sur tes pas nous marcherons,
Jésus Seigneur !
Esprit de feu,
ô toi qui viens
Prendre les hommes dans ton souffle,
Tu déploies dans leur faiblesse
Ta puissance ;
Brûle d'amour les fils de Dieu :
Dans ta joie nous entrerons,
Esprit de feu !
Un jeune, non baptisé, m’a dit récemment : « je pense que je
crois au Père, au Fils mais le Saint Esprit je ne sais vraiment
pas ce que c’est. » Aujourd’hui nous fêtons le Saint Esprit mais
qui est-il ? La réponse n’est pas simple. Tout au long de ces
textes, des images nous sont données. Elles nous permettent
de voir plus clair et surtout elles nous aident à mesurer que
l’Esprit Saint n’est pas une idée plus ou moins compliquée, mais
nous le vivons, nous l’expérimentons. L’Esprit est au cœur de nos
vies. Il nous fait vivre. Il est comme ce souffle, ce vent qui a
la fois donne du souffle et nous pousse e avant. Il est comme ce
feu qui éclaire, réchauffe et rassemble. Il est comme un
Défenseur, un avocat qui ne cesse de nous protéger et nous
accompagner. Il est présent au plus intime de nos vies, il est
présent au cœur du peuple de Dieu, au cœur de l’Eglise.
Ils sont nombreux, ils sont réunis. Chacun est bien là, avec
toute son histoire, sa culture, ses habitudes, sa personnalité. Il
y a des Parthes, des Mèdes, des Elamites, des Arabes, des Crétois.
Bref, c’est le monde entier qui est présent. On a entendu toute la
liste des peuples présents. Et voici que le souffle de
l’Esprit va tout bouleverser. Il va les rassembler, chacun va
pouvoir comprendre l’autre et chacun va reconnaître la présence de
Dieu… les différences vont être respectées, personne ne disparait
mais il est possible désormais de se comprendre, d’être rassemblé
et de reconnaître les merveilles de Dieu. L’Esprit aujourd’hui
continue de souffler, et notre monde en a tant besoin. Nous
connaissons tous les divisions, les oppositions entre les peuples
et entre nous. Il n’est pas question de gommer, de supprimer les
différences. L’Esprit ne vient pas effacer, mais il vient
rapprocher, dans le respect de chacun. Vivre selon l’Esprit de
Dieu c’est accueillir et se réjouir de ces différences et c’est
avancer vers une unité où chacun a sa place, où chacun peut être
rempli du souffle de vie.
Oui, aujourd’hui cet Esprit nous est donné. Il vient au cœur de
notre vie nous donner du souffle, il vient remplir jusqu’à
l’intime le cœur de chacun… et il vient au cœur de notre monde
faire notre unité, il envie du haut du ciel un rayon de sa
lumière…
Nous continuons de lire l’évangile de Jean. Et aujourd’hui nous
voyons Jésus en prière. Nous pouvons entrer dans son intimité,
comment il formule, il exprime sa prière. Ce qui est magnifique
d’abord, c’est qu’il prie, il pense à nous. Il prie pour tous ceux
qui croient en lui. Nous essayons de le faire, il prie donc pour
nous. Sa prière nous concerne directement. Il a le désir que nous
soyons un comme le Père et lui sont un, que nous soyons un en lui.
Il souhaite donc que nous puissions entrer dans cette relation
qu’il a avec le Père. Nous faisons partie du projet, nous ne
sommes pas en dehors, ni même seulement là pour le contempler…
Non, nous entrons dans la profondeur de Dieu, dans son mystère.
Nous sommes faits pour connaître de l’intérieur cette grandeur,
pour participer à la vie de Dieu. C’est quoi cette vie de Dieu et
en Dieu sinon une vie remplie d’amour, de l’assurance d’être aimés
et en conséquence une vie rayonnante de lumière et d’amour.
Pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Il y a toujours une
ouverture. Entrer en relation avec Dieu, ce n’est jamais tourner
en rond. Il y a toujours une perspective. La mission va toujours
avec l’expérience, la relation avec le Seigneur va toujours avec
la relation aux autres. Ce projet, dette vie en Dieu est pour la
multitude. Elle n’est pas réservée à quelques privilégiés. Elle
est pour tous. Et le message est simple : que le monde sache que
tu les as aimés comme tu m’as aimé. C’est le même amour : l’amour
de Dieu pour Jésus son Fils Jésus et l’amour de Dieu pour chaque
homme est bien le même. Tout homme est aimé de Dieu et tout homme
est appelé à la savoir et à le reconnaître.
En préparant je me disais que tout cela ne sont pas de belles
pensées, mais il y a de la vie derrière. Par exemple, il y a
quelques jours un jeune de 22 ans a fait une démarche pour
demander d’avancer vers le baptême parce qu’il pense qu’il croit
et qu’il veut aller plus loin. Une jeune mère de famille, non
baptisée, a demandé le baptême pour son bébé parce que, dit-elle,
l’Eglise et se valeurs sont essentielles comme repère et soutien
dans ma vie. Une personne âgée et apparemment dans un autre monde,
élève les mains et marmonne le Notre Père avec toute l’assemblée
dans son EHPAD. Une femme se mobilise pour l’Ukraine et a
entraînée avec elle tout un mouvement de solidarité…
Oui, la prière de Jésus se continue aujourd’hui et elle produit du
fruit. L’homme entre dans le mystère de Dieu et participe à sa
vie...
