« Vous savez, moi, je ne suis pas un saint… » l’expression
est connue. Elle est bien significative de notre conception de la
sainteté. Etre saint, c’est être parfait, être un héros
extraordinaire, hors norme, au-delà de notre humanité. Autrement
dit, ce n’est pas pour nous… peut-être pour quelques-uns-
sous-entendu quelques curés ou religieuses d’autrefois. Et si tout
cela était une fausse piste… D’abord il faut rappeler que
Dieu seul est saint. C’est un mot qui caractérise, qui définit
Dieu lui-même. Il est saint c’est-à-dire il existe vraiment, il
est parfait. Et sa sainteté est toujours rayonnante, elle est
toujours partagée. Il n’est pas enfermé dans son ciel, en train de
s’ennuyer. Il est l’origine, le créateur, il est comme un soleil
qui réchauffe et éclaire. Il est l’amour complet, permanent… nous
n’aurons jamais fini d’allonger sa liste. Il est grand, il est
saint. Et nous croyons que Jésus est venu révélé, montré, rayonné
cette sainteté de Dieu. Toute sa vie, Jésus lui-même a été le
Saint de Dieu. Dans l’Evangile que nous venons d’entendre, en fait
il nous parle de lui. Il dit et il répète : Heureux. C’est-à-dire
Jésus est heureux parce qu’il est ouvert, attentif,
miséricordieux, doux, il se bat pour la justice et la paix. Ce
bonheur est ouverture, c’est cela sa sainteté. Et Jésus alors nous
invite à prendre ce même chemin. Il dit Heureux les doux. Il
montre un chemin, un projet de vie, il nous donne une charte pour
marcher avec lui et devenir à son image. Ce qui veut donc dire que
la sainteté nous est proposée. Elle est pour nous. Elle est
toujours à inventer, à mettre en œuvre. Bien sûr, nous faisons des
erreurs, nous oublions ce bonheur promis et comment ne pas penser
à toutes les erreurs, les péchés de notre Eglise qui sont révélés
ces jours-ci… l’Eglise elle-même est prise dans cette incapacité.
Mais nous croyons que le Seigneur continue d’appeler à la
sainteté, il nous en montre le chemin et c’est lui qui nous permet
d’avancer. C’est lui qui fait de nous des saints, nous participons
ainsi à la sainteté de Dieu. Lorsque Paul s’adresse aux premiers
chrétiens par exemple de la ville de Rome, il les appelle Saints…
"aux saints et aux saintes qui sont à Rome". Oui, nous le sommes,
nous sommes remplis de l’Esprit du Seigneur, et cela se voit. Cet
Esprit nous est donné, il n’est pas le résultat de nos pauvres
efforts. La foi chrétienne n’est pas la religion des purs et des
parfaits, elle est le chemin de ceux qui sont pécheurs,
incapables, abîmés et tordus mais appelés toujours à entrer dans
la sainteté de Dieu, autrement dit sauvés par lui… Tous ces
jours-ci nous nous souvenons de personnes qui nous ont quittés et
que nous avons aimés. Avec un peu de recul, nous pouvons tous
dire, citer tel ou tel acte, telle ou telle parole qui nous a
marqués, que nous ne pouvons pas oubliés. Nous nous souvenons de
tel geste de douceur, de miséricorde, tel engagement pour la
justice, telle parole de sagesse qui nous a aidés, éclairés, tel
geste de tendresse qui nous a réconfortés. Oui, la sainteté de
Dieu nous entoure à travers tant et tant de visages. C’est pour
cela qu’aujourd’hui nous fêtons les saints : ils nous aident, ils
nous prennent par la main et ils nous invitent à entrer dans cette
sainteté que le Christ Jésus est venu nous offrir. A notre tour,
dans le quotidien de nos vies, de nous mettre en route.
Tous les textes aujourd’hui sont remplis de joie et de vie.
Vraiment la rencontre avec Jésus change tout, toute la vie. Voici
un aveugle, il est seul, il est assis, il est au bord, il mendie.
Il n’a plus de relation, il est exclus, il est pris dans un cycle
de mort. Et après avoir rencontré Jésus, à la fin, il voit, il est
debout, il est sur le chemin et il suit Jésus. Il a retrouvé de
vraies relations, il a une place e il st en route, il est dans un
cycle de vie. Entre temps, il y a eu cette rencontre avec Jésus,
mais cela a été bien difficile. Il a fallu qu’il crie, il a été
rabroué – on a voulu le faire taire- il a fallu qu’il insiste… il
a fallu que de lui-même, il se mette en route, il a rejeté son
manteau et il s’est précipité. Et voici que Jésus l’accueille, et
voici que Jésus l’écoute, plus encore il lui donne la parole avec
cette question qui peut toujours surprendre : que veux-tu que je
fasse pour toi ? Ainsi cet aveugle doit dire son besoin, son désir
profond. Il doit l’exprimer. Ainsi un dialogue vrai et profond
peut s’engager entre lui et Jésus. Un dialogue qui respecte
chacun. Alors Jésus peut le guérir et l’appeler à marcher avec lui
et à vivre de cette bonne nouvelle de vie. Il peut alors aller
annoncer sur les chemins une bonne nouvelle. Jésus est le sauveur,
c’est lui qui met debout, qui met en route, qui donne une dignité,
qui fait participer à sa vie.
Aujourd’hui, dans l’Eglise universelle, nous pensons, nous
prions, nous rappelons cette dimension essentielle de la vie
chrétienne qu’est la mission… mission universelle confiée à
chacun. La mission qui se définit souvent par ces deux expressions
que sont le dialogue et l’annonce. Les deux ensemble c’est-à-dire
cette attitude à aller à la rencontre, à écouter l’autre, à la
rencontrer en vérité et cette autre attitude à annoncer, à dire, à
nommer le Christ, le Ressuscité qui approche la vie et nous fait
participer à la sienne. Parfois on a voulu opposer les deux… «
moi, je veux bien écouter, vivre l’accueil mais je ne veux pas
faire de l’annonce cela est réservé à quelques-uns… sous-entendu
les autres » Non, c’est à chacun d’être disciple-missionnaire,
comme dit le Pape François, c’est-à-dire chacun est appelé à faire
l’expérience du Christ ressuscité, comme cet aveugle appelé à se
mettre debout et à marcher à sa suite, et chacun est appelé à
dire, à expliciter, à nommer cette source qui met en route et
chacun est appelé à entrer en dialogue, en conversation à l’autre.
Alors cet élan de vie qui nous vient du Ressuscité pourra se
continuer, se répandre et vivifier notre monde et notre Eglise.
Nous en avons tous tant besoin. C’est cela la source de notre
Espérance… une Espérance exigeante, difficile parfois… mais
personne ne peu t nous faire taire, nous ne pouvons pas nous
taire.
Nous avons tous en nous des désirs de lumière, de respect,
d’avoir une place, d’être reconnus, des désirs de bonheur tout
simplement. Et souvent nous travaillons pour cela et nous le
demandons au Seigneur. Comme les apôtres, nous prions et nous
disons souvent : « Maître, ce que nous allons te demander, nous
voudrions que tu le fasses pour nous. » Jésus répond mais sa
réponse est déroutante et surprenante. Il propose un autre chemin,
ou plutôt il propose son propre chemin qui est celui du service…
Il propose de donner sa vie. C’est ce qu’il a fait tout au long de
sa vie. A travers ses rencontres, ses gestes et même sur la croix
il s’est donné lui-même, il a donné sa vie. Et c’est ce don qui
est la source de la vraie vie et donc du bonheur. Et Jésus
applique cette invitation à la question du pouvoir. Il parle du
pouvoir des grands mais aussi du pouvoir que chacun est appelé à
vivre. Il donne la règle : le pouvoir doit être un pouvoir de
service. Il n’est pas question de nier la pouvoir. Nous en avons
tous un, même petit… ne serait-ce que dans nos relations
familiales, amicales… toutes nos relations sont marquées par le
pouvoir mais comment le vivons-nous, comment l’exerçons-nous ?
Après la remise du rapport de la CIASE, cette question est
vraiment d’actualité dans notre Eglise. Plusieurs recommandations
d’ailleurs insistent sur la façon de vivre le pouvoir dans
l’Eglise. Et le Pape François l’a redit plusieurs fois : les excès
de pouvoir peuvent mener aux abus de pouvoir sexuel… Cet Evangile
vient aujourd’hui nous provoquer à une réflexion en Eglise où
chacun a sa place : vivons-nous le pouvoir dans l’Eglise – les
évêques bien sûr- mais aussi chaque chrétien- comme un service, à
l’image de ce Jésus le Christ qui a vécu le pouvoir comme un
service. Il n’a pas nié son autorité : il a dit : Vous m’appelez
maître et Seigneur et vous avez raison, mais c’est le même qui
lave les pieds des disciples et se met aux genoux de l’homme.
Prenons le temps de le contempler ce Serviteur… il marche avec
nous, même s’il nous remet en cause et nous bouscule, même si
l’épreuve est bien là. Nous croyons que ce chemin de service, à sa
suite, nous mène, nous conduit vers le bonheur, la vie en
plénitude… comme le disait Isaïe : il verra la lumière, la
connaissance le comblera…
Une belle rencontre entre cet homme et Jésus. L’homme cherche,
voudrait bien avancer sur le chemin de la vie éternelle. Il
voudrait bien réussir sa vie. Et il faut tout pour. Il respecte la
loi, il est engagé dans le respect, le service, l’amour des
autres.Il a une belle vie. Mais cela ne suffit pas. Il y a ce
regard de Jésus posé sur lui, cet amour qu’il lui offre. Une
rencontre qui va venir changer sa vie. Jésus l’invite à se
désemcombrer, à se libérer. Mais dans sa liberté, il ne va pas le
faire. Il va s’en aller sombre et triste. Il ne va pas se mettre à
la suite de Jésus. Plus loin, Jésus explique aux disciples cette
urgence de quitter, c’est-à-dire de faire des choix pour ne pas
être encombré, pris, occupé, dominé. Jésus ne dit pas qu’il ne
faut plus du tout avoir de terre, de familles, qu’il ne faut plus
rien posséder du tout… non, il dit qu’il ne faut pas se laisser
prendre par ces richesses. Sinon, nous sommes trop larges et nous
ne pouvons plus passer par la porte étroite… il faut enlever les
charges pour pouvoir avancer. Il faut donc faire des choix
difficiles pour pouvoir être plus libre… et Jésus emploie
plusieurs fois le mot : oui, c’est difficile, c’est vraiment
difficile de suivre le Christ. Ces décisions que nous devons
prendre ne sont pas toujours comprises… elles vont avec des
persécutions… c’est-à-dire des incompréhensions, des rejets, des
conflits…
Aujourd’hui, en ce dimanche, nous prions, nous nous ouvrons à la
création. Le Pape François nous a alerté il y a cinq ans, à
prendre conscience de la situation, et à faire des choix pour le
respect de cette création que Dieu nous a confiée. Pour cela il y
a aussi des choix à faire. Il nous faut nous désencombrer, nous
alléger. Il y a une conversion à vivre. Nous voyons bien qu’autour
de nous il y a des avancées mais il y a encore beaucoup à faire
pour que la maison commune soit sauvegardée. C’est
difficile… mais il en va de notre avenir. Et comme tout est lié,
comme dit le Pape, chacun à notre place nous pouvons y travailler.
Mais Jésus nous redit également aujourd’hui que c’est Dieu qui
est le seul Sauveur… nous ne pouvons pas agir seul de notre côté…
nous arriverons à des impasses. Mais pour Dieu rien n’est
impossible. C’est lui qui nous le promet et il nous accompagne.
Donnons-lui toute la place et ce Royaume promis nous sera donné.
C’est cette espérance qui nous habite. C’est dans cette espérance
que nous pouvons nous rapprocher de la nature, en prendre soin,
recevoir ce qu’elle a à nous donner. Dans ce sens que nous pouvons
nous ouvrir aux autres. Il nous faut nous libérer et le don de
Dieu ne manquera jamais.
Etre baptisé aujourd’hui c’est accueillir ce don gratuit de Dieu.
Avec Thelma entrons dans ce salut. Pour Dieu tout est possible.
Les textes de la liturgie aujourd’hui nous invitent à la
réflexion et à la prière sur ce mystère de l’amour et du mariage
et plus largement sur la famille. Des réalités qui touchent chacun
au plus profond de notre être, de notre affectivité, de ce qui
nous fait vivre tout simplement. Et nous connaissons tous les
blessures, les échecs, les situations douloureuses, les
séparations que beaucoup vivent. Nous pensons aux couples et aux
familles mais aussi aux enfants. Et comment ne pas recevoir
aujourd’hui, d’une façon toute particulière, la parole de Jésus
sur les enfants… mardi prochain- nous en reparlerons- va paraître
le rapport de la CIASE sur les actes d’abus sexuels sur mineurs
dans l’Eglise depuis 1950…Oui, des personnes nombreuses, beaucoup
trop nombreuses sont blessées dans et par l’Eglise. Le
commandement de l’amour comme Jésus nous en parle et nous invite à
le vivre aujourd’hui a été et est aujourd’hui abîmé, déformé.