La fête de l’Ascension porte en elle des contradictions. Tous les
textes nous parlent de joie : les apôtres sont dans la joie, ils
bénissent Dieu. Et en même temps, il s’agit bien d’un départ,
d’une séparation. Voici que cette séparation apporte de la joie…
comment est-ce possible ? C’est dans la foi que nous pouvons le
comprendre. Voici que Jésus a choisi de prendre la condition
humaine, donc une vie remplie de limites. Il a vécu dans un temps
et un lieu donné, il a rencontré des personnes très précises. Il a
vécu dans un corps. Il a pris complètement notre condition humaine
jusqu’à souffrir et passer par la mort. Par la résurrection, il a
dépassé ces limites. Il n’est plus enfermé dans sa condition
humaine. Alors sa vie, sa présence, et en conséquence son message
doit s’élargir. Il est pour toute l’humanité. Il est pour toutes
les nations, en commençant par Jérusalem, dit l’évangile. Jésus le
ressuscité entraîne avec lui tous les hommes, de tout temps et de
tout pays. Sa Bonne Nouvelle est pour tous. Alors il va
disparaître de nos yeux, il va, comme on dit, monter au ciel mais
il promet qu’il sera présent, autrement, c’est vrai, jusqu’à la
fin des temps. Il n’y a plus de limites, plus d’impossibilités. Et
cela est vraiment une grande source de joie. Son message, sa
présence n’a plus aucune frontière.
Aujourd’hui avec cette fête de l’Ascension, commence le temps de
la foi. Nous ne le voyons plus de nos yeux de chair mais nous
pouvons faire l’expérience de sa présence. C’est le temps de
l’Eglise. Son corps, c’est à dire sa présence se fait et se voit
dans cette grande famille des chrétiens : l’Eglise est ainsi
devenue le corps du Christ, le lieu de sa présence. C’est le
temps de la responsabilité. Chaque croyant est maintenant envoyé
pour témoigner, pour dire cette présence, cette joie apportée par
le Christ vainqueur de la mort. Les anges viennent dire cet envoi
: ne restez pas là à regarder le ciel mais allez jusqu’aux
extrémités de la terre pour dire et témoigner de cette présence.
C’est le temps de la foi, le temps de l’Eglise, le temps de la
responsabilité, c’est notre temps.
Avec ce temps de Pâques, nous continuons de recevoir des paroles
de Jésus qui nous parlent de relation, de communication. Il promet
: nous viendrons vers lui, et, chez lui, nous nous ferons une
demeure… Jésus promet qu’avec son Père, il a le désir de
s’installer, d’habiter, de demeurer chez nous, au plus intime de
nous-mêmes. Il promet donc que sa maison est au plus intime de
nous-mêmes. Il est bien chez lui lorsqu’il est chez nous, et nous
pouvons être chez lui. Cette habitation de Dieu est étonnante. Il
n’est donc pas celui qui est perdu dans son ciel, bien loin de
nous. Il est au plus près de nous. Notre Dieu se fait tellement
proche qu’il plante sa tente en nous. Voici l’expérience
essentielle de la foi.
Et avec cette promesse viennent d’autres affirmations. D’abord
celle de la paix puis celle de la joie. Jésus promet qu’au-delà de
nos peurs et de nos angoisses, la paix nous sera donnée. Cette
paix qui va toujours avec la joie. Nous en avons tellement besoin.
Nous sommes si souvent bouleversés et pris par la peur comme dit
Jésus. Evidemment, cette présence de Jésus n’est pas une pensée
magique qui viendrait effacer toutes nos difficultés et nos peurs.
Mais la promesse est bien là comme une assurance. Voici qu’une
présence, celle de Dieu nous rend plus fort, nous donne de la
force pour avancer. Désormais nous ne sommes plus seuls mais voici
que Dieu lui-même marche avec nous, demeure en nous et sa présence
nous apporte paix et joie.
Cette démarche est celle de la foi. Jésus précise également qu’il
s’agit de recevoir et de garder ses paroles. Accueillir sa Parole
c’est la vivre, la mettre en pratique. Il s’agit donc de rayonner
de cette présence, de ce cadeau qui nous est donné. Croire en
cette présence ce n’est pas s’endormir. C’est la mettre en œuvre
autour de nous. Cette paix et cette joie, cette assurance d’être
aimé sont faites pour être partagées. A notre tour de donner la
paix, la joie, de montrer et de dire à chacun qu’il est aimé. Il y
a tant à faire. La foi va toujours avec la mission…
Tous les textes d’aujourd’hui nous invitent à rester dans la
dynamique de Pâques. Le Christ ressuscité est présent. Lui qui est
passé par la mort est aujourd’hui le Vivant et il est présent.
Présence du Christ ressuscité… Nous nous posons des questions
parfois et nous avons du mal à reconnaître cette présence.
Aujourd’hui, avec les apôtres, nous sommes invités à faire
l’expérience de sa présence.
D’abord ils sont plusieurs à être rassemblés. L’évangile précise
qu’ils sont là, ensemble : Simon-Pierre, Thomas, Nathanaël et deux
autres disciples. Ensemble, il s’agit donc bien de l’Eglise. C’est
ensemble, en Eglise, en communauté que nous pouvons vivre
l’expérience de l’aventure de la présence du Seigneur ressuscité.
Nous voyons aussi que cette présence ne s’impose pas. Elle n’est
pas écrasante, elle est dans la discrétion. Mais elle est bien là,
bien réelle. Jésus se tient sur le rivage, sur le rivage de nos
vies. C’est lui qui prépare un feu de braise avec du pain et du
poisson.
Et cette présence, discrète, au bord de nos vies, est une
invitation, une demande, presque comme un mendiant : « auriez-vous
quelque chose à manger ? » Le Vivant s’adresse à nous, il a d’une
certaine façon besoin de nous, de notre participation, de notre
réponse. La question posée devient une invitation à agir, à aller
plus loin. Non pas attendre que cela se passe, mais oser jeter le
filet. Oser entrer dans la confiance, autrement dit dans la foi.
Et cette présence c’est souvent un autre qui peut nous la
montrer, nous la signaler : c’est le Seigneur, dit le disciple que
Jésus aimait à tous les autres. C’est lui qui le premier l’a
reconnu et il ne peut pas s’empêcher de le dire à tout le monde.