Jésus parle de la dureté du cœur de l’homme. Oui, l’homme peut
déformer l’amour jusqu’à la perversité, et ce qui est encore plus
scandaleux au cœur même de l’Eglise. Nous le reconnaissons, nous
voulons entrer dans la compassion et nous souhaitons recevoir à
nouveau la Parole vigoureuse et source de bonheur pour tous que
Jésus nous redonne aujourd’hui.
Suite à un synode des évêques sur la famille, le Pape François a
publié un beau texte… j’en retiens un passage aujourd’hui :
« 121. Le mariage est un signe précieux, parce que « lorsqu’un
homme et une femme célèbrent le sacrement de mariage, Dieu pour
ainsi dire, se ‘‘reflète’’ en eux, il imprime en eux ses traits et
le caractère indélébile de son amour. Le mariage est l’icône de
l’amour de Dieu pour nous. En effet, Dieu lui aussi est communion
: les trois personnes du Père, du Fils et du Saint Esprit vivent
depuis toujours et pour toujours en unité parfaite. Et c’est
précisément cela le mystère du mariage : Dieu fait des deux époux
une seule existence ».[119]
Cela a des conséquences quotidiennes et très concrètes, car les
époux « en vertu du sacrement, sont investis d’une véritable
mission, pour qu’ils puissent rendre visible, à partir des choses
simples, ordinaires, l’amour avec lequel le Christ aime son
Église, en continuant à donner sa vie pour elle ».[120]
122. Cependant, il ne faut pas confondre des plans différents :
il ne faut pas faire peser sur deux personnes ayant leurs limites
la terrible charge d’avoir à reproduire de manière parfaite
l’union qui existe entre le Christ et son Église ; parce que le
mariage, en tant que signe, implique « un processus dynamique qui
va peu à peu de l'avant grâce à l'intégration progressive des dons
de Dieu ».
C’est bien dans ce processus dynamique que ce situe ce que nous
avons à vivre… un idéal qui touche directement le mystère et la
grandeur de l’amour de Dieu et un processus dynamique… ce qui
sous-entend les erreurs, les virages ou les échecs… mais le don de
Dieu, le don de l’amour ne cessera jamais d’être donné et sera
toujours à recevoir.
D’abord il est facile de constater que ce que dit Jésus concerne
notre corps de façon très concrète : la main, le pied, l’œil.
C’est ce qui fait ce que nous sommes, dans et avec notre corps. Et
ce corps nous permet d’entrer en relation avec les autres. Nous ne
pouvons pas être en relation en dehors de notre corps, de nos
sens. C’est ce qui nous permet d’exister tout simplement. Et ne
rêvons pas d’en sortir, cela n’aurait tout simplement plus de
sens… Remarquons qu’en français le mot sens a trois sens… il y a
cette dimension corporelle : nos cinq sens, il y a aussi la
direction ; aller dans un sens, aller vers, aller à la rencontre,
et enfin la signification, c’est-à-dire le sens profond. Ces trois
sens nous rappellent qu’ils sont liés… c’est comme un trépied,
s’il en maque un plus rien ne tient debout. S’il n’y a pas de
direction, de rencontre pas de signification, et si en dehors du
corps pas d’existence non plus. Ici, Jésus nous fait entrer dans
le sens dans ses trois dimensions. Il nous parle du corps, de la
signification et bien sûr de la relation, d’aller vers les autres.
Il le fait ici par la négative : si l’homme est un scandale, une
occasion de chute alors tout est faussé. Un scandale au sens
premier du mot c’est une pierre qui fait tomber sur le chemin. Des
occasions de chute nous en rencontrons tous dans notre vie… notre
chemin de vie rencontre régulièrement des pierres qui peuvent
faire tomber. Jésus donne deux directions : faire tomber les
autres, en particulier les plus petits et se faire tomber
soi-même. Ensuite c’est à chacun d’analyser, de discerner et de
prendre les moyens pour éviter de heurter ces pierres
d’achoppement. C’est le combat de toute une vie et parfois il faut
prendre des décisions radicales, presque chirurgicales pour
continuer.
La foi et la vie chrétienne qui va avec est toujours un chemin et
un combat. Il y a des chutes forcément… mais ne l’oublions jamais,
il y a toujours la force et la main tendue par le Christ qui vient
toujours relever, redonner force, remettre debout pour continuer
le chemin. Dans la première lecture, on avait le rêve de Moïse qui
disait : Ah, si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux… et
bien avec Jésus le rêve, la promesse est réalisé : nous avons reçu
son Esprit, l’Esprit Saint, l’Esprit de force qui nous permet de
continuer le chemin, qui nous relève et vient donner sens à tout
ce qui fait notre vie.
De quoi discutiez-vous en chemin ? voici la question que Jésus
pose à ses disciples. Et il la pose aussi à nous aujourd’hui…
Qu’est-ce qui nous préoccupe, nous occupe… on peut dresser une
liste : la rentrée, l’actualité dramatique dans le monde, le temps
qu’il fait et le climat qui s’abîme, la vaccination et le Covid…
et chacun peut la continuer. La réponse des disciples est un peu
surprenante : « ils avaient discuté entre eux pour savoir qui
était le plus grand… » Ce qui les intéresse, les préoccupe c’est :
eux-mêmes et leur importance, c’est leur réussite personnelle… les
autres n’existent pas, seul compte leur promotion personnelle. Qui
est le plus grand ? sous-entendu, il faut que je fasse tout pour
être le plus grand et pour dominer tous les autres. Alors Jésus
répond… il est précisé dans le texte, il s’assoit et il appelle…
sa réponse est donc sérieuse, importante solennelle… Il répond en
invitant à vivre le service et l’accueil. Mais ce ne sont pas des
mots en passant. Il ne s’agit pas d’une belle leçon de morale.
Mais c’est sa vie toute entière qu’il donne à voir. Lui, Jésus,
tout au long de sa vie, à tout instant a vécu l’accueil et le
service. Il a été attentif aux autres et particulièrement aux
petits, aux enfants, aux pauvres, aux malades, aux exclus… A
chacun, il a donné sa vie. Et il l’a donné jusqu’à l’extrême,
jusqu’à la mort. Nous avons la chance aujourd’hui d’avoir sous nos
yeux, grandeur nature, ce chemin de croix. Nous pouvons suivre
Jésus, entrer dans son cercle. Il est seul, confronté à sa
solitude, fragile, abandonné. Il va perdre visage d’homme, il va
tomber… il va être livré aux mains des hommes jusqu’à mourir sur
la croix, jusqu’à être déposé au tombeau. Mais, comme il l’annonce
lui-même, trois jours après sa mort, il ressuscite. Tout est
accompli. Il n’est plus visible, le corps a disparu mais sa
présence mystérieuse reste au milieu de nous. Il a donné sa vie,
il a été le véritable, le seul serviteur. Il a vécu le sommet de
l’amour… Et aujourd’hui nous nous mettons en chemin, à sa suite,
pour vivre à notre tour l’accueil et le service. Nous pouvons
alors discuter de tout ce qui nous occupe, nous préoccupe, de tout
ce qui fait notre vie, mais comme Jésus, à sa suite, nous pouvons
le faire en vivant l’accueil et le service…Nous pouvons parler de
la rentrée comme du Covid, des catastrophes climatiques comme de
notre nouveau cartable… mais désormais l’accueil et le service, à
l’image et à la suite de Jésus, viennent éclairer toute notre vie.
Nous pouvons ainsi passer de la peur de l’autre à l’accueil, de la
peur de poser de prendre la parole et de poser des questions à la
joie du service… La peur va faire place à la joie de l’amour.
Jésus est présent au milieu de nous, il marche avec nous et il
nous le redit en ces jours de rentrée. Il nous montre son chemin,
celui de l’accueil et du service de tous.
Entendre, et parler, Nous en connaissons tous l’importance et
ceux et celles qui vivent ce handicap savent la souffrance que
cela représente de ne pas pouvoir vraiment entendre et vraiment
parler. Et plus largement, nous avons tous l’expérience pour
nous-mêmes ou pour des proches que nous avons souvent la tentation
de nous enfermer, de nous replier… par exemple de ne plus vouloir
nous ouvrir à la vie du monde
Nous venons de l’entendre : « Le Seigneur fit pour nous des
merveilles. » C’est Marie qui le dit dans son poème et nous nous
sommes unis à elle. Nous avons dit que nous reconnaissons que le
Seigneur fait pour nous de grandes choses, des merveilles. Cela
n’est pas facile à dire, voire même à certains moments, devant
certaines épreuves, quasiment impossible à dire ou à chanter. On a
plutôt envie de dire : « tu fais peut-être des merveilles mais
nous avons bien du mal à les voir ces merveilles. Où sont-elles ?
» Marie non plus n’a pas toujours été dans la joie. Elle a été
aussi au pied de la croix, elle a vu mourir son fils. Elle a eu du
mal à comprendre, elle lui a fallu du temps : comment cela va-t-il
se faire ? Elle gardait tout cela dans son cœur. Son cœur a été
transpercé. Mais tout au long de son chemin de vie, elle a gardé
la foi. C’est en cela qu’elle est présentée par l’Eglise comme le
modèle des croyants, notre modèle.
Marie a accueilli la Parole jusqu’au plus intime. Elle est même
devenue celle qui a enfanté, mis au monde Celui qui est le Verbe,
la Parole. Marie a su reconnaître la présence et l’action de Dieu
et être reconnaissante pour tout ce qu’il fait, pour sa présence.
Elle a su regarder sa vie et elle a pu déceler, discerner combien
son Seigneur ne cesse d’agir. Il dérange, il renverse, il change
l’ordre des choses, ce qui était établi pour toujours est anéanti.
Et c’est le petit, le faible qui a toute sa place. Dieu en Jésus a
même ouvert un chemin radicalement nouveau. Il est passé par la
mort et il est ressuscité et il passe le premier. Il entraîne avec
lui toute l’humanité. Il est le Premier-Né d’entre les morts. Et
cela change notre vision. Ce ne sont pas que des mots, de belles
idées. Désormais notre vie est traversée par cette puissance de
résurrection. La vie des autres également. Ils sont nombreux les
signes de cette vie, de cette puissance en actes chez nous ou chez
les autres. Un geste, une parole, une attitude, une attention aux
autres sont autant de signes. Oui, chez nous, autour de nous, dans
notre monde, il y a des personnes qui vivent la miséricorde au
quotidien, il y a des pauvres qui osent prendre la parole, des
affamés de paix ou de tendresse qui la trouvent enfin, il y a des
puissants qui sont renversés… chacun peut continuer la liste…
Ouvrons les yeux, et nous pourrons découvrir les actions du
Seigneur… nous pourrons alors entrer dans la louange avec Marie,
la mère des croyants, ma mère de l’Eglise. Oui, le Seigneur a fait
pour moi des merveilles.
Les juifs récriminaient contre Jésus. Récriminer… Ils n’étaient
pas contents et ne supportaient pas d’entendre Jésus dire qu’il
est le pian vivant descendu du ciel. Ils ne veulent pas de ce
discours qu’ils ne comprennent pas et surtout qu’ils refusent. Ils
sont dans la négation, dans le négatif. Ils disent non et ils
refusent catégoriquement ces mots. Alors ils s’enferment et
enferment les autres. Ce Jésus, on le connait et ils l’enferment
dans leurs façons de penser, dans leurs schémas… on le connait, on
connait son père et sa mère… il n’y a pas de place pour la
nouveauté… le point de vue est arrêté et il est négatif…
Impossible de casser ces murs. Jésus leur demande de ne pas
récriminer entre eux… Il les invite à une autre attitude, qui est
bien différente, qui est une ouverture à un mystère… non pas au
sens de quelque chose d’incompréhensible, de bizarre mais quelque
chose de profond, de grand… Il les invite à entrer dans la
profondeur et l’intimité du Christ. Il les invite à entrer un peu
dans la compréhension de ce qui fait la vie de cet homme, l’Envoyé
… le Fils de Dieu, de cet homme qui ose se présenter comme le pain
venu du ciel, le pain vivant qui donne vie.
Jésus ne refuse pas les questions, les recherches pour mieux
comprendre… et toutes les questions sont bien normales… il est
difficile d’entrer dans le mystère de vie du Christ Jésus. Mais il
invite à ne pas s’enfermer dans le négatif et les idées toutes
faites.
N’est-ce pas une invitation pour chacun d’entre nous. Notre foi
ne va pas sans question, doutes et remises en cause. Tout cela est
bien normal. Mais ne tombons pas dans la récrimination, dans le
négatif qui nous enfermer. Et laissons-nous prendre et surprendre
par la personne même de Jésus… même si nous pensons bien le
connaître. Il se présente comme le pain vivant descendu du ciel.
Il est le don de Dieu, don du Père. Et ce don est pour nous, pour
nous partager, nous donner la vie, en abondance. Celui qui en
mange ne mourra pas… Nous pensons bien sûr à l’eucharistie, la
communion, mais plus largement encore le Christ donne sa vie pour
que nous soyons des vivants et plus encore des vivants de la vie
éternelle. Accueillons cette bonne nouvelles.