N’est-ce pas la logique de la mission ? Impossible de se taire
lorsque nous avons fait l’expérience de la présence du Vivant dans
nos vies.
Cette présence va toujours avec l’abondance. Elle n’est pas
petite, rabougrie mais elle porte du fruit. Les filets sont pleins
à craquer, la pêche est fructueuse. 153 poissons dit l’évangile,
ce serait le nombre de nations connues à l’époque. La présence du
ressuscité est pour toute l’humanité. Il n’y a pas d’exclusion.
Elle est abondante, pour tous.
Et cette présence se révèle dans ce repas partagé où le
Seigneur prend le pain et le donne. Le repas de l’eucharistie est
signe de cette présence. Voici que le Seigneur continue
aujourd’hui de donner les signes de sa présence dans cette messe
que nous célébrons ici, aujourd’hui.
Le Vivant se tient là, discret. Il appelle, il invite à la foi.
Il donne en abondance. Il envoie. Son Eglise aujourd’hui vit de sa
présence. Jésus prépare pour nous un feu de braise…
Lorsque Jésus ressuscité se présente, il dit toujours des mots de
paix… nous l’avons entendu par trois fois dans cet évangile :
la paix soit avec vous. C’est ainsi qu’il salue, c’est ainsi
qu’il entre en relation avec quelqu’un. Aujourd’hui encore, nous
avons tant besoin de cette paix, notre monde en a tant besoin.
Nous pensons à cette guerre qui dure et s’enlise, mais nous
n’oublions pas les autres conflits de par le monde… ni notre
histoire récente ne ce jour où nous pensons aux déportés… Nous
pensons aux divisions qui se sont exprimées pendant cette campagne
électorale. Nous pensons aux séparations et aux conflits qui
existent dans nos familles, ou dans nos relations, aux amitiés qui
se brisent. Nous pensons aussi à tout ce qui nous traverse, nous
divise, à tout ce qui nous touche au plus profond de nous-mêmes.
Bref, nous avons vraiment, profondément, besoin de paix. Nous
avons au plus intime le désir de cette paix.
Et Dieu lui-même a ce désir, ce projet pour l’homme et toute
l’humanité. Son Royaume promis est un Royaume de paix. Voici
qu’avec la mort et la Résurrection du Christ la paix est offerte,
la paix est possible. Lui est le Vivant qui apporte la plénitude
de la paix. Sa présence est source de paix.
Mais elle ne vient pas comme avec une baguette magique. Elle est
le don de Celui qui a connu l’épreuve de la Passion et de la mort.
C’est toujours frappant de voit que Jésus le Ressuscité se
présente toujours avec ces cicatrices, ses mains et ses ôté, la
marque des clous et même une plaie toujours ouverte puisqu’il
invite Thomas à enfoncer sa main. Le Christ Vivant n’est pas tout
lisse, hors de la réalité humaine. Non, il est celui qui a connu
la souffrance et la mort et il porte encore des marques. La paix
est aussi un combat. C’est au cœur de tous nos conflits et nos
incapacités qu’Il vient donner et partager sa paix.
Et la paix n’est pas un endormissement, une mort… au contraire.
Immédiatement après avoir souhaité et donné la paix, Jésus envoie
ses disciples pour en être témoins. Il leur donne son Esprit, sa
force et ils sont immédiatement en mission. La paix donnée est
toujours à partager. La présence du Ressuscité est un envoi. La
foi restera toujours une source de d’étonnement et de questions.
Nous sommes toujours comme Thomas à la recherche de signes. Ils
nous sont pourtant donnés. Ce sont les signes de paix. Croire au
Ressuscité c’est accueillir cette paix pour que nous ayons la vie
en son nom…
Il y a les femmes, il y a les apôtres, il y a Pierre… tous
reçoivent une nouvelle extraordinaire, certains trouvent qu’elle
est délirante, d’autre étonnante : « Celui qui a été déposé dans
le tombeau, celui qui a été mis à mort n’est plus là. Le tombeau
est vide. » Tout semble tourner autour de ce tombeau : les femmes
de très bonne heure vont s’y rendre, elles reviennent du tombeau
et racontent ce qu’elles ont vu et reçu, et Pierre lui-même se
lève et court vers le tombeau… le tombeau est au centre mais comme
un point de départ… on ne peut pas rester dans ce tombeau. Le
Vivant n’est pas ici, il est ressuscité, il est ailleurs. Voici
l’expérience étonnante que font les disciples, les femmes. Le
tombeau n’est pas la fin de tout. La vie est plus forte que tout.
Le Ressuscité est le Vivant.
Croire en la Résurrection restera toujours étonnant et si
difficile à partager. Il s’agit d’une expérience profonde, vitale
mais si elle est souvent déroutante et hésitante. Le croyant
ressent au plus profond de lui-même une présence, une vie qui
dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Le Ressuscité est présent,
malgré tout. Le tombeau n’a plus le dernier mot. Notre monde
aujourd’hui est évidemment marqué par la nuit et toutes les peurs
qui vont avec… la violence, les bruits de guerre, la création
menacée, la maladie et l’épidémie toujours présentes, les
inquiétudes devant l’avenir… autant de raisons comme les femmes au
tombeau, d’être dans la crainte et de garder nos visages inclinés
vers le sol.
Aujourd’hui, au coeur de nos nuits et de nos tombeaux, vient se
faufiler une assurance : le Seigneur est plus fort que nos
tombeaux, il n’y est pas enfermé et il vient nous relever. Il nous
fait participer à sa lumière et à sa vie. La pierre est roulée sur
le côté. Alors l’homme peut se relever. Désormais le Vivant marche
avec lui… Alors il peut construire la paix, il peut vivre la
solidarité, il peut travailler pour embellir la planète, il peut
lutter contre la solitude, il peut s’ouvrir à chacun et en premier
au plus pauvre. Le Vivant travaille au cœur de l’homme.