Qu’est-ce que cela peut vouloir dire dans nos vies ? D’abord cela
nous rappelle que nous recevons la vie, qu’elle est un don…
ensuite que nous sommes vraiment faits pour la vie… et que cette
vie donnée est à recevoir et à rayonner… alors notre regard sur la
vie et sur les autres va changer. A notre tour, nous pouvons
donner notre vie et les autres peuvent à leur place partager cette
vie… cela se traduit alors dans la qualité de nos rencontres, dans
l’attention et l’aide que nous pouvons apporter. La vie ne peut
que se partager. Vivre l’eucharistie, recevoir le pain de vie
c’est toujours pour le partager… il est toujours pour la vie du
monde.
Entrons et choisissons la vie…. Ne récriminons pas.
Il y a une grande contradiction dans ce passage d’Evangile… d’un
côté Jésus invite aux vacances et au repos et d’un autre côté, il
n’arrête pas de travailler. Alors le repos est-il possible ?
a-t-on le droit de prendre des vacances ?
Tout tourne autour du regard de Jésus. D’abord il voit les
apôtres qui rentrent de leur première mission et ils sont
fatigués, et une fois arrivés il y a tellement de monde qu’ils
n’ont même plus le temps de manger. Et plus loin, Jésus voit une
grande foule. Et il est, dit l’évangile, saisi de compassion…
exactement il est pris au ventre, il est pris aux tripes, il a mal
au ventre en voyant cette foule. Il est touché au plus intime de
lui-même. Il voit que cette foule n’a pas de berger… Ils sont
comme des brebis perdues, ils n’ont pas de but, ils ne savent pas
où aller. Jésus sait voir et immédiatement il agit. D’un côté les
apôtres vont partir en barque vers un endroit désert et d’un autre
côté Jésus va se mettre à enseigner, longuement précise
l’Evangile. Il va donner sa Parole. Jésus ne se contente pas d’un
regard qui serait seulement un constat. Il donne sa vie, il donne
sa Parole ? Il est lui-même ce pasteur, ce berger qui va pouvoir
conduire ces foules perdues. Il est ce pasteur qui prend soin, qui
conduit, qui est attentif, qui mène vers la vie comme nous l’avons
chanté dans le psaume.
Nous sommes nous aussi, chacun et chacune, sous ce même regard de
Jésus. Il nous connait et il est touché par ce qui fait notre vie.
Nous ne passons pas inaperçus, nous ne sommes pas transparents
pour lui, nous avons une place dans son cœur… Il connait nos joies
comme nos fatigues, nos inquiétudes comme nos espoirs. Il connait
ce qui nous fait vibrer, ce qui nous touche. Il sait voir combien
nos contemporains ont besoin de voir clair, de reprendre force et
espérance. Il sait voir les peurs qui nous paralysent. Et il est à
l’œuvre. Il prend soin, il conduit, il donne sa Parole qui
éclairer, apporter sa lumière, redonner force. Il guide et il
rassure.
Alors, chacun d’entre nous nous pouvons à l’image de Jésus être
berger les uns pour les autres. Nous sommes invités, nous aussi, à
entrer dans le même regard que Jésus, invités à nous laisser
toucher et à agir, à annoncer longuement, à notre façon, une
Parole qui fait vivre, qui redonne l’Espérance.
Alors que nous soyons en vacances ou pas, prenons le temps du
recul, de nous mettre un peu à l’écart pour entrer dans le regard
de Jésus et travailler avec lui, le seul, le vrai, le Bon Berger.
Jésus appelle, Jésus envoie en mission. Ils partent. Ils
proclament, ils libèrent du mal, ils guérissent. Rien ne plus
simple. Un appel, un envoi. Ils se mettent en route, ils vivent la
mission. On aurait pu imaginer que Jésus établisse une liste de
compétences, de capacités, de conditions… un programme détaillé.
Non pas de compétences particulières. Simplement ils reçoivent une
autorité. La mission est donnée par le Christ. Elle n’est pas le
résultat de nos capacités, de nos efforts. Elle est d’abord et
avant tout un appel et un don. C’est le Seigneur qui donne la
capacité et il envoie ou plutôt dit l’Evangile : il commence à les
envoyer. Il commence, la mission ne sera jamais finie. Il continue
donc aujourd’hui à appeler et à envoyer. Il n’a jamais fini de
commencer. La mission est toujours un commencement, elle est
toujours neuve.
Mais en quoi consiste-t-elle ? Elle peut se résumer ici par trois
actions : proclamer qu’il faut se convertir, expulser les démons,
s’approcher des malades et les guérir. Il s’agit donc d’annoncer,
de dire par toute sa vie qu’un monde nouveau est commencé avec la
venue du Christ ; il faut donc l’accueillir, changer de vie, se
convertir. Il faut aussi expulser le mal, combattre le mal et
apporter la libération. Il faut enfin se faire proche des malades,
des plus atteints, des plus pauvres et leur apporter la guérison.
Cela peut nous paraître hors de l’ordinaire. Nous ne faisons pas
de miracle. Dans la mission, ce n’est pas vrai… bien sûr nous ne
faisons pas de miracles spectaculaires… mais lorsque nous prenons
le temps d’écouter vraiment quelqu’un et souvent sans rien
dire et que cette personne nous remercie pour tout ce que nous lui
avons dit, n’est-ce pas un miracle, n’est-ce pas une libération,
une guérison… et il y a tant d’autres exemples. Oui aujourd’hui
nous vivons la mission, dans notre quotidien, dans l’ordinaire de
nos gestes, de nos paroles. C’est cette autorité que le Seigneur
nous donne.
Pour bien vivre cette mission, il nous précise quelques
conditions que l’on peut résumer par le mot de simplicité. Il ne
faut pas s’encombrer, être encombré, surchargé. Ici, il faut
seulement un bâton pour pouvoir marcher. Rien ne doit nous
entraver. La mission va toujours avec la pauvreté, la simplicité,
l’humilité. C’est le Seigneur qui envoie et qui accompagne. Il
donne sa force, son autorité. Son amour peut alors proposé au plus
grand nombre. C’est la mission de l’Eglise, c’est notre mission.
Jésus se présente ici comme celui qui enseigne, celui qui parle.
Il est souvent en déplacement, il retourne aujourd’hui dans son
lieu d’origine et là, comme ailleurs il parle. Il est « prophète »
c’est-à-dire, non pas celui qui prédit l’avenir mais celui qui
parle au nom de Dieu. Il enseigne, il annonce au nom de Dieu.
Mais… il constate très vite que ça ne marche pas. Sa parole n’est
pas accueillie, sa prédication, son enseignement n’est pas reçu.
Quasiment comme un réflexe, ses auditeurs vont l’enfermer dans ce
qu’ils connaissent de lui. Ils vont mettre en avant sa famille,
ses origines, son métier. Ainsi il rassure, on sait qui il est… et
on ne peut pas accueillir ce qu’il a à dire, ce qu’il peut
apporter de nouveau. Il va donc être rejeté. La foi qu’il propose
n’aura pas de suite. Il ne pourra pas être lui-même. Il ne pourra
pas faire de miracle. Jésus en est lui-même étonné, mais il faut
bien reconnaître avec lui que c’est un échec. Sa parole est tombée
dans le vide.
Ne peut-on pas appliquer tout cela à notre propre vie, notre
propre histoire. Jésus ne cesse de nous donner, de semer sa parole
au plus profond de nous-mêmes. Et nous entrons dans l’attitude des
familiers qui savent déjà tout, qui connaissent… qui savent des
choses sur Jésus et qui n’ont plus rien à découvrir, plus rien à
recevoir de lui. La Parole ne pousse pas. Elle est éteinte et
enfouie. La Parole de Jésus pourtant est toujours là pour étonner,
surprendre, déranger. Elle nous emmène ailleurs, plus loin, au
large, en profondeur. Encore faut-il l’accueillir, la recevoir
avec un regard et un cœur tout neuf. Nous ne pourrons jamais
l’enfermer dans nos certitudes. Sa Parole est libre et elle nous
rend libres.
Ne nous étonnons pas non plus des difficultés et des épreuves que
nous pouvons rencontrer lorsque nous essayons nous aussi de dire
la Parole, d’enseigner. Nous le faisons à la suite de Jésus. Lui,
le Prophète a connu des rejets. Nous aussi, nous marchons sur le
même chemin.
Mais Jésus ne s’arrête jamais. A la fin de cet Evangile, il
parcoure les villages d’alentour en enseignant. Il ne baisse pas
les bras ; Il ne dit pas : c’est impossible. Il continue. Il
parle, il enseigne. Il va un peu plus loin. La Parole de Dieu ne
connait pas de frontière. La mission n’est jamais terminée.
Avec Jésus, on bouge, on ne tient pas en place. Suivre Jésus c’est avancer sur un chemin. Il invite ses disciples à passer de l’autre côté, sur l’autre rive. Il prend un bateau et il traverse le lac, la mer comme on le dit à l’époque de Jésus. Et cette avancée, ces déplacements ne se font pas toujours facilement. Il y a même parfois du vent et des tempêtes.
Notre foi ne nous laisse pas tranquille. Elle nous invite toujours à avancer, à nous mettre en route. Elle n’est jamais statique, figée. Elle nous pousse à avancer. Nous en avons tous l’expérience et nous savons combien c’est parfois difficile. Il ne s’agit pas de bouger pour bouger. La foi ce n’est pas avoir la bougeotte, mais c’est avancer toujours, aller à la rencontre des autres, à la rencontre de soi-même, aller, se mettre en route pour découvrir le visage de Dieu.
Et nous savons aussi que nous traversons des tempêtes, des
remises en cause, des doutes. Dans la Bible, la mer est le symbole
du mal, de l’inconnu qui peut vraiment tout remettre en cause. Le
mal nous entoure, et la tempête nous rend malade et peureux. Les
épreuves de la vie en sont le signe. Nous crions notre peine et
nous avons souvent l’impression que Dieu lui-même est absent… il
dort sur le coussin à l’arrière du bateau. Nous nous débattons
avec notre peur : « nous sommes perdus »… L’aventure de notre foi,
de notre vie est aussi une épreuve. Epreuve parfois de l’absence
de Dieu ; nous crions et il ne fait rien…
Ici, Jésus se réveille et il menace le vent et la mer. Il est le
maître du mal. Il est plus fort que la mort. Il est vainqueur du
mal. Dans notre vie aussi, nous en avons, heureusement parfois
l’expérience. Le Seigneur vient à notre aide, il nous prend par la
main et il nous aide à nous relever et à reprendre le chemin.
Au début du texte, il a invité les disciples à passer sur l’autre
rive, il a même dit : passons sur l’autre rive. Il va donc lui
aussi passer sur l’autre rive avec ses disciples, avec nous. Lui,
Jésus, est passé par la mort, il a traversé la mer, il a connu la
tempête et il a été maître du vent et de la mer : il est
ressuscité, il a vaincu la mort.
Et c’est là qu’il nous entraîne. Il marche avec nous. Lui, le
premier-né d’entre les morts, le Ressuscité passe le premier et
nous entraîne avec lui. Notre chemin de foi se vit avec lui. Nous
empruntons le même chemin. Vive sa foi c’est se mettre à la suite
du Christ mort et ressuscité. Lui sera toujours là, même au cœur
des plus grandes tempêtes.
Les textes d’aujourd’hui emploient souvent le mot « sacrifice »
avec toutes les images qui vont avec, en particulier celle du sang
versé. Ces images nous déroutent un peu. Parler de l’eucharistie,
de cette fête, cette Fête-Dieu dans ces termes semblent être d’un
autre âge. Alors justement il faut s’y arrêter pour mieux
comprendre. Le sacrifice existait dans toutes les civilisations.
Il s’agissait de prendre du vivant, souvent un animal et de le
tuer pour l’offrir à un dieu qui serait ainsi heureux de recevoir
ce cadeau, ce geste gratuit, uniquement pour lui. Il s’agissait de
faire plaisir, souvent de calmer, d’amadouer ce dieu pour qu’il ne
soit pas en colère ; il s’agissait tout simplement de nouer une
relation avec ce dieu et de prouver toute la bonne volonté de
l’homme, ou du peuple. Cet animal sacrifié devenait alors sacré,
c’est-à-dire mis du côté de Dieu.
Avec Jésus on a continué de faire jouer ces images mais on les a
transformées. Il n’est plus question d’animal, mais d’une
personne. Il n’est plus question d’objet extérieur, mais d’une
personne qui se donne elle-même. Jésus s’offre, se donne pour Dieu
son Père et pour toute l’humanité. Il n’est plus question
d’amadouer, ou de clamer Dieu… il est question uniquement d’amour.
Jésus se donne par amour, et ainsi il entre complètement dans
l’amour de Dieu le Père. Jésus le fait en passant par la mort et
la résurrection. C’est ainsi qu’il peut dire à son dernier repas :
ceci est mon corps, prenez et ceci est mon sang versé pour vous…
Il précise même qu’il s’agit du sang de l’Alliance qui est versé
pour la multitude. Ainsi c’est toute l’humanité qui reçoit ce don,
ce cadeau.
Lorsque nous célébrons l’eucharistie nous entrons dans ce
mouvement, dans ce don du Christ Jésus. Nous nous souvenons qu’il
a donné sa vie une fois pour toutes et qu’il l’a fait pour chacun
d’entre nous. Nous sommes entraînés, on pourrait aussi rassemblés,
récapitulés dans ce don d’amour. Célébrer l’eucharistie nous ouvre
toujours à l’humanité toute entière. Il ne s’agit pas de se
replier sur soi-même, sur un petit groupe privilégié ... non, tous
les hommes sont présents. Je me souviens d’une personne qui
répondait à la question : « vous devez être triste de voir que vos
enfants ne viennent pas à la messe avec vous … oui, c’est triste,
mais je peux vous assurer qu’ils sont quand même présents à chaque
messe… ils sont dans ma prière. » Oui, l’Eglise qui célèbre est
toujours ouverte au monde entier.
Et célébrer c’est donc entrer dans le mouvement du don du Christ,
donc c’est une invitation à le vivre, à donner notre vie, à notre
tour, à la suite du Christ Jésus. Nous rompons le pain pour un
monde nouveau. Autrement dit la charité va toujours avec
l’eucharistie. N’oublions pas que nous sommes toujours envoyés à
la fin de la messe… Envoyés pour vivre ce que nous sommes, envoyés
avec le dynamisme, le mouvement du don inauguré par Jésus le
Christ.
Aujourd’hui des jeunes disent, expriment leur foi avec leurs
mots. L’Eglise aujourd’hui est appelée à dire et à célébrer sa foi
en Dieu Père, Fils et Esprit, autrement en un Dieu Trinité. Cela
peut nous paraître être des formules bien compliquées pour
exprimer quelque chose que de toute façon nous ne comprendrons
jamais. On entend parfois : « ne compliquons pas ; il suffit
d’employer le mot Dieu et toute le reste est inutile… » Regardons
de plus près l’Evangile. C’est à la fin de l’évangile de Matthieu,
les dernières paroles de Jésus. On pourrait dire son testament et
on sait combien les dernières paroles d’une personne sont
importantes et combien on aime les garder. Les disciples ont gardé
précieusement ses paroles. Cela se passe sur une montagne. L
montagne dans la Bible c’est toujours le lieu de la rencontre
comme si le ciel et la terre se rejoignaient. C’est là que Dieu
parle, se révèle. Il est dit que les disciples ont du mal à
croire, ils ont des doutes mais Jésus s’approche, il se fait
proche et il leur parle. Dieu n’est pas perdu dans son ciel, il se
fait proche de chacun d’entre nous. Il vient nous rejoindre, il
vient rejoindre nos doutes et nos questions… et nous savons
combien elles sont nombreuses. Mais vous les jeunes vous l’avez
écrit : vous souhaitez avancer sur ce chemin, avec vos questions
et vos doutes mais « nous avons envie d’en savoir plus sur toi
Seigneur, et nous avons envie de continuer notre chemin auprès de
toi. » Sachez que Jésus s’approche de vous et vient à votre
rencontre pour marcher avec vous… et marcher avec chacun d’entre
nous, jeune ou moins jeune.
Et Jésus dit tout de suite : « Allez… » Il ne dit pas : restez
bien en place, ne faites rien, attendez que ça se passe. Non,
immédiatement, il envoie, il invite à bouger, se bouger. Il invite
à aller vers toutes les nations… donc vers tout le monde… pas
seulement quelques-uns, quelques personnes bien choisies… mais
tous et toutes. Aller vers pour baptiser et enseigner…
c’est-à-dire pour témoigner de la présence de Dieu, pour en vivre,
pour mettre en œuvre dans notre vie ce qu’il nous a enseigné. Vous
les jeunes en avait l’expérience… vous avez écrit encore : « nous
avons pris plaisir à nous retrouver à la maison paroissiale, à
partager du bon temps et à réfléchir sur la différence, à trouver
comment aider et s’entraider à notre niveau, à parler de toi tout
simplement. » Se retrouver, partager du bon temps, réfléchir,
vivre dans le respect des différences, nous entraider… c’est votre
façon de témoigner de cette foi en Dieu qui est amour, Dieu Père,
Fils et Esprit.
Et enfin, Jésus dit : « je suis avec vous tous les jours » Ses
dernières paroles sont encore pour nous dire sa présence. Il est
présent, avec nous. Il marche avec nous. La foi ce n’est pas
croire en des choses bizarres et compliquées, c’est croire en
cette présence, c’est faire confiance ? Croire que nous sommes
aimés, que Dieu se fait proche, qu’il nous envoie, que nous sommes
invités à témoigner par toute notre vie et qu’il marche toujours
avec nous ; Croire, c’est aimer à l’image de Dieu Trinité le Père,
le Fils et l’Esprit.
En cette fête de la Pentecôte, nous sommes invités à entrer, à
avancer sur le chemin de la foi. Cet évangile nous y invite, c’est
vrai avec des mots et des expressions un peu difficiles. Mais tout
le texte nous parle d’une relation. Jésus parle de sa relation
avec son Père et il présente l’Esprit Saint comme une autre
relation, d’une certaine façon le résultat, la suite de cette
relation entre le Père et le Fils. Une jeune de la profession
d’aujourd’hui a écrit : je crois en Dieu comme je crois en vous.
C’est vrai que nous croyons les uns dans les autres, autrement
dit, nous faisons confiance : si ne nous ne faisons pas confiance
nous ne pouvons pas vivre, nous sommes empêchés de vivre. Nous
faisons confiance en nos proches, nos parents, nos amis, des
personnes que nous aimons… nous croyons qu’elles peuvent nous
aider. Leur présence tout simplement nous fait du bien. Nous
sommes heureux d’être en relation avec eux. La foi en Dieu est
bien du même ordre. Nous croyons en Dieu comme nous pouvons croire
les uns dans les autres, croire c’est-à-dire faire confiance. La
foi ce n’est pas une liste de choses plus ou moins bizarres
auxquelles il faudrait adhérer sans réfléchir. Non, croire c’est
entrer en relation de confiance. C’est entrer dans cette relation
qui existe entre le Père, le Fils et l’Esprit. Une relation qui
respecte chacun. Dans le récit de la Pentecôte, chacun arrive avec
sa propre culture, sa propre histoire et chacun reste bien ainsi.
Les Romains ne sont pas les Parthes, et les crétois ne sont les
arabes. Chacun est bien respecté dans sa différence et en même
temps il est possible d’être rassemblés, unis. Chacun dans sa
langue proclame la gloire de Dieu. C’est l’Esprit de Dieu qui peut
ainsi rassembler, dans le respect de chacun. Entrer dans la
relation de confiance avec Dieu c’est bien être soi-même, rester
soi-même mais c’est aussi pouvoir se rapprocher les uns des
autres, c’est pouvoir se rencontrer, c’est pouvoir tout simplement
s’aimer. Croire c’est entrer en relation vraie avec les autres.
Et c’est croire que Jésus lui-même vient en relation vraie avec
chacun d’entre nous. C’est bien aussi le sens de ce que nous
célébrons aujourd’hui avec ces premières communions. Oui Jésus est
tellement en relation avec nous qu’il vient en nous, que nous
pouvons le recevoir, au plus intime de nous-mêmes. Il se donne à
nous. Il veut lui-même entrer en relation avec nous. Il croit en
nous. Et comme l’un d’entre vous l’a écrit : « Dieu nous aime quoi
que l’on fasse, que ce soit quelque chose de bien ou de mal. » «
Il nous a donné la vie, il nous protège, il nous donne de quoi
vivre. » Croire c’est se laisser aimer et avancer toujours dans
cet amour.
Premières communions de Elsa, Eloïse, Thomas, Bastien,
Bastien, Tanguy, Baptiste
Dans ce passage d’Evangile, on voit Jésus qui est en train de
prier. Il s’adresse à Dieu son Père et il prie pour ses disciples,
ses amis, pour ceux qui veulent le suivre. Il demande à son Père :
« garde-les ». Ainsi on peut dire que Jésus prie pour nous, pour
chacun d’entre nous. Il pense à nous. Les enfants qui vont
communier pour la première fois ont écrit une lettre où ils ont
expliqué pourquoi ils souhaitent faire cette démarche. Vous avez
écrit avec vos mots votre désir d’être vous aussi disciple, ami de
Jésus : « Je crois en Jésus, je l’aime et surtout il est très
important dans ma vie. Je suis Jésus et je veux avancer dans ma
vie chrétienne. J’ai envie de suivre Jésus. Je veux suivre,
connaître Jésus et vivre ma vie en tant que chrétien. » Vous
souhaitez suivre Jésus, vous mettre à sa suite. Jésus dans cet
Evangile promet à la fois que ce n’est pas facile… il dit : le
monde les a pris en haine… » c’est vrai qu’être ami de Jésus ce
n’est pas facile, ce n’est pas toujours compris. Mais Jésus dit
qu’il sera là, présent, toujours. Il aide même si c’est parfois
difficile. Et il promet aussi la joie : « qu’ils aient en eux la
joie et qu’ils en soient comblés. » Se mettre à la suite de Jésus
c’est recevoir et vivre de la joie. Vous allez recevoir la
communion, Jésus vient chez vous. Dans l’Evangile, Jésus emploie
un autre mot… c’est le verbe « sanctifier », être sanctifié …
c’est-à-dire devenir saint. Dieu seul est saint… il nous dit donc
qu’en le suivant, nous devenons comme lui… un saint, non pas un
saint triste comme une statue enfermée dans une niche, mais un
enfant, un homme, une femme remplie de joie, de vie, qui aime les
autres, qui prie. C’est un chemin qui n’est jamais fini et
aujourd’hui vous nous le rappelez et vous nous inviter, quel que
soit notre âge ou notre situation à avancer sur ce chemin,
peut-être à le reprendre. Vous l’avez écrit aussi : « Je ne veux
jamais oublier Dieu. J’aime entendre la Parole de Dieu Je veux
apprendre encore plein d’autres choses sur Jésus. «
Continuons ensemble à avancer sur le chemin de la foi. Jésus nous
donne sa force, son Esprit. Il vient en nous.
Avec l’Ascension vient le temps de l’absence de Jésus… il
disparait de nos yeux, il est d’une certaine façon à distance.
Mais il ne nous laisse pas tomber. Nous ne le voyons plus : c’est
le temps de la foi. C’est aussi le temps de la responsabilité. Le
Seigneur nous envoie : allez dans le monde entier. C’est donc à
nous aujourd’hui de vivre de sa Parole, de l’annoncer, de
témoigner de notre foi.
Le passage d’Evangile vient de nous le dire : « Le Seigneur
travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui
l’accompagnaient. » Le Seigneur travaille donc avec nous. Il ne
nous oublie pas, il ne nous abandonne pas. Nous sommes donc ses
collaborateurs proches. Il travaille avec nous, il nous envoie son
Esprit Saint. Ce n’est pas facile, pas évident surtout dans les
moments difficiles, dans la situation que nous vivons. Et pourtant
c’est bien là que nous pouvons proclamer l’Evangile, avec les gens
de notre entourage, de notre quotidien, dans nos familles, nos
rencontres, dans les groupes où nous sommes investis, l)à où nous
sommes. Il nous aide et il nous donne des signes.
Ici l’Evangile nous fait une liste de signes. Cette liste est
surprenante. Voici les signes : « en mon nom, ils expulseront les
démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des
serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il
ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et
les malades s’en trouveront bien. » Derrière ces expressions nous
pouvons trouver des signes qui nous sont donnés aujourd’hui.
Expulser les démons c’est-à-dire, au nom de Jésus, mettre le
démon, le diviseur en échec… lorsque par exemple une
réconciliation se réalise le démon est expulsé. Mais il y a tant
d’autres situations. Parler des langues nouvelles. Parler la
langue de l’amour et de tendresse, dire des mots, des expressions
qui disent l’attention, la proximité…Prendre des serpents dans les
mains, boire un poison mortel et rien ne fera mal. C’est-à-dire
aller au-delà du mal, traverser le mal, la haine par exemple,
aller plus loin que le découragement, ne pas se laisser prendre
dans les filets de la peur. Et aussi imposer les mains aux
malades… il y a tant de façons d’apporter la paix, la guérison. Il
y a des paroles, des gestes qui guérissent, parfois un simple coup
de téléphone… Chacun peut prolonger ces signes. Ils sont en fait
très nombreux. Oui, au nom de Jésus, des chrétiens de par le monde
travaillent et la Parole de vie se diffuse. Ils proclament partout
l’Evangile et des signes nous accompagnent.
L’évangile d’aujourd’hui a des airs connus… Aimez-vous les uns
les autres est peut-être la phrase la plus connue et souvent elle
sert de résumé pour dire l’essentiel de la religion chrétienne.
C’est vrai, mais aujourd’hui cet évangile nous invite, comme
toujours, à aller plus loin, plus en profondeur. S’aimer les uns
les autres, tout le monde est à peu près d’accord. C’est vrai
qu’il vaut mieux s’aimer plutôt que de se taper dessus. Jésus n’a
pas dit cela. Il dit immédiatement la source, l’origine, le
pourquoi. Il dit : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai
aimés… et peut mot « comme » change toute la perspective.