Le baptême donné aujourd’hui ou reçu depuis longtemps en est le
signe éclatant.
Jésus est à table avec les disciples, avec ses amis. Il va
partager le repas de fête. Il est en train de vivre son dernier
repas, son eucharistie. Il va donner sa vie. Il se lève, il se met
debout. Déjà s’annonce sa résurrection : il va se relever d’entre
les morts. Mais il se lève pour déposer son vêtement, pour se
dépouiller. Déjà s’annonce sa mort, sa remise entre les mains des
ennemis, sa longue Passion, son dépouillement. Il prend un linge
qu’il se noue à la ceinture. Il prend les moyens pour se mettre au
service. Il entre dans le concret, dans le matériel du service. Il
verse de l’eau dans un bassin et il se met à laver les pieds des
disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à sa
ceinture. Il prend soin des pieds. C’est un signe important. Un
signe d’accueil et de bienvenue ; la route est poussiéreuse, il
faut les laver. Il fait le travail du serviteur, de l’esclave.
Voici que Jésus prend soin des pieds des disciples, de ceux qu’il
envoie en mission. Ils ont et ils auront vraiment besoin de leurs
pieds pour la mission. Jésus le sait et les soigne. Et c’est
ainsi, dans le service, qu’il est vraiment Maître et Seigneur.
D’ailleurs il affirme qu’on peut l’appeler ainsi, il l’est
vraiment. Un Maître qui se met à genoux devant l’homme, un
Seigneur qui prend tous les moyens pour prendre soin et servir.
Contemplons ce Maitre et Seigneur, ce Serviteur. Il nous dérange,
il renverse complètement toutes les images que l’on peut inventer
pour Dieu. Il n’est vraiment pas le Dieu de notre imaginaire. Il
est le Tout-Autre. Oui, il est bien le Tout-Puissant parce que son
amour est Tout-Puissant. Tellement qu’il se met à genoux devant
l’homme fatigué, qu’il prend soin de ses pieds. Nous le
contemplons et nous retenons aussi son invitation à faire et à
vivre le même élan. « Vous aussi, vous devez vous laver les pieds
les uns aux autres. » Comment ne pas penser à tous ceux et celles
dont c’est le quotidien… le personnel de santé, les proches
aidants. Ils savent ce que cela signifie. Mais plus largement,
chacun d’entre nous peut le mettre en œuvre. Le service nous
oblige toujours à être inventifs et concrets. Les paroles ou les
belles intentions ne suffisent pas. Il faut, comme Jésus, prendre
les moyens. Donner sa vie pour les autres passe par un ensemble de
détails. Nos pieds sont poussiéreux, nous sommes en marche, nos
vies sont abîmées, cabossées… mais voici que notre Maitre et
Seigneur prend soin de nous, mais voici que nous tous, ensemble,
nous sommes ce peuple qui avançons à la suite de son Maître, nous
sommes un peuple de nomades. C’est cela vivre l’Eucharistie…
partager le pain de vie de Celui qui a donné sa vie pour nous et
vivre le service pour tout homme.
La femme est enfermée, coincée… des hommes l’entourent, tous
prêts à appliquer la loi… les cailloux sont prêts à être lancée.
Une telle femme doit être mise à mort, il n’y a pas d’avenir
possible pour elle. Le jugement définitif doit tomber… et voici
que Jésus ouvre une porte, un avenir est désormais possible. Le
cercle est cassé, les pierres n’ont plus qu’à être posées par
terre, elles ne servent plus à rien. Une rencontre est possible.
Jésus entre en conversation avec elle. Et il lui dit trois phrases
essentielles : je ne te condamne pas c’est-à-dire je ne t’enferme
pas dans un passé, un jugement bouclé, fermé ; puis il lui dit «
va » c’est-à-dire continue, invente ta vie, mets-toi en route pour
un avenir et enfin, enfin seulement, ne pêche plus c’est-à-dire «
ne recommence pas », fais un effort, ne retombe pas dans ce qui
t’a enfermé au départ. Des paroles dynamiques qui sont autant de
promesses, de germes. Déjà le prophète Isaïe disait : « Voici que
je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas
? » et Paul disait : « Oubliant ce qui est en arrière, et
lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel
Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. » Autant de
paroles à recevoir aujourd’hui… C’est vrai que notre monde, notre
maison commune, est menacé… c’est vrai que des situations
d’injustice sont bien là, et comment ne pas évoquer la guerre, la
violence, la création menacée… mais il y a aussi des germes, des
promesses d’un avenir… des associations nombreuses, des ONG
s’engagent pour la justice et le respect de chacun… le CCFD- Terre
solidaire annonce 580 projets dans 67 pays… ce n’est pas rien.
C’est vrai que la solidarité se manifeste pour l’Ukraine ou pour
l’Afghanistan…Autant de germes pour notre vie dans cette « maison
commune ». Bien sûr, il y a tant à faire… mais les germes sont
bien là, ne les voyez-vous pas ? Et nous sommes invités aussi à
les vivre dans nos relations… nous enfermons si facilement
l’un ou l’autre dans son passé, ses erreurs ou ses échecs… et si
nous gardions toujours, comme un réflexe, à la manière de Jésus,
cette pensée du « va »… c’est-à-dire, continue… il y a des germes
en chacun d’un monde nouveau, de relations nouvelles… « Voici que
je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas
? »
Dans notre marche vers Pâques, dans cette deuxième étape dans le
temps du Carême, Jésus se montre, se révèle à nous… il nous livre
tout le mystère de sa personne. Il est en relation, il n’est pas
solitaire. Il monte vers la montagne avec Pierre, Jean et Jacques
et même au cœur de l’apparition il est avec Moïse et Elie. Et ces
deux personnages sont importants : ils symbolisent, ils résument
toute l’histoire de la Bible, du peuple de Dieu. Jésus s’inscrit
complètement dans toute cette histoire humaine, cette histoire de
l’Alliance avec Dieu. Il ne tombe pas du ciel. Il marche avec son
peuple, il entre dans l’histoire. Et cet homme est aussi celui qui
est traversé de lumière. Il est transfiguré, il est le Fils
choisi, il est Dieu. Autour de lui et en lui il y a tous les
signes qui disent Dieu : la lumière, la blancheur, la gloire, la
nuée et le sommeil des apôtres et aussi la voix qui se fait
entendre. Jésus, cet homme entré dans l’histoire humaine est bien
aussi le Fils de Dieu. Cet homme qui va passer par le chemin de la
Passion et de la mort est bien le Fils de Dieu qui va ressusciter.