C’est lui qui nous a aimés et qui nous en montre le chemin. Toute
sa vie, il nous a prouvé et montré ce que c’est qu’aimer en
vérité. Aimer c’est donner, c’est se donner. Il a donné sa vie
jusqu’à l’extrême. Il a souffert par amour, il est mort sur la
croix par amour, il est ressuscité par amour. Un théologien disait
: si, lorsque je parle de Dieu ou du Christ Jésus, je ne peux pas
mettre le mot amour à coté, alors c’est que je me trompe, et que
je suis en train d’inventer n’importe quoi, que mon image de Dieu
est fausse. C’est donc lui la source, et nous sommes invités à
entrer dans ce mouvement, dans cet élan, dans ce dynamisme,
dans cette vie. Nous sommes invités non pas comme des exécutants,
comme des esclaves, comme des obéissants, comme des petits garçons
bien gentils mais justement comme des amis. Jésus ne nous appelle
serviteurs mais amis. Nous participons à l’amour du Christ et nous
entrons dans son amitié alors nous pouvons aimer. Nous sommes donc
associés à cet amour, nous entrons dans ce mouvement. C’est ce qui
nous pose, nous enracine. Jésus dit que nous sommes ainsi établis
dans son amour. C’est notre profondeur. Mais immédiatement Jésus
nous dit que cet amour est fait pour être donné, partagé. Il faut
aller, porter du fruit. Aimer ce n’est pas s’enfermer, s’enfoncer
dans son fauteuil… c’est aller, se lever, porter du fruit…
toujours à l’image et à la suite de l’Ami, du véritable Ami
qu’est Celui qui a donné sa vie pour nous.
Avec cette connaissance, ce bon berger est toujours défini comme
celui qui donne sa vie pour se brebis. L’expression est répétée
plusieurs fois. Ce pasteur connait ses brebis et il leur donne sa
vie. Connaître et aimer, c’est donner, se donner. Jésus l’a
montré, l’a vécu tout au long de sa vie jusqu’à mourir sur la
croix. Toute sa vie, il a donné sa vie, par amour.
Ce pasteur toujours en relation, qui donne sa vie pour l’humanité
nous guide et nous entraîne, il passe le premier, il rassemble
dans un même élan toute l’humanité. Ce pasteur accompagne et guide
l’Eglise, son peuple, son troupeau. C’est le sens profond du mot «
pastorale ». On parle de pastorale des jeunes, de la famille, du
tourisme ou des étudiants… cela nous rappelle que toutes les
situations humaines deviennent des lieux pour vivre à l’image du
vrai berger. L’Eglise, donc chacun de nous est invité à prendre
les pas du vrai pasteur, à entrer en relation, à donner sa vie, à
rassembler pour découvrir et avancer avec et à la suite du Christ,
le seul Pasteur. Pour cela il y a besoin de pasteurs, de personnes
qui s’engagent… nous prions aujourd’hui pour les vocations, pour
que beaucoup répondent à l’appel et suivent le bon Pasteur. Nous
prions aussi pour que chacun d’entre nous, chaque brebis s’engage
également, prenne ce regard du bon Pasteur qui donne sa vie pour
l’humanité.
Tout au long de ce temps pascal, Jésus le Ressuscité continue de
se présenter à nous. Aujourd’hui il se présente aux apôtres. Ils
ont bien du mal à comprendre. Ils sont saisis de frayeur et de
crainte, ils n’osent pas y croire, ils sont saisis d’étonnement.
Tout se trouble et se mélange dans leur cœur. Nous les comprenons
bien.
Il y aurait aujourd’hui près de 25 % des personnes qui se disent
chrétiennes et qui ne croiraient pas en la résurrection de Jésus…
Les chiffres sont peut-être faux mais ils disent bien que ce n’est
pas simple de croire en Jésus ressuscité.
Ce Jésus qui se présente aux apôtres, à la fois, c’est bien le
même… il a un corps, ce n’est pas un esprit. On peut le toucher,
on peut reconnaître ses plaies, il mange du poisson devant eux, il
parle. Et en même temps, ce n’est plus le même. Il se rend présent
un peu partout, sans prévenir. Il est bien revenu du monde des
morts. Mais comme pour toutes les fois où il se présente comme
ressuscité, il dit : « la Paix soit avec vous » et il explique les
Ecritures. Ainsi il montre qu’avec lui un monde nouveau est
commencé. La paix, ce grand projet de Dieu pour toute l’humanité,
est donnée, partagée. Elle devient bien réelle et présente. Le
Ressuscité apporte cette paix et vient changer par sa présence
notre vie et notre monde. La paix, nous la recherchons tous : au
plus profond de nous-mêmes, dans notre entourage, nos relations et
notre monde en a tant besoin… Cette paix profonde à ne pas
confondre avec la tranquillité est ce signe d’un épanouissement,
d’une présence qui comble, qui change notre vie. Elle est donc à
accueillir d’abord. Ce qui n’est pas simple, ni facile. Les
apôtres ont bien du mal à recevoir cette présence. Nous sommes
nous aussi traversés par tant de questions et de remises en cause,
tant de doutes et d’épreuves. Mais le Ressuscité l’assure, la paix
est là, avec la présence du Ressuscité.
Après cette reconnaissance, toujours à refaire, vient la mission.
Le dernier mot de cet Evangile sera : A vous d’en être les
témoins. La paix reçus, la présence donnée sera toujours à
partager. Elle ne peut pas se garder enfermée. Elle est fait pour
être diffusée largement, à toutes les nations, dit le Ressuscité.
Croire au Christ ressuscité ne n’est pas croire en des
bizarreries, des curiosités, des choses impossibles, d’un autre
monde. Non, c’est reconnaître que dans nos vies, dans notre monde
le Christ se rend présent et qu’il partage sa paix qui vient
éclairer notre monde et changer nos vies. Croire au Christ
ressuscité, c’est en vivre et en témoigner par toute notre
vie…partout, à toutes les nations.
« Les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient
verrouillées » A huit jours d’intervalle, c’est la même situation.
Ces mots reviennent par deux fois. Les disciples se sont enfermés,
ils sont pris dans la peur, ils sont eux-mêmes verrouillés,
repliés dans leur peine et leur désespoir. Tout ce qu’ils avaient
prévu s’est écroulé. Leur ami, leur maître Jésus a été mis à mort.
Ils n’ont plus d’avenir.
Nous sommes nous aussi si souvent dans cette situation. L’échec,
la peur, la crainte de l’autre semble avoir gagné. Nous
verrouillons nos portes. Ce temps d’épreuve que nous traversons en
est une illustration. Il nous faut nous confiner…
Mais c’est là, au cœur de cette situation que le Ressuscité vient
rejoindre les disciples. « Il était là au milieu d’eux. » Les mots
sont si simples. Il vient et il est là. Il est donc présent, il
offre sa présence, sans condition. Il n’est pas à distance, il n’y
a pas de gestes barrières, il ne regarde pas de loin, ou de haut.
Il est là.
La foi au Christ ressuscité reste toujours difficile pour nous.
Nous aimerions avoir des explications, des preuves, des réponses à
toutes nos questions… Comment c’est possible ? Comment il a fait
pour traverser les murs ? Dans ce sens-là, nous aimons
beaucoup Thomas parce qu’il pose nos propres questions, il demande
à voir, à toucher, ensuite seulement il pourra croire. Il veut
avoir des réponses concrètes à ses questions. Il a la chance de
voir Jésus se présenter à lui. Jésus qui l’invite même à toucher,
à mettre sa main dans son côté. Mais Thomas répond immédiatement
par la foi. Il dit : « Mon Seigneur et mon Dieu. » En fait on ne
sait pas s’il l’a fait. Le texte ne le dit pas. L’essentiel c’est
qu’il entre dans la foi. Et Jésus déclare heureux ceux qui croient
sans avoir vu. Il nous déclare donc heureux.
Les seuls mots pour dire la résurrection sont de l’ordre de la
présence. Croire au Christ ressuscité c’est essentiellement croire
à sa présence au milieu de nous, et tout particulièrement dans nos
enfermements. Une présence qui emmène sur le chemin de la foi,
c’est-à-dire de la reconnaissance de Jésus comme notre Seigneur et
notre Dieu. Et cette foi est toujours source de paix et de vie, de
libération, d’envoi. Jésus se présente et dit « Paix » et il
envoie en mission.
Croire en la Résurrection du Christ c’est reconnaître sa présence
jusqu’au cœur de nos enfermements et c’est être envoyés pour dire
la paix et la vie… « pour que, en croyant, nous ayons la vie en
son nom. »
« De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent
au tombeau dès le lever du soleil. » C’est le matin, c’est le
premier jour, c’est le temps du lever du soleil : c’est le temps
des commencements, c’est le temps d’une création nouvelle. Mais
elles doivent passer par le tombeau. La mort n’est pas oubliée,
elle n’a pas disparu. Nous mettons nos pas dans ceux de ces
femmes. Nous aussi nous sommes marqués par le tombeau et la mort,
mais nous désirons si profondément qu’un monde nouveau puisse
naître. Nous-mêmes et notre monde continuent d’être marqués par
l’inquiétude et la peur… nous sommes toujours empêchés pour
prévoir, faire des projets… l’avenir reste toujours incertain et
inconnu. Les questions sont nombreuses et il nous semble bien que
personne ne va pouvoir rouler la pierre de nos tombeaux. Il nous
faut, comme les femmes, lever les yeux, relever la tête. Nous ne
pouvons pas rester enfermés dans la peur, perdre l’espérance.
Les femmes reçoivent alors un message en fait très
déroutant : « il est ressuscité, il n’est pas ici. » Ce qui leur
est donné c’est l’absence, le vide… il n’y a que l’endroit où on
l’a déposé, mais lui il n’est pas là. Les preuves matérielles sont
très pauvres, quasiment absentes. Ce n’est pas de ce côté qu’il
faut chercher. Il ne faut pas rester dans le tombeau. Il ne faut
pas baisser les bras. C’est le temps de la foi qui s’ouvre alors à
nous… Ne cherchons pas des preuves matérielles de la résurrection…
nous ne pouvons qu’être déçus.
Les femmes reçoivent alors une invitation forte : « allez dire. »
Il faut bouger, se mettre en route et il faut témoigner, raconter,
montrer par toute sa vie que le Ressuscité a bien inauguré un
monde nouveau. « Il vous précède en Galilée. Là vous le
verrez comme il vous l’a dit. » Le Ressuscité nous précède, il
passe devant, il, passe le premier. Il donne sans cesse sa
présence. La foi est l’assurance d’une présence toujours active.
Le Vivant passe le premier. Il ne cesse de nous accompagner, de
marcher avec nous. Il est présent au cœur de ce qui fait notre
vie. La mort et les questions ne sont pas supprimées mais nous
sommes forts de la présence d’un amour vivant. Et cette présence
sera toujours un premier jour, un lever de soleil, une promesse de
vie plus forte que toute peur.
« Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison. » Voici
ce que nous venons d’entendre dans cet Evangile. Jésus dit
clairement que nous avons raison de le reconnaître comme un Maître
et comme le Seigneur. Oui, il est grand, oui il est Dieu, Fils de
Dieu. Oui, nous lui reconnaissons une autorité, une grandeur, une
puissance. Oui, il est Tout- Puissant. Et nous pouvons ainsi
multiplier les expressions pour exprimer ce que nous reconnaissons
en lui. Il est le Seigneur de nos vies, le Seigneur du monde.
Mais aujourd’hui, en ce Jeudi Saint, il nous faut vraiment bien
comprendre ce que nous disons. Il nous faut le contempler. Voici
que le Tout- Puissant se met à genoux devant l’homme, voici que le
Seigneur prend la place de l’esclave pour laver les pieds. Voici
que le Maître montre son amour jusqu’à l’extrême. Et demain nous
le verrons rejeté, pris dans un procès injuste, moqué, craché au
visage. Nous verrons un Dieu condamné comme un condamné à mort de
droit commun, un Dieu au côté transpercé par la lance, un Dieu
déposé entre les mains des hommes. Un Seigneur qui passe par la
mort.
Nous n’aurons jamais fini de nous étonner de ce qui nous parait
une contradiction évidente. Seul l’amour peut unifier ces deux
dimensions. Tout ce qu’il a vécu, tout ce qu’il a fait, tout ce
qu’il a subi… tout cela c’est par amour pour les hommes. Ce qui
est important, au-delà de l’intensité de la souffrance et du
rejet, c’est l’intensité de l’amour qui est premier. Alors oui, il
est vraiment Tout-Puissant en amour, il est vraiment le Maître de
l’amour, le Seigneur de l’amour. C’est ainsi qu’il a aimé les
siens qui étaient dans le monde et qu’il les a aimés jusqu’au
bout, parfaitement.
Et si nous reconnaissons Jésus comme notre Maître et notre
Seigneur, nous sommes alors invités, comme il nous le demande, à
être comme lui, à vivre comme lui, à aimer comme lui : « afin que
vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » A notre
tour de nous lever, de déposer ce qui nous entrave, à nouer le
tablier le service et apporter l’eau du bien-être. Le service de
l’autre passe toujours par l’invention. Le champ est large et
libre devant nous. Nous pouvons toujours inventer un geste, une
parole, un engagement, un sourire, un don, une attention… L’amour
est inventif. Notre Maître et notre Seigneur nous a montré le
chemin : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie
pour ses amis. » Là où est l’amour, Dieu est là.
« J’attirerai à moi tous les hommes » La promesse de Jésus
le Christ s’ouvre comme une très large perspective pour notre
humanité. Un projet extraordinaire qui s’est réalisé parfaitement
avec la vie donnée sur la croix. L’homme de son côté a soif de
cette rencontre. « Nous voudrions voir Jésus » disaient les grecs.
Chacun d’entre nous a ce désir enfoui en fond de lui-même. Voir
c’est-à-dire comprendre et être comblé. Les questions et les
angoisses sont si nombreuses. Les pourquoi s’accumulent. Notre
vie, notre monde est rempli de ces questions. Qui pourra y
répondre ? qui pourra vraiment apporter un peu de lumière ? qui
pourra combler cette soif, ce désir ?
Jésus se présente comme celui qui va apporter lumière et vie.
Mais d’une façon toute particulière. Ce ne sera pas dans la
parade, la gloriole. Ce sera en passant par la mort. Ce sera en
donnant sa vie, comme un grain de blé qui passe par la mort pour
donner du fruit en abondance. Ce sera à travers le service. Lui
sera le véritable serviteur de l’homme et c’est ainsi qu’il reçoit
la gloire et qu’il la partage à tout homme. La gloire c’est-à-dire
la vie, celle qui a du poids, de la valeur. Celle qui existe
vraiment. Cette gloire, il la reçoit et il ne la garde par pour
lui mais il la donne, largement à tout homme. C’est ainsi que tout
homme est attiré par lui. ? Tout homme peut ainsi recevoir la
lumière pour sa vie, pour notre monde.
C’est pour aujourd’hui. Notre monde est pris par des injustices.
Le manque d’eau, le manque de nourriture, l’absence de travail,
les réfugiés sur les mers ou sur les routes sont autant de
réalités douloureuses. Mais au cœur de tout cela des hommes et des
femmes s’engagent pour le service de tous, ils donnent aussi à
leur façon leur vie. Ils se font serviteurs… et c’est ainsi que la
gloire du Ressuscité se partage et se diffuse.
Reconnaître le Christ ressuscité qui attire tous les hommes,
c’est aussi être appelé à vivre de cette lumière et de cette
gloire à son image, en vivant le service en donnant sa vie comme
le Christ glorieux. Ce processus de mort et de vie, de service
nous tient vivants et nous lie tous ensemble, « comme une gerbe
aux lourds épis pleins de promesses. « Le Serviteur attire à
lui tous les hommes.
Jésus nous laisse aujourd’hui ces mots : « Celui qui fait la
vérité vient à la lumière. » La lumière, nous en avons tous
tellement besoin. Nous avons si souvent l’impression d’être pris
dans les ténèbres, de ne plus rien voir, d’être perdu, égaré. Nous
en faisons l’expérience pour nous- mêmes mais aussi pour ceux qui
nous entourent et plus largement encore pour notre monde tel qu’il
va. Au plus profond de l’homme, il y a cette recherche de la
lumière. Mais il faut aussi avouer que cette lumière nous fait
peur. Et Jésus le précise bien. Accueillir la lumière c’est
accepter que soit mis en avant, mis en lumière tel ou tel aspect
de notre vie ou de notre monde qui ne fait pas plaisir, qui n’est
pas beau à voir. Alors, nous dit Jésus, on peut détester la
lumière. On peut refuser la vérité sur nos vies. C’est toujours
difficile d’accepter la lumière. Elle dérange toujours. Ainsi nous
sommes toujours entre deux attitudes… nous cherchons, nous avons
le désir profond de la lumière et de la vérité et nous en avons
peur, nous la redoutons, et même parfois nous la détestons.
Jésus connait de l’intérieur le cœur de l’homme. Il s’est
présenté comme la lumière du monde et il a pris sur lui la ténèbre
et le péché. Il est descendu au plus profond de notre péché, dans
l’enfer de notre nuit et il a été élevé de terre. La lumière a été
la plus forte.
Alors nous pouvons le regarder, le contempler. Nous pourrons
suivre son chemin et, comme il le promet, nous pouvons recevoir,
participer à la vie éternelle qu’il est venu partager. La lumière
est donnée, toute proche. Il nous faut entrer dans ce dynamisme.
C’est ainsi qu’avec lui nous pouvons faire la vérité, nous pouvons
venir à la lumière. Faire, venir, autant de verbes actifs qui nous
sont proposés en ce milieu de Carême. N’oublions jamais que venir
ainsi à la lumière du Christ n’est pas une condamnation qui nous
enferme mais c’est une liberté qui vient donner sens.
Hier le Pape François a parlé de la démarche pénitentielle en
reprenant ces 3 expressions : « s’abandonner à l’amour », « se
laisser transformer par l’amour » et « correspondre à l’amour ».
Celui qui fait la vérité se laisse transformer par l’amour,
correspondre à l’amour et transformer par l’amour. C’est la
lumière de la vérité qui peut jaillir.
Nous aimons beaucoup entrer dans une logique qui nous parait
naturelle et c’est bien normal. Par exemple, nous pensons la terre
d’un côté avec le temps, l’espace et par ailleurs le ciel, le
monde de Dieu en dehors de notre temps et de notre espace. Nous
pensons en termes de vie sur la terre, puis du passage de la mort
puis de la vie au ciel, comme on dit. Nous pensons notre temps
comme une histoire, avec un avant et un après, avec un hier, un
aujourd’hui et un demain. Ici, dans cet Evangile tout est mélangé.
La logique n’est plus respectée. On aurait imaginé un avant :
Jésus qui vit sur notre terre, comme un homme ; puis Jésus qui
passe par la mort ; puis Jésus qui ressuscite et qui vient
partager la lumière de sa vie nouvelle. Ce passage d’Evangile
mélange tout et on aime bien voir que les apôtres ne comprennent
pas tout. Ils se demandent entre eux ce que cela veut dire, nous
précise le texte.
En effet, nous avons bien le monde de Dieu, le ciel, qui se
présente, se montre sur la terre en Jésus. Le ciel est tombé sur
la terre. Il n’y a plus de séparation. Et en plus ce ciel est
habité de toute l’histoire du peuple de Dieu … il y a Moïse et
Elie. Le temps et l’espace ne sont pas oubliés. C’est l’histoire
humaine qui est dans la lumière du ciel. Le ciel et la terre se
mélangent.
Jésus se présente dans la lumière de la Résurrection, mais
immédiatement il rappelle qu’il faut que le Fils de l’homme passe
par la mort. La réalité humaine, dramatique n’est pas oubliée.
Jésus ne plane pas dans un monde irréel. Il a bien les pieds sur
terre, il va même passer par l’épreuve de la mort.
Ainsi dans ce texte de la Transfiguration, tout nous est donné.
Jésus se présente comme le Fils de Dieu, Dieu lui-même, mais il
est celui qui va donner sa vie, passer par la mort. Il est celui
qui s’inscrit dans une histoire, celle du peuple de Dieu mais il
est venu pour la mener au bout. Nous ne pouvons que retenir la
parole qui est donnée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
écoutez-le. » Jésus se donne à nous, il est à accueillir, à
écouter, à recevoir et nous n’aurons jamais fini de le contempler.
Dans notre vie de foi, nous essayons au jour le jour de le
chercher, de comprendre, de le contempler mais nous savons bien
que les jours sont parfois longs, et sombres. Heureusement
quelquefois un peu de lumière vient nous éclairer. Il y a des
moments dans l’histoire de notre foi où nous avons reçu une force,
une grâce, un temps fort, un instant que l’on n’oubliera jamais.
Ce sera une parole, une image, un geste, un évènement. Et cela
nous illumine encore, même si cela n’a pas duré longtemps, même si
c’était très rapide, très fugitif… la lumière continue de briller
dans notre cœur. C’est important de s’en rendre compte, de
regarder, de relire l’histoire de notre foi. Non pas pour s’y
installer et être nostalgique comme Pierre qui voulait dresser une
tente et s’installer. Mais plutôt pour accueillir ce Fils bien
aimé qui vient éclairer toute notre vie, dans toutes ses
dimensions. Il vient éclaire le passé, le présent, l’avenir,
l’espace, le temps… Ecoutons-le.
Marc dans son évangile nous donne souvent des résumés qui
deviennent tout un programme de vie. On a aujourd’hui ce que dit
et fait Jésus : « Les temps sont accomplis ; le Règne de
Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’évangile. »
Les temps sont accomplis… c’est donc bien le moment. Ce n’est pas
pour plus tard, pour un temps imaginaire ou bien pour après notre
mort. Non, c’est fait, c’est bien pour aujourd’hui. C’est
aujourd’hui que Dieu agit, c’est maintenant qu’il réalise son
grand projet. Avec la venue de Jésus un monde nouveau est
commencé. Son Règne est tout proche, il est bien là. Mais quel est
ce monde nouveau ? Un monde où Dieu a une place, toute sa place.
Il est présent et il donne son amour à chacun. Il donne sa vie
pour toute l’humanité. Il ne cesse de l’accompagner. Alors c’est
la vie de l’homme qui en est toute transformée. Il est possible
d’aimer et d’être aimé. Il est possible de donner une place à
chacun, et en particulier au plus petit, au plus pauvre. Il est
possible de construire un monde où la justice et la paix ne sont
pas que des paroles en l’air. Il est possible de construire une
maison commune où la création toute entière est respectée. Il est
possible d’être relié les uns aux autres, où il est possible de
prendre soin de l’environnement, de la personne humaine et de tous
les liens qui nous unissent.
Alors l’invitation nous est redonnée d’une façon vigoureuse : il
faut nous convertir, c’est-à-dire changer de vie, changer de
direction et il faut entrer dans la foi, dans l’écoute de
l’évangile.
Cécile aujourd’hui, au moment de sa première étape, nous montrer
qu’aujourd’hui encore cette parole retentit dans le cœur d’hommes
et de femmes. Aujourd’hui 20 adultes vont dans notre diocèse
recevoir l’appel décisif de la part de notre évêque, c’est-à-dire
la dernière étape avant leur baptême. Oui aujourd’hui l’Evangile
continue d’appeler et de parler. Le Christ continue son chemin
dans le cœur de chacun.
C’est ce à quoi nous sommes invités particulièrement en ce temps
de Carême qui nous est donné. Convertissons-nous et croyons à
l’Evangile…
Le texte d’évangile est construit sur un plan et un rythme très
précis. Il y a 3 vagues qui sont tout un programme de vie, tout un
programme pour vivre ce temps de Carême qui nous est donné. Il y a
l’aumône, la prière et le jeûne. D’abord, il nous est précisé ce
que l’on ne doit pas faire. C’est la partie négative :
c’est-à-dire tout faire pour bien se montrer, pour avoir une belle
image de soi auprès des autres : se donner en spectacle, se
montrer aux autres, et prendre une mine défaite pour bien se
montrer. Et la conclusion tombe, toujours la même : « Ceux-là ont
reçu leur récompense ». Jésus démonte ce qui est parfois notre
attitude : faire de belles choses mais pour se faire bien voir,
pour cultiver sa belle image. C’est vrai que ça fait plaisir
: la récompense est donnée, si les autres trouvent que nous sommes
des gens bien, c’est toujours bon à recevoir ; pas besoin d’autre
chose. Jésus ne dit pas que c’est une mauvaise chose ; il invite
simplement à aller au-delà, au plus profond, plus en vérité…
Vient alors une deuxième invitation bien différente : mais toi…
Il s’agit d’entrer dans la vérité du geste, le véritable
engagement intérieur, le secret intérieur. : donner dans la
secret, prier dans lez secret, jeûner dans le secret. C’est ainsi
que peut se construire une relation vraie avec Dieu, qui peut
alors s’appeler véritablement Père…On n’est plus dans la façade,
le look, on peut entrer dans la relation. Ton Père qui voit dans
le secret te le rendra… Il ne s’agit pas tellement de récompense,
de bon-point. Il s’agit d’une relation vraie d’amour, d’échange.
L’amour de Dieu le Père viendra combler notre vie.
Et les trois invitations vont ensemble. Le partage, l’attention
aux autres, la charité va avec la prière personnelle ou
communautaire et avec le jeûne, la privation, le choix de vie pour
vivre une relation vraie avec Dieu et avec les autres. Relation
avec soi, avec Dieu, avec les autres… trois dimensions qui vont
ensemble et qui sont signes de relation d’amour avec le Père…
Voici tout un programme pour ce temps de Carême… tout cela n’est
pas fait pour nous embêter, au contraire… Sortirons-nous un jour
de cette dimension négative du Carême. Ce temps nous est donné
pour purifier, pour avancer dans la vérité et la profondeur de nos
relations avec Dieu et avec les autres… ouvrir notre cœur. Chacun
personnellement, et ensemble nous pouvons répondre à l’invitation.
Et l’amour du Père nous sera encore plus rendu.
Tout est dit dans la première lecture : on a l’impression que
c’est une nouvelle directive pour aujourd’hui… il s’agit même de
se couvrir le visage jusqu’aux lèvres…A l’occasion de cette
pandémie, beaucoup de personnes ont vécu ce que les lépreux
devaient vivre : être à l’écart, sans relations, ne voir personne.
On a en particulier mis en avant les personnes âgées en EHPAD qui
ne peuvent plus avoir de relations humaines. L’Evangile
prend pour aujourd’hui toute sa dimension.
Jésus accueille un de ces nombreux lépreux. Il est saisi de
compassion. Il est pris au ventre. Il accomplit alors un geste :
il étend la main, il le touche et il donne une parole de guérison
: je le veux, sois purifié. Jésus vient le guérir. Mais
immédiatement après il le remet en relation. Il ‘envoie se montrer
au prêtre. Ainsi il reprend sa place dans la société. Il n’est
plus dans une maison en dehors du camp. Ainsi c’est l’homme tout
entier que le Seigneur Jésus vient rencontrer. Il le remet debout,
il le remet en relation, il lui redonne une dignité, il lui
redonne une raison de vivre.