A travers tout cela, à travers ces mots et ces images se révèle à
nous le visage de Jésus, le Fils de l’homme, le Fils de Dieu.
Le chemin de la foi, l’aventure de la foi est une recherche, un
compagnonnage. Nous cherchons le visage de Celui qui va venir
illuminer et donner sens à toute notre vie. Et nous sommes si
souvent dans la nuit, les hésitations, les doutes. Les questions
sont nombreuses, les doutes sont au rendez-vous. Nous sommes
confrontés à des questions qui nous dérangent et nous remettent en
cause. Les évènements de la guerre à nos portes nous inquiètent et
nous plongent dans de grandes remises en cause… on ne pensait pas
que la ténèbre de la guerre pouvait si facilement réapparaître et
en quelques jours elle est là. Et aussi plus près de nous, les
épreuves, les conflits continuent. Pourquoi le mal est-il encore
si souvent dans le cœur de l’homme ? Quand pourrons-nous entrer et
rester dans la plénitude de la lumière de la paix ? C’est bien
aussi le désir de Pierre qui voudrait dresser trois tentes et
s’installer dans la paix…Notre chemin de foi et de vie est une
recherche marquée par les questions et la ténèbre mais
heureusement nous pouvons reconnaître aussi que nous avons tous
vécu d’une façon ou d’une autre quelques moments de lumière.
Souvent très furtifs, des instants mais qui nous qui nous ont
marqués pour toujours. Chacun peut se souvenir d’une parole, d’un
moment fort, d’une rencontre, d’un texte ou d’une image qui ont
été et qui sont toujours pour nous une aide, une lumière… un peu
comme si la lumière du ciel était entrée dans notre vie. Il est
bon de relire notre vie. Nous allons découvrir ces étapes qui sont
autant de signes donnés. Oui, sur notre chemin de vie, Jésus se
manifeste à nous comme une blancheur éblouissante. Il est vraiment
le Fils de Dieu venu illuminer et donner sens à notre vie. Il est
en conversation avec nous, il marche avec nous et il partage nos
questions et nos inquiétudes… il apporte sa lumière bienfaisante.
Au plus secret de nos cœurs il nous parle et vient réchauffer nos
cœurs, le cœur de chacun, de toute l’humanité.
Jésus le répète : heureux, vous êtes heureux… mais comment
peut-on dire ces mots aujourd’hui, comment peut-on dire ce genre
de parole à des malades, à des personnes pour lesquelles « tout
s’en va » ? Comment peut-on parler également de confiance et
d’être sans inquiétude alors que l’épreuve est au rendez-vous ? En
ce dimanche de la santé, ces paroles nous semblent bien difficiles
à recevoir.
Peut-être faut-il alors partir des autres paroles de Jésus,
celles sur le malheur. Jésus dit par quatre fois : quel malheur
pour vous. Pourquoi ce malheur ? parce que plus rien ne manque,
rien de peut arriver. Il y a un enfermement, un repli sur soi.
Celui qui a tout, qui est riche, repu, qui n’attend plus rien, qui
n’a que des compliments… Il tourne en rond, il s’enferme sur
lui-même. Il se détruit lui-même. Nous en connaissons tous et nous
en avons tous l’expérience : à un moment ou un autre de notre vie,
nous avons cette tentation de repli source de tristesse.
Le bonheur que promet Jésus relève d’une toute autre attitude.
Pour bien le comprendre, il faut le regarder lui-même, le
contempler. Lui Jésus est ouvert sur les autres, il vit la
miséricorde, l’attention, la douceur, il a faim de justice, il est
doux, il est tourné vers l’autre. Il sait voir ceux qui souffrent,
il sait apporter une parole de guérison, il remet debout, il
relève. Alors on peut dire : Jésus, tu es heureux toi qui est
ouvert… Voici le bonheur que Jésus a vécu et qu’il nous propose.
Un bonheur assez paradoxal, surprenant. Un bonheur qui n’est pas à
confondre avec un plaisir superficiel, mais un bonheur qui est un
art de vivre ouvert, dans la bienveillance, la bien-voyance,
l’attention et le service. Et là également nous connaissons des
personnes qui vivent cette ouverture, ce bonheur. Je pense à cette
personne très très âgée, handicapée, clouée sur son fauteuil, qui
ne peut plus marcher mais qui disait au cours d’une messe à
l’hôpital : « je voudrais prier pour ma voisine, elle a crié toute
la nuit, elle m’a empêchée de dormir. Mais je crois qu’elle est
très malheureuse. Il faut prier pour elle. » Voici une personne,
malgré toute sa souffrance qui reste ouverte, qui pense aux
autres… Heureuse est-elle…
Oui ce chemin de bonheur est proposé à chacun. Il n’évite ni les
épreuves, ni les souffrances mais il fait vivre en profondeur. Il
produit du fruit… Et Jésus nous en montre le chemin et marche avec
nous…
Imaginer Dieu, parler de Dieu restera toujours bien difficile.
Nos mots sont toujours maladroits. Souvent, il faut employer des
images pour s’approcher un peu de ce que Dieu est, de sa
profondeur, de son mystère. Dans la première lecture, le prophète
Isaïe raconte une vision. Le Seigneur est sur un trône comme un
roi. Les portes tremblent, il y a de la fumée. Dieu est alors
reconnu, présenté comme le Maître, le Seigneur de tout l’univers,
et toute la terre est remplie de sa présence. On ne peut que le
reconnaître et dire, proclamer sa sainteté grandiose… Saint, saint
le Seigneur… c’est ce que nous chanterons tout à l’heure.
Ici, dans ce passage d’Evangile, Dieu aussi se manifeste en
Jésus. Simon- Pierre tombe à genoux devant Jésus et un grand
effroi l’a saisi. Le signe c’est une pêche miraculeuse. Alors
qu’ils n’avaient rein pris, voici qu’avec Jésus les filets sont
pleins jusqu’à craquer et les barques remplies jusqu’à s’enfoncer.
Les disciples reconnaissent cette présence du Seigneur mais lui
leur dit simplement « sois sans crainte ». La présence de Dieu
peut évidemment impressionner, mais elle n’est pas une source de
peur. Elle est au contraire une présence d’un amour qui prend soin
et qui se donne en abondance, bien au-delà des manques et des
déserts de la vie.
Cette présence du Seigneur est en chacun de nous. Elle est
également dans son Eglise. L’image de la barque nous renvoie à
l’Eglise du Christ. Et cette présence se traduit par le don de sa
Parole, de son enseignement. Jésus est présent dans sa Parole. Une
Parole qui vient purifier nos lèvres, comme pour le prophète Isaïe
et une Parle qui nous envoie. A la suite de cette rencontre, les
disciples laissent tout et le suivent. Jésus appelle et envoie en
mission. La Parole et la mission sont toujours liées. C’est ainsi
que Dieu se révèle et se donne. Un Dieu qui donne en abondance, un
Dieu qui enseigne et donne sa Parole, un Dieu qui envoie pour dire
au monde entier la grandeur de sa présence. Celui qui est vraiment
Saint nous envoie pour le proclamer et le rayonner par toute notre
vie.
Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit… Les
signes… oui Jésus réalise, accomplit, fait, donne des signes. Un
signe est toujours là pour renvoyer à autre chose de plus grand
encore que lui-même. Il ne faut pas s’arrêter au seul signe. Ici,
à travers ce signe de la transformation de l’eau en vin, il y a
beaucoup plus qui est dit. Plus encore, c’est un commencement… il
y en aura donc beaucoup d’autres. Il s’agit d’un début, d’un
commencement d’un monde nouveau. Avec Jésus voici qu’une nouveauté
radicale s’installe. On peut dire qu’un monde nouveau commence. Et
ce mariage en est le premier signe. Un mariage, c’est-à-dire une
fête, une joie. Jésus est venu apporter la joie et le bonheur… une
joie partagée. Et cette joie est liée à l’amour. Un mariage, une
alliance. Plus largement, on peut dire que Jésus vient inaugurer
un mariage, une alliance nouvelle entre Dieu et l’humanité. En
fait c’est Dieu qui se marie, lui l’éternel amoureux se lie pour
toujours avec l’humanité. Nous pouvons aussi faire le lien avec
l’Eglise. Ce signe, ce commencement est le mariage entre le Christ
et son Eglise. Elle est souvent présentée comme une fiancée parée
pour son époux. L’Eglise est de cet ordre-là. Elle est liée au
Christ. Alors l’abondance est au rendez-vous. Le vin en est le
signe. Et il y en a…600 litres, il y a vraiment de quoi faire, de
quoi se réjouir. Lorsque le Christ se marie avec son Eglise, il ne
fait pas les choses à moitié. Il donne, il se donne très
généreusement. Il vient changer notre eau en vin, il vient
transformer notre vie sans goût ni saveur en très bon vin : c’est
un bon cru. Nous avons tant de mal à accueillir cette nouveauté,
et pourtant nous en avons tant besoin. Notre vision sur notre
monde et notre Eglise est marquée par un certain pessimisme… nous
sommes un peu blasés, usés. Voici que cet Evangile cette Bonne
nouvelle vient nous réveiller. Il ne s’agit évidemment pas de nous
cacher la réalité si souvent difficile, surement pas de se boucher
les yeux… mais il s’agit d’accepter d’entrer avec Jésus dans un
autre regard. Jésus le Christ vient partager ce qui fait notre vie
et il vient la transformer. Il donne de participer à la joie
d’aimer et d’être aimé. Et le bon vin pourra couler à flot…
« Royal époux, promis aux noces de la croix, Tu es venu
réjouir les enfants de Dieu, Et tu changeas notre eau en vin. O
viens, Seigneur Jésus ! Tendresse pour la terre ; Que nous
chantions pour ton retour : Béni soit au nom du Seigneur Celui
qui vient sauver son peuple ! »
Le temps de Noël se termine par le baptême de Jésus. Demain
commencera le temps ordinaire. Mais aujourd’hui avec cette fête,
tout est dit. Le Christ Jésus se révèle, se montre dans toute sa
dimension. Celui qui est né de Marie, celui qui a grandi dans une
famille, celui qui a été reconnu et chanté par les anges, celui
qui a été vénéré par les mages venus d’Orient, celui-là
aujourd’hui nous est donné comme le Fils bien-Aimé du Père. Pour
lui, c’est le ciel qui s’ouvre et il y a une parole qui affirme :
« Toi, tu es mon Fils bien- aimé : en toi, je trouve ma joie. »
Voici donc que dieu est « à tu et à toi » avec cet homme. Il y a
une relation unique entre le Père et Jésus. Il est le Fils
bien-aimé et plus encore, Dieu trouve sa joie en lui. Cette
relation est une source de joie profonde. L’Esprit Saint qui est