C’est ce que fait notre Dieu pour chacun. Il le fait par les
sacrements : une parole et un geste qui viennent nous guéri, nous
donner la force et nous mettre en relation. Il le fait au
quotidien. Jésus le Christ en permanence est pris de compassion
envers tous les hommes. A chacun il s’&approche, il touche, il
dit sa volonté de guérir et de purifier. C’est la source de notre
espérance et de notre confiance.
C’est aussi la source de notre mission. Parce que si Jésus le
Christ agit ainsi, nous aussi nous sommes invités à faire de même.
Nous participons à la mission de compassion et de guérison du
Christ. Nous pouvons nous aussi nous approcher, même en respectant
les gestes barrières… il y a tant de façon de nous faire proches.
Nous pouvons nous aussi redonner, remettre en relation, aider à ce
que chacun puisse trouver sa place dans la société. Le Pape
François l’a rappelé dans son message pour la journée des malades
:
« Unis au Christ par l’action de l’Esprit Saint, nous sommes
appelés à être miséricordieux comme le Père et à aimer en
particulier nos frères malades, faibles et souffrants. Et nous
vivons cette proximité, non seulement personnellement, mais aussi
sous forme communautaire : en effet, l’amour fraternel dans le
Christ engendre une communauté capable de guérison qui n’abandonne
personne, qui inclut et accueille, surtout les plus fragiles. »
Soyons donc, ensemble, avec le Christ Jésus, une communauté
capable de guérison.
Aujourd’hui dans ce passage d’Evangile, Jésus enseigne. Le mot
enseignement, enseigner revient comme un refrain tout au long du
texte. Jésus se présente comme celui qui parle dans une synagogue,
à Capharnaüm. Mais tout de suite, il est précisé que son
enseignement est bien particulier. Il fait autorité, ou plutôt sa
personne fait autorité. Et en plus son enseignement est nouveau.
Il apporte de la nouveauté.
Mais Jésus ne fait pas que parler. Il agit. Son enseignement ne
consiste pas en des paroles accumulées mais il met en œuvre, il
agit. Il s’attaque directement au mal. Il y a un combat entre
l’esprit impur symbole du mal, et celui qui est reconnu justement
par cet esprit impur comme le Saint de Dieu. Et c’est le Saint de
Dieu qui va gagner, qui va faire taire le mal qui ne pourra alors
ne faire qu’une seule chose : sortir. Il est plus fort que le mal,
il peut lui donner des ordres et le mal doit obéir. C’est ainsi
que se révèle la nouveauté de l’enseignement de Jésus. Il fait
effectivement taire le mal qui occupe le cœur de l’homme. Jésus
vient le libérer.
Accueillons aujourd’hui encore cette nouveauté et cette autorité.
Laissons-nous étonner. Laissons le Seigneur venir nous libérer.
Reconnaissons-le comme celui qui vient faire taire le mal dans nos
vies, dans le cœur de tout homme. Par notre baptême, nous
participons à cette action du Christ. C’est lui qui nous l’a dit
et qui nous envoie pour en vivre. Cela nous avons du mal à le
croire…. Nous sommes chargés avec le Christ et grâce à lui de
libérer l’homme enchaîné. Le croyons-nous vraiment ? Ne nous
évadons pas dans des images spectaculaires. Mais simplement, dans
nos quotidiens, dans ce qui fait notre vie, prenons conscience de
notre mission de libération, à la suite et avec le Christ. Nous
savons qu’une parole peut vraiment libérer. Regardons notre vie et
nous trouverons des exemples simples mais bien réels… une parole,
un geste, une attention, un engagement, une aide concrète, une
prière… et quand le mal semble occuper toute la place, que nous ne
pouvons rien faire, n’hésitons pas à tout remettre entre les mains
de celui qui est venu nous sauver de tout mal. Vivons, avec lui et
à sa suite, de l’autorité et de la nouveauté qu’a apportée le
Christ Jésus.
Ce passage d’Evangile peut nous paraître un peu trop simple,
voire simpliste : Jésus passe, il appelle ; Simon et André,
Jacques et Jean quittent tout, ils le suivent. Ces étapes
sont des résumés et nous disent bien la radicalité de l’appel et
de leur réponse. Il y a une démarche fondamentale qui engage toute
la vie.
Les futurs disciples sont présentés sommairement. Ils sont
frères, ils ont un métier précis et ils sont en train de
l’exercer. C’est donc au cœur de leur vie quotidienne, de leurs
relations, de leur travail, de ce qui fait leur vie qu’ils sont
appelés. L’appel du Seigneur vient nous rejoindre nous aussi dans
notre quotidien. Il n’est pas en dehors, dans un monde imaginaire.
L’appel de Dieu résonne toujours au cœur de notre vie, très
concrète.
Cet appel est traduit par ces mots : « je vous ferai devenir
pêcheurs d’hommes. » Il y a donc à la fois un changement, il
s’agit bien de devenir, de changer et une continuité : c’est
toujours dans la pêche qu’ils vont s’investir. Celui qui reçoit
l’appel va donc bien rester ce qu’il est… il ne va pas perdre sa
personnalité. Et pourtant il va changer, il va évoluer, il va
devenir. Il est appelé à inventer une nouvelle vie. Répondre à
l’appel de Jésus nous permet de mieux découvrir et être ce que
nous sommes vraiment. Il nous met en route, il nous fait devenir.
Et cet appel est un appel à suivre Jésus le Christ. C’est lui le
seul Maître, c’est lui qui passe le premier et le disciple va
marcher derrière lui. Cette suite implique des choix. Il y a
le petit mot « aussitôt » répété plusieurs fois. Suivre le Christ
ne permet pas de regarder en arrière. C’est un avenir qui est
toujours proposé.
Le Christ Jésus continue d’appeler aujourd’hui. Bien sûr nous
pensons aux vocations de prêtres ou de religieux, religieuses…
mais c’est à chacun d’entre nous que l’appel est lancé
aujourd’hui. Au cœur de ce qui fait notre vie, avec tout ce que
nous sommes, Jésus nous invite à inventer avec lui un avenir. Cet
appel, nous pouvons le découvrir en lisant ensemble la Parole. En
ce dimanche de la Parole, nous sommes invités à l’accueillir à
nouveau comme une Parole de vie et non pas comme des mots
difficiles à comprendre, ou bien d’un autre âge. C’est aujourd’hui
qu’elle résonne dans nos vies. Parole de vie, Parole de devenir…
Au début et à la fin de ce passage d’Evangile, il est question de
« poser son regard »… d’abord Jean Baptiste pose son regard sur
Jésus, puis à la fin c’est Jésus qui pose son regard sur Simon.
Poser son regard, c’est-à-dire porter de l’attention, entrer en
relation et se mettre en recherche, vouloir construire quelque
chose de solide, une relation forte. Jean le Baptiste est comme
nous. Il cherche à comprendre. Il voit Jésus qui va et vient. Il
veut comprendre le pourquoi de la vie de Jésus et il va même
jusqu’à le montrer et l’appeler : « Agneau de Dieu » c’est-à-dire
celui qui est attendu depuis longtemps et qui va donner sa vie
comme un agneau offert en sacrifice. Ce Jésus est vraiment celui
qui vient se donner, s’offrir pour toute l’humanité. C’est bien
normal alors de poser son regard sur lui.
Plus loin, c’est Jésus lui-même qui porte son regard sur Simon.
Il crée une relation avec lui et il va aussi lui donner un nom : «
tu es Simon, tu t’appelleras Pierre. » Jésus reconnait ainsi cet
homme et l’appelle pour le suivre. Il pose un regard d’amour qui
est une invitation pour devenir disciple, un véritable ami pour
partager avec lui sa mission, son annonce de la Bonne Nouvelle.
Jésus pose un regard qui est un envoi.
Nous pouvons bien nous retrouver chacun dans cette attitude à un
moment ou à un autre de notre vie. Nous aussi, nous cherchons.
Nous avons besoin de trouver du sens à ce que l’on vit, ce que
l’on fait. Nous ne pouvons pas simplement aller et venir. Il nous
faut donner un sens, répondre au pourquoi. Alors nous posons nos
regards en attente de mieux comprendre notre vie, notre histoire,
notre époque… et les questions ne manquent pas dans ces jours que
nous vivons. Nous avons besoin de reconnaître que quelqu’un est
venu et vient aujourd’hui porter avec lui ce qui fait notre vie et
lui donner un sens et un allant. Nous avons besoin de reconnaître
que Jésus est cet Agneau de Dieu qui a donné sa vie pour nous et
qui continue de le faire. Nous avons besoin de tourner, de poser
notre regard sur lui.
Mais il ne faut jamais oublier non plus que Jésus lui-même en
fait autant avec nous. Il pose son regard sur chacun d’entre nous
et il nous choisit, il nous envoie, il nous pousse. Il nous donne
mission pour tous les hommes. Son regard ne condamne pas,
n’enferme pas dans le passé ou les erreurs. Son regard est
positif, il nous met en avant. Son regard est toujours posé sur
nous, non pas pour nous surveiller ou nous punir… au cas où… non
il est là pour nous accompagner… C’est un regard qui voit dans
l’avenir. Il nous dit qui nous sommes et il nous appelle…
Derrière les expressions et les images employées dans cet
Evangile, se dessine, se devine toute le mystère de Jésus, le Fils
bien-aimé.
D’abord il est plongé dans l’eau du Jourdain. Il va au fond de
l’eau… eau signe de mort. On peut s’y noyer. Jésus va aller
jusqu’au plus profond de la mort, il est descendu aux enfers dit
le Credo. Mais il ne reste pas au fond. Il va remonter de l’eau,
dit l’Evangile. Il va passer la mort pour ressusciter. L’eau est
aussi signe de vie. Il va remonter, se lever. Le Christ Jésus est
mort et ressuscité.
Alors nous dit Saint Marc, il voit les cieux se déchirer et
l’Esprit descendre. Les cieux ne sont plus fermés. Le monde
de Dieu n’est plus coupé du monde de l’homme. Avec la venue de
Jésus, à Noël, le ciel se déchire… Dieu vient traverser les cieux,
il vient se poser sur la terre. Il est désormais chez lui
lorsqu’il est chez nous. Alors Dieu pourra dire : « Tu es mon Fils
bien-aimé ; en toit, je trouve ma joie. » Ces petits mots disent
cette relation unique entre le Père et le Fils. Il est le
Bien-aimé et il fait la joie de Dieu, il remplit le cœur du Père.
Contempler ainsi le Christ Jésus nous renvoie forcément à
nous-mêmes. Nous vivons le même itinéraire. Notre baptême nous
emmène sur ce même chemin. Nous aussi, nous avons été baptisés,
c’est-à-dire plongés dans la mort avec le Christ pour vivre avec
lui ressuscité, comme le dit Saint Paul. Par notre baptême, nous
pouvons remonter de l’eau, nous sommes avec le Christ plus forts
que toute mort. Pour nous aussi, le ciel se déchire et nous
pouvons entrer en relation intime avec Dieu. Il dit de chacun de
nous, à la suite du Christ : « Tu es mon Fils, ma Fille bien-aimée
» Dieu ose même dire qu’il trouve sa joie en nous. Le Pape
François a dit à Noël que Dieu vraiment nous surestime… Et nous le
savons : entrer dans cette relation fait de tous les hommes nos
frères et sœurs. Jean nous le redisait dans la deuxième lecture :
accomplir le commandement de Dieu c’est aimer Dieu et aimer les
enfants de Dieu. L’un ne va pas sans l’autre.
Redécouvrons notre baptême… Il nous donne une dignité
extraordinaire que nous n’aurons jamais fini de mesurer. Nous nous
sommes peut-être un peu habitués… nous sommes parfois des « vieux
baptisés « et cela n’a rien à voir avec l’âge. Renouvelons
la jeunesse de notre baptême. Recevons à nouveau cette déclaration
d’amour de Dieu : « Tu es mon Fils bien-aimé : en toi, je trouve
ma joie. »
Les mages sont très populaires à tel point qu’au long des siècles
beaucoup de traditions leur ont été rajoutés. Ils sont devenus
rois, ils sont au nombre de 3 etc… Mais au-delà du folklore, ils
peuvent être nos guides. Ils peuvent vraiment nous aider dans
notre marche, notre démarche de foi. D’abord ils cherchent, ils
sont curieux. Ils sont curieux de Dieu, de spiritualité. Ils
veulent trouver un sens à leur vie, alors ils se mettent en route.
Ils suivent une étoile. Ils ont trouvé un signe dans leur vie et
ils veulent connaître et comprendre. Ils rejoignent beaucoup de
nos contemporains … et nous-mêmes. Des signes nous sont donnés et
nous aident à nous mettre en route. Mais cela ne suffit pas.