suggéré ici sous la forme d’une colombe affirme, complète cette
relation. Ainsi, Dieu Père, Fils, Esprit sont présentés ici dans
cette relation d’amour parfaite. Et à travers ce geste symbolique
du baptême, voici que Jésus nous est annoncé comme celui qui prend
le chemin des pécheurs, il accepte de recevoir ce geste de
purification, lui qui n’en avait pas besoin. Il va être plongé
dans l’eau, autrement dit plongé dans la mort mais il va sortir de
la mort, se relever, ressusciter. Nous avons rassemblé ici tout le
mystère de Jésus le Christ qui s’est fait l’un d’entre nous, qui
est passé par la mort et qui est ressuscité. Mais Jésus le Christ
devient alors pour nous une promesse, un appel. Il est le premier,
il passe le premier. Chacun d’entre nous peut le suivre. Il va
prendre le même chemin. C’est tout le sens de notre baptême et de
notre vie de baptisé. Jésus a donné sa vie pour nous pour que nous
puissions vivre de sa vie, de sa résurrection. A notre baptême,
nous avons entendu la même phrase que Jésus : Oui, chacun, chacune
est un fils, une fille bien-aimé(e) de Dieu. En chacun, chacune
d’entre nous, Dieu trouve sa joie en nous. Il est heureux de notre
existence, nous faisons la joie de Dieu. Et le Seigneur vient nous
partager sa vie, son amour. Etre baptisé, c’est recevoir ce signe
et c’est en vivre, autrement c’est aimer, à la suite et à la
manière de Jésus, lui qui nous donne toujours sa présence d’amour.
Vous aussi, vous prenez le même chemin. Vous vous préparez pour
recevoir plus tard le signe du baptême. Vous aussi, comme Jésus et
à la suite de Jésus, vous allez recevoir la même parole : Toi, tu
es mon enfant bien-aimé : en toi, je trouve ma joie… C’est une
bonne nouvelle à recevoir. Mettez-vous en route pour découvrir,
mieux connaître Jésus et vous entrerez ainsi dans la grande
famille des baptisés, de ceux qui reconnaissent l’amour de Jésus
pour eux et qui en vivent.
Marie se met en route et elle va, avec empressement, nous dit
l’évangile, rencontrer sa cousine Elisabeth. Elle va à sa
rencontre, elle va la visiter et ensemble elles vont se réjouir de
la visite de Dieu lui-même. Marie porte en elle le Seigneur Dieu
et la rencontre avec Jean Baptiste que porte en elle Elisabeth est
source de joie. Voici donc que Dieu vient visiter l’humanité. Il
vient à sa rencontre, et c’est alors une source de joie profonde,
qui fait tressaillir au plus intime.
Nous croyons et nous nous préparons à accueillir ce Seigneur qui
vient nous visiter, qui est venu visiter les hommes et apporter sa
joie. Marie peut de venir notre modèle. Elle porte en elle le
Seigneur et elle apporte la joie. Nous aussi, chacun, nous portons
en nous le Seigneur, la Bonne Nouvelle source de joie. Puisque
nous croyons que Dieu s’est fait l’un d’entre nous, alors il est
en nous, au plus intime. Nous sommes porteurs de Dieu, désormais.
Saint Paul parle de Temple de l’Esprit, ou bien de corps du
Christ. Oui, mais avouons que nous avons bien du mal à le croire
vraiment. Nous mettons plus en avant nos incapacités, nos fautes,
nos erreurs et évidemment elles sont bien réelles. Mais n’oublions
pas notre dignité, nous sommes porteurs du Seigneur. Il habite
chez nous, au plus intime. Alors ce sont toutes nos rencontres qui
vont en être transformées, colorées, voire transfigurées.
Plusieurs fois, des personnes qui visitent des malades racontent
leur expérience en parlant de visites qui deviennent des
Visitations. Et c’est vrai dans les deux sens, l’autre également
est porteur du Seigneur, et c’est lui le Seigneur qui vient à ma
rencontre. Nos regards sont alors changés.
La fête de Noël que nous nous apprêtons à vivre est souvent une
occasion pour vivre des rencontres ou bien malheureusement parfois
pour mesurer combien ces rencontres nous manquent. Ces rencontres
sont parfois difficiles… s’écouter, parler avec d’autres qui n’ont
pas le même point de vue que moi, les mêmes options c’est
difficile et notre monde aujourd’hui en est particulièrement
marqué… les listes de sujets à ne pas aborder en famille peut être
longue. Des fractures sont là. Dans la foi, nous sommes invités à
avoir un autre regard, une autre attitude. Il ne s’agit pas de ne
plus avoir de point de vue, d’idée, de sensibilité, d’option, de
choix de vie… sûrement pas. Il s’agit de ne jamais oublier que
l’autre, comme moi, autant que moi, est habité par le Seigneur. Il
porte, comme moi, le Seigneur. Alors je peux accueillir l’autre,
tout en restant soi-même. Cette présence, comme pour Elisabeth et
Marie, est source de joie et d’émerveillement.
Accueillons le Seigneur qui vient, entrons et vivons une
véritable Visitation.
Marie a dit oui à l’invitation de l’ange, elle a dit oui à son
Seigneur. Elle a hésité, elle a posé des questions, elle a voulu
connaître un peu avant de s’engager : comment cela va-t-il se
faire ?- mais elle dit oui, elle a donné son accord : que tout
m’advienne selon ta parole. Elle a accueilli en elle la parole, la
promesse qui lui a été faite. Elle l’a accueillie au plus profond,
au plus intime d’elle-même. Et cette demande qui venait de
l’extérieur n’est plus un corps étranger, mais Marie a tissé en
elle cette promesse, elle l’a réalisée. Elle a donné un corps au
Seigneur, à Dieu lui-même. Nous n’aurons jamais fini de nous
étonner de cela. Jésus, celui que nous reconnaissons comme le Fils
de Dieu est né d’une femme, comme le dit saint Paul… Jésus, né
d’une femme.
Et c’est en cela que Marie devient pour nous le modèle de la foi,
« celle qui a cru ». Son itinéraire est aussi le nôtre. La foi ne
peut pas rester extérieure, étrangère à nous-même. Elle est
toujours invitation de la part de Dieu pour entrer au plus
profond, au plus intime de nous-mêmes et si, comme Marie, nous
l’accueillons, alors nous pouvons tisser en nous la présence de
Dieu pour le monde, d’une certaine façon nous donnons naissance,
nous donnons corps au Seigneur. C’est ainsi que Marie est aussi la
Mère de l’Eglise. L’Eglise toute entière est chargée de donner au
monde ce Seigneur. Elle est le corps du Christ, c’est-à-dire
l’être au monde, le visage de Dieu pour aujourd’hui. Nous savons
bien que ce visage est souvent abîmé, déformé dans nos vies comme
dans notre Eglise. Mais Marie nous en montre le chemin et le
Seigneur ne cesse de nous renouveler, de nous rafraîchir… Marie
devient pour nous le modèle. C’est pour cela que nous la prions.
Elle nous donne et nous emmène vers le Seigneur. Elle nous
accompagne dans le chemin, parfois difficile, de nos vies. Elle
est la servante du Seigneur, la croyante, elle est la Mère de
l’Eglise… Accueillons avec elle Celui qui vient dans nos vies,
dans notre monde, dans notre Eglise.
L’ensemble des textes aujourd’hui nous fait entrer dans la joie,
l’espérance. Voici que Dieu fait une promesse qui vient
transformer notre vie, notre monde. Même les chemins tordus sont
appelés à être redressés, même les collines ou les escarpements
vont être allégés, aplanis. Un monde nouveau de joie, de lumière,
de miséricorde, de justice est promis. La venue de Jésus s’inscrit
complètement dans ce projet, il vient le réaliser et le mener
jusqu’à sa plénitude. Mais avec lui, on n’est pas dans de belles
idées, de magnifiques discours, la réalisation de la promesse
entre dans l’histoire humaine. Le début de passage d’Evangile
insiste sur cette dimension historique. On donne une date : l’an
15… on donne des noms : Tibère, Ponce Pilate, Hérode, Philippe,
Lysanias, Hanne et Caïphe. On donne des lieux : Judée, Galilée,
Iturée, Traconitide, Abilène. Des dates, des personnes, des lieux…
un espace et un temps, voilà bien ce qui fait notre histoire,
notre vie. Et bien c’est là qu’entre la parole de Dieu. Dieu, en
Jésus entre dans l’histoire la plus concrète, la plus précise. Il
entre donc dans nos vies, dans notre monde… et chacun pourrait
réécrire ce passage de Saint Luc… en donnant des dates, des noms,
des lieux… c’est ici, c’est dans notre monde tel qu’il est avec
ses blessures, ses attentes que le Seigneur vient apporter et
réaliser sa promesse. Il ne fait pas semblant, il n’a pas posé le
bout du pied sur terre. Non il s’est fait l’un d’entre nous et
c’est à chacun qu’il propose ce monde nouveau de joie et de
lumière. La vie éternelle est commencée. Encore faut-il
l’accueillir, accueillir Celui qui vient aujourd’hui. Préparons,
accueillons, travaillons pour que la joie promise par Celui qui
s’est fait l’un d’entre nous se réalise pleinement en nous, dans
notre monde.
En écoutant ce passage d’Evangile, le premier réflexe est la
peur… Jésus annonce des bouleversements, des catastrophes… le
soleil, la lune, les étoiles, la mer : tout semble ébranlé,
affolé, désemparé… La création telle que nous la connaissons
semble être remise en cause… Mais il n’y a pas que cela dans le
texte. Il y a aussi fortement une annonce : annonce d’un monde
nouveau, d’une nouvelle création, d’un nouvel ordre… alors Jésus
invite à une attitude qui n’est pas celle de la peur… au contraire
: il invite à rester éveillé, à prier, à relever la tête, à se
redresser et même à se tenir debout…Il n’invite pas à se baisser,
s’abaisser, se replier sur soi, ni même à se mettre à se mettre à
genoux, à s’écraser… Non, il invite à être debout, la tête haute…
on peut dire à être libre, pleinement soi-même, heureux. Mais
alors pourquoi faut-il ainsi se relever ?
Tout simplement parce qu’il vient le Seigneur, ou bien le Fils de l’Homme comme dit Jésus lui-même. Il vient, il est tout proche. Il vient dans notre monde, dans notre vie. Dans le désordre, Dieu vient mettre de l’ordre, il vient apporter la justice comme le disait Jérémie. Il vient relever, il vient sauver toute l’humanité. Nous croyons qu’avec la venue de Jésus un monde nouveau est commencé. Il est commencé, il a encore beaucoup à se développer. Son Royaume, son Règne n’est pas entièrement épanoui, mais son action se continue. Il se donne à nous et il agit dans notre monde, dans nos vies. Nous en avons tous tellement besoin. Il suffit d’écouter, de suivre l’actualité pour constater que notre monde est bien bouleversé, l’humanité abîmée, l’homme capable de détruire et de tuer, la création mise à mal… mais nous osons croire que l’amour de Jésus est à l’œuvre et qu’il continue de venir. C’est tout simplement pour cela qu’il est bon de se préparer à Noël et que c’est une grande fête pour chacun… Alors, veillons, prions, relevons la tête, tenons-nous debout… le Seigneur vient, il est notre Sauveur.