Ensuite ils se mettent en relation avec d’autres. Ils échangent,
ils expliquent, ils discutent, ils cherchent avec d’autres. Les
autres sont plus ou moins bienveillants, mais ils entre en
discussion. Plus tard, ils vont ouvrir la Parole de Dieu. D’autres
vont chercher et trouver un éclairage dans cette Parole, dans
cette Révélation. Puis forts de ces échanges et de cette Parole de
Dieu, ils vont reprendre la route. Ils vont être prêts pour entrer
dans la reconnaissance : reconnaissance de ce Dieu qu’ils
cherchent. Ils entrent dans une grande joie, ils se prosternent,
ils peuvent offrir leurs cadeaux. Après cet acte de foi, ils vont
rentrer chez eux, mais par un autre chemin. Leur route a été
changée, leur vie en a été transformée.
N’est-ce pas l’itinéraire de notre foi ? Un chemin parfois un
chaotique avec des avancées et des reculs, mais un chemin qui nous
emmène jusqu’à la reconnaissance du Christ Sauveur. Notre foi
repose sur cet ensemble d’étapes. Des signes donnés et reconnus,
mais aussi discutés, échangés… nous ne sommes jamais seuls dans
l’histoire de notre foi. Et toujours à la lumière de la Parole de
Dieu échangée, mangée ensemble. Avec des temps de plénitude et de
reconnaissance où nous voyons, nous devinons la présence du
Seigneur. Et avec un temps de retour à notre vie quotidienne
transformée. La foi est une lumière. Avancer sur ce chemin c’est
recevoir une lumière, l’accueillir, la comprendre et c’est devenir
alors lumière pour les autres. La bénédiction finale le redira :
Que Dieu fasse de nous des lumières pour guider nos frères sur
leurs chemins.
Tout un programme pour une nouvelle année. Que les mages nous
accompagnent tout au long de cette année.
Un enfant a posé récemment la question : « Mais pourquoi on
raconte ce qui s’est passé il y a très longtemps aujourd’hui,
pourquoi on lit un texte aussi vieux aujourd’hui ? » C’est
justement ici que se révèle la foi des chrétiens. Nous nous
souvenons d’un évènement arrivé il y a très longtemps. Dieu est
entré dans notre histoire, la grande histoire. Il s’est fait
homme. Jésus est l’envoyé de Dieu. Il est venu partager ce qui
fait la vie des hommes avec les joies et les drames. Il l’a vécu
complètement, parfaitement, jusqu’au grand passage de la mort. Il
n’a pas fait semblant, il n’a pas posé le bout des pieds sur notre
terre, il a même été mis en terre. Mais il a aussi transformé ce
qui fait la vie humaine. Plus fort que toute mort, il est
ressuscité et vivant. Il est présent.
Dieu est entré dans la grande histoire. Mais à Noël, nous ne
faisons pas que nous souvenir d’un évènement du passé. Nous
croyons aussi que Dieu entre dans notre propre histoire. C’est
aujourd’hui qu’il vient. C’est aujourd’hui qu’il se fait l’un
d’entre nous. Si nous sommes réunis, si nous fêtons Noël, c’est
que nous croyons que Jésus vient partager notre vie, telle qu’elle
est. Notre vie marquée par des inquiétudes, des épreuves, des
bouleversements… et ils ne manquent pas tous ces temps-ci. Il
vient les partager et il vient apporter un sens nouveau, une vie
nouvelle. Il vient apporter un peu de paix, de tendresse. Il vient
apporter un peu de lumière dans la nuit. Il vient et il invite à
partager cette paix, cette lumière, cette tendresse dont nous
avons tous tant besoin. Il vient aujourd’hui nous inviter à
partager la vie.
Oui, aujourd’hui Dieu ne reste pas confiné. Il rejoint chacun.
Jésus, le Christ vient aujourd’hui dans l’intimité de notre vie.
Marie dit : « Que tout m’advienne selon ta parole. » Elle dit
oui, mais sa façon de dire oui est tout à fait particulière. Elle
a reçu une parole de la part de Dieu. Une parole qui n’est
constituée de mots alignés les uns sur les autres, mais une parole
qui est une promesse qui la touche au plus intime et qui aura des
conséquences pour tout un peuple et toute l’humanité, toutes les
générations. Elle reçoit cette promesse mais elle prend le temps.
Elle va poser des questions, elle va demander des précisions. Elle
ne dit pas un oui sans réfléchir. Elle accueille vraiment au plus
profond d’elle-même cette parole. D’abord elle est bouleversée,
elle se demande, elle se pose des questions sur ce que peut
signifier cette salutation, puis elle demande « comment cela
va-t-il se faire ? » Ainsi on voit bien une évolution, une
histoire. Il lui faut du temps pour aller jusqu’à sa réponse. Il
lui faut des étapes… rien n’est acquis. Ensuite seulement, elle va
pouvoir dire son acceptation de l’évènement. Elle reçoit la parole
au plus profond d’elle-même ; Elle la promesse, la parole qui va
prendre chair en elle-même. Le Verbe se fait chair. Il va entrer
dans l’histoire humaine, par Marie.
A quelques jours de Noël, Marie nous montre le chemin. Sa réponse
est aussi pour nous tout un programme, tout un modèle. Dieu est
entré dans l’histoire humaine. Je trouve que cette année, avec les
circonstances particulières que nous vivons et connaissons, nous
sommes invités à approfondir cette dimension. Dieu ne vient pas
dans un monde imaginaire. Noël n’est pas une belle histoire pour
faire rêver les enfants. Nous croyons qu’il est venu en Jésus dans
notre histoire et que c’est aussi aujourd’hui qu’il vient. Il
vient dans notre monde marqué par les inquiétudes, les peurs, les
contradictions, les solitudes mais aussi les gestes de solidarité
ou de proximité. Il vient là et pas ailleurs. Il vient aussi
dans notre vie, la plus intime, marquée elle aussi par toutes ces
épreuves, mais aussi ces joies et ses espérances. Il ne vient pas
ailleurs, c’est au cœur de notre vie qu’il vient.
Dans la première lecture, le prophète Isaïe annonçait : «Comme la
terre fait éclore son germe, et le jardin, germer ses semences, le
Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes
les nations. » A travers cette réalité de notre terre, nous
pouvons rejoindre tout le mystère et la profondeur de ce temps que
nous vivons à l’approche de Noël. Oui il y a dans notre monde des
germes et des semences. Nous avons souvent bien du mal à les voir.
Nous sommes plus marqués par des peurs ou des constats de mort et
de désolation au cœur de notre hiver. La période difficile que
nous traversons ne nous incite pas à remarquer ce qui pousse, ce
qui grandit. Pourtant, changeons notre regard. Nous pourrons
surement découvrir des germes de paix, des semences d’amour… à
travers tel ou tel geste de solidarité ; à travers le respect de
la nature et de la création ; ce qui se prépare pour les
fêtes de Noël à travers par exemple ces paniers solidaires
préparés par le Secours catholique ; à travers une attention aux
personnes isolées ; à travers une pensée pour tous ceux qui
vivent difficilement l’isolement forcé… A chacun de continuer la
liste. Elle peut être longue. Oui, dans notre monde blessé
aujourd’hui, des semences et des germes apparaissent.
Ces germes deviennent pour nous des signes. Dieu lui-même est à
l’œuvre. C’est lui qui fait germer la justice et la gloire. C’est
lui qui vient nous la donner d’une façon unique dans la venue de
son Fils Jésus. Oui la gloire de Dieu, c’est-à-dire son être
profond nous est partagé, donné. Et Isaïe le promet c’est devant
toutes les nations. Il ne s’agit pas seulement d’un petit cadeau
réservé à une personne, voir même à un peuple. Non, tous les
peuples, toute l’humanité, toutes les générations peuvent
accueillir et bénéficier de ce fruit qu’est le Christ Sauveur. Il
est venu au milieu de nous et c’est le monde entier qui en est
transformé. Le monde n’est plus enfermé dans la mort. Par sa
résurrection, la vie est promise. Les germes peuvent produire des
fruits.
On dit que cette année, par la réalité de la situation, nous
sommes contraints de revenir au vrai sens de Noël. La fête et la
joie seront présents mais d’une façon plus profonde, plus vraie.
Certains disent que nous sommes invités à vivre une sobriété
heureuse. Dans la simplicité, ouvrons nos yeux et nos cœurs pour
découvrir ces germes et ces semences. Oui le Seigneur Dieu fait
germer sa justice et sa gloire devant toutes les nations.
Dans cette étape dans le temps de l’Avent, un nouveau personnage,
un nouveau témoin nous est proposé : Jean le Baptiste. Comme son
nom l’indique, il baptise. Mais il le fait pour se préparer, pour
se purifier. Il baptise dit-il avec de l’eau. C’est une étape,
mais il y en aura une autre, plus importante, plus complète. Jean
Baptiste se présente toujours comme celui qui annonce la venue
d’un autre. Il le montre, et il s’efface derrière lui. Cet autre
qui va venir est plus grand, plus fort que lui. Lui, il ne fait
que l’annoncer, que préparer son chemin. Lui, il le montre et il
s’efface derrière lui.
Jean- Baptiste est un modèle pour nous, dans ce temps de l’Avent.
Nous sommes à notre place chargés d’annoncer ce même Seigneur, de
le montrer. Nous ne sommes pas à notre compte, nous ne sommes pas
propriétaire du Christ Jésus. Il est l’Autre que nous attendons.
Il nous dépasse, il nous surprend, il est plus grand que nous.
Jean Baptiste est le dernier des grands prophètes, c’est à dire de
ceux qui parlent au nom de Dieu. Nous sommes de par notre baptême
également prophètes. Nous sommes chargés de parler au nom de Dieu,
de dire, de montrer ce Dieu qui vient faire toutes choses
nouvelles. Et il y a tant à faire, tant à annoncer. Les chemins
sont bien souvent tordus. Il y a des ravins, des escarpements.
Notre monde a tant besoin de cette Bonne Nouvelle. Nous sommes
dans ce temps si particulier où l’approche des fêtes de Noël nous
réjouit, mais où la peur et la violence se sont bien installées
dans notre monde. Alors, comme le prophète Isaïe, comme Jean-
Baptiste, qu’allons-nous annoncer pour notre monde tel qu’il est ?
Ne faut-il pas redire ce qu’est le sens profond de Noël pour nous
? Une fête évidemment, mais pourquoi faire la fête, pourquoi se
réjouir ensemble ? Il nous faut rendre compte de notre foi, dans
le respect de chacun bien sûr… mais n’est-ce pas urgent de dire
explicitement ce qui fait notre foi ?
Oui, nous croyons que Dieu est entré dans notre histoire. Il est
venu prendre nos chemins et il est venu ouvrir un possible,
inaugurer un monde nouveau. Ce monde nouveau est commencé et il
est toujours à accueillir. A la suite de Jean- Baptiste et comme
lui, élevons la voix avec force pour porter la Bonne Nouvelle au
monde. Dieu prend soin de chacun…
Avec ce premier dimanche de l’Avent, la Parole de
Dieu nous invite à entrer dans une première attitude : Veillez.
Jésus le dit même à tous : Veillez. Il faut donc entrer dans cette
attitude fond pour bien accueillir Celui qui vient parmi à Noël.
Mais dans quel sens ? Il faut regarder ce que Jésus dit avant. Il
raconte une parabole, il fait une comparaison. C’est comme un
homme parti en voyage. Il y a donc au départ une absence. L’homme
n’est plus là, il a quitté sa maison, il est parti et il confie
tous ses pouvoirs à ses serviteurs. Chacun sait ce qu’il a à
faire. Comment ne pas faire le lien avec le Christ lui-même. Il
est absent, il n’est plus visible au milieu de nous… Nous ne
pouvons manger et boire avec lui, comme dit l’Evangile. Il est
parti en voyage et il a confié ses biens et ses pouvoirs. Il a
envoyé ses disciples. Il a confié une mission, un travail précis à
ceux qui veulent le suivre. Disciples de Jésus le Christ, nous
avons chacun reçu une mission. La mission de témoigner, de
rayonner de cette vie en plénitude qu’il est venu nous donner,
nous confier. Il n’a pas gardé pour lui ce trésor. Il a pris des
distances, non pas pour s’en désintéresser mais pour faire
confiance, pour le confier aux hommes. C’est pour cela que nous
sommes invités à veiller. La veille et la confiance vont ensemble.
Une veille non pas crispée comme pour garder un trésor, le
préserver des voleurs qui peuvent venir à tout moment. Mais une
veille pour s’assurer que la Bonne Nouvelle est annoncée,
partagée. Il ne s’agit pas de veiller pour garder au chaud. Il
s’agit de veiller pour que le Christ lui-même puisse être donné,
partagé, connu, aimé. Veiller pour qu’un évènement puisse vraiment
avoir lieu, se produire réellement dans notre monde.
Nous savons et nous l’expérimentons : notre monde a tant besoin
de cette Bonne Nouvelle, tant besoin de la venue du Christ, Fils
de Dieu. Notre monde traverse des inquiétudes et des épreuves.
Chacun en a l’expérience. C’est au cœur de ce monde-là que
quelqu’un est promis. Voici que nous attendons que Dieu lui-même
vienne aujourd’hui. Que son message d’amour et de paix, de
plénitude de vie pour chacun puisse devenir concret et réel…
La veille et la confiance vont ensemble. La veille et l’action
vont ensemble. La veille et le témoignage vont aussi ensemble.
Viens Seigneur Jésus. Qu’il rende ferme notre foi, joyeuse notre
espérance et constante notre charité